La tradition républicaine en France, solidement établie depuis 1848 et constamment réitérée depuis, veut que le chef de l'État soit « irresponsable » : il ne peut être mis en cause, et, a fortiori, renversé ou jugé, pour des actes commis durant l'exercice de ses fonctions. Sous la IIe République, la séparation stricte des pouvoirs instaurée en novembre 1848 explique en grande partie cette irresponsabilité ; sous les IIIe et IVe Républiques, c'est la nature parlementaire du régime mis en place qui en donne la raison essentielle.
La Ve République est à la fois une continuation et une rupture de cette tradition d'irresponsabilité. Continuation en ce que la constitution élaborée en 1958 reprend le principe d'une responsabilité qu'en cas de « haute trahison » — déjà présent en 1848 (art. 68), 1875 (art. 6, loi du 25 février) et 1946 (art. 42) —, sans faire de distinguo d'ailleurs entre responsabilité purement pénale (pour une infraction aux lois) et responsabilité purement politique (pour une divergence de vue sur la politique à suivre).
Rupture en ce que, élu directement par le peuple souverain, le président de la République n'est responsable que devant le peuple, ce qui revient, dans la plupart des cas, à le rendre irresponsable puisqu'aucun mécanisme n'est prévu pour sanctionner cette responsabilité en cours de mandat.
[...] Ce flou favorise en réalité une lecture politique du motif de destitution. En effet, la procédure de l'article 68 prévoit que les deux chambres se prononcent sur la proposition de réunir la Haute Cour, laquelle est en réalité un Congrès dans les faits. C'est donc le parlement, organe éminemment politique, qui doit décider de se réunir puis qui doit juger le président. Alors que la précédente Haute Cour de justice était une juridiction distincte des assemblées, on se retrouve ici avec un organe politique qui en juge un autre, avec, pour seule finalité, de destituer ce dernier. [...]
[...] Il en va tout autrement des faits commis durant l'exercice du mandat présidentiel. Le premier alinéa dispose en effet que Le président de la République n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, sous réserve des dispositions des articles 53-2 et 68 Il faut tout d'abord noter que la tournure en cette qualité vise à séparer actes commis durant le mandat de cinq ans et actes commis en tant que président. L'on peut tout de suite écarter les premiers : une infraction commise par le président, qui ne rentrerait pas dans le cadre des articles 53-2 et 68, ne pourrait être poursuivie durant le mandat du président, mais pourrait l'être à sa sortie de charge, par une juridiction de droit commun on retrouve ici la distinction faite par la Cour de cassation, à propos des actions des ministres, entre actes relevant de la charge de ministre (connus par la Cour de justice de la République si nécessaire) et actes commis durant la période où la personne est ministre (connus par la juridiction de droit commun adéquate). [...]
[...] La révision constitutionnelle de 2007 reprend cette jurisprudence. Ainsi, le président ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l'objet d'une action, d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite (art al. 2). La disposition est extrêmement large, et englobe tous les champs de la justice, et toutes les institutions susceptibles de le mettre en cause autorité administrative française Une telle disposition est raisonnable, dans la mesure où l'article 5 donne au président mission d'assurer le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'État et fait de lui le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités L'inviolabilité temporaire qu'on lui confère vise avant tout à protéger la fonction plutôt que l'homme ; cela d'autant plus que le délai de prescription ou de forclusion est suspendu, et que la constitution mentionne expressément la possibilité de reprendre une instance à laquelle obstacle aurait été ainsi fait L'alinéa 1er de l'article 67 : irresponsabilité et inviolabilité encadrées Toutefois, les procédures visées par les deux derniers alinéas du nouvel article 67 concernent surtout les faits commis avant l'entrée en fonction, ce pour quoi l'on autorise la reprise ou l'engagement des poursuites après la fin du mandat. [...]
[...] De la même manière que la responsabilité ministérielle s'est mise en place en France au travers de la responsabilité pénale des ministres (via notamment l'article 55 de la charte de 1814), il est possible que la responsabilité politique du président de la République apparaisse par le recours à procédure, alors que celle-ci visait les fautes commises par le chef de l'État. Mais, dès lors qu'il appartient au parlement de choisir de se réunir en Haute Cour et de décider de destituer le président, rien ne l'empêche de voir dans la politique menée par le président un manquement à ses devoirs 2 L'intégration de ce mécanisme au jeu institutionnel de la Cinquième République Il est assez paradoxal de voir que la réforme de 2007 fait des parlementaires les décideurs de la destitution du président, alors que l'œuvre du général de Gaulle a justement été de créer un président fort, par l'instauration du suffrage universel notamment, en 1962. [...]
[...] Dissertation La responsabilité du président de la République en France depuis la réforme du 23 février 2007 INTRODUCTION La tradition républicaine en France, solidement établie depuis 1848 et constamment réitérée depuis, veut que le chef de l'État soit irresponsable : il ne peut être mis en cause, et, a fortiori, renversé ou jugé, pour des actes commis durant l'exercice de ses fonctions. Sous la Deuxième République, la séparation stricte des pouvoirs instaurée en novembre 1848 explique en grande partie cette irresponsabilité ; sous les Troisième et Quatrième Républiques, c'est la nature parlementaire du régime mis en place qui en donne la raison essentielle. [...]
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