Par réaction aux maux ayant marqué les IIIe et IVe Républiques (instabilité gouvernementale avec respectivement cent sept et vingt quatre Gouvernements successifs, hégémonie parlementaire inhibitrice de l'action gouvernementale, pouvoirs honorifiques octroyés au Président de la République cantonné dans une simple fonction protocolaire consistant à « inaugurer les chrysanthèmes » et ne disposant d'aucun pouvoir affranchi de contreseing), les Constituants de 1958 décidèrent d'instaurer un exécutif bicéphale fort, composé d'un Président de la République « clé de voûte des institutions » (discours de Michel Debré devant le Conseil d'Etat le 27 août 1958) et d'un Gouvernement comportant à sa tête un Premier ministre Primus inter pares, chargé de la conduite et de la mise en oeuvre de la politique nationale. Cette consécration constitutionnelle d'un exécutif dualiste puissant constitue une nouveauté de la Constitution du 4 octobre 1958 caractérisée par une répartition savante (parfois incertaine et ambiguë, donc sujette à interrogation et extrapolation) des pouvoirs entre les deux composantes de l'exécutif. Le souci de rupture avec les régimes passés marque ainsi de son empreinte profonde le texte suprême (...)
[...] De surcroît, le Premier ministre cultive des domaines réservés comme l'arbitrage budgétaire et la conduite des relations avec le Parlement sur lesquels le Président de la République n'a aucune prise. Le régime perd son caractère «présidentialiste» et consacre un exécutif bicéphale équilibré. Le régime français se rapproche alors de celui de l'Allemagne dont la Loi Fondamentale du 23 mai 1949 confère au Chancelier le soin de fixer «les lignes directrices de la politique» (article 65) ou de l'Italie avec l'article 95 de la Constitution du 27 décembre 1947 énonçant que Président du conseil dirige la politique générale du Gouvernement et en est responsable». [...]
[...] Le Gouvernement et le Premier ministre recouvrent en effet la plénitude de leurs prérogatives contenues aux articles 20 et 21 de la Constitution. Ils assurent au quotidien la politique du pays en arrêtant les grandes orientations (après une simple information du Président qui ne fut d'ailleurs pas toujours respectée durant la première cohabitation) et en associant l'Assemblée nationale à leur entreprise (qu'ils y bénéficient d'une majorité absolue comme entre 1986-1988 et 1993-1995, ou d'une majorité dite «plurielle» entre 1997 et 2002). [...]
[...] Le Président peut aussi se trouver en présence d'une majorité relative à l'Assemblée nationale. Le soutien d'une majorité relative (1988-1993). Les élections législatives n'ont pas dans cette hypothèse accordé une victoire totale au parti du Président (ou aux partis qui le soutiennent), à tel point que la majorité parlementaire ne lui est plus entièrement acquise. Ce fut le cas en 1988 lors de la réélection de François Mitterrand. Les textes que le Président appelle de ses vœux ne sont plus aussi facilement adoptés au Parlement, les élus de l'opposition profitant de leur nombre élevé pour bloquer le mécanisme majoritaire et déposer de multiples motions de censure en application de l'article 49 alinéa 2 qui achoppent néanmoins toujours de quelques voix (par exemple celle du 27 mai 1992 portant sur la politique agricole commune dirigée contre Pierre Bérégovoy qui a obtenu deux cent quatre vingt six suffrages alors qu'il en fallait deux cent quatre vingt neuf pour provoquer la chute du Gouvernement). [...]
[...] * * * L'expérience de la dissociation des majorités présidentielle et parlementaire a consacré un amoindrissement de la fonction présidentielle consécutivement à la mise en place d'un authentique régime parlementaire. Le chef de l'Etat a néanmoins démontré comment en s'arc-boutant sur la Constitution, il pouvait toujours jouer un rôle de première importance malgré un Gouvernement et un Parlement hostiles. Ainsi, se met en place une «légalité négative» (formule du Professeur Pierre Avril) imposant aux deux têtes de l'Etat un code de bonne conduite, à respecter sous peine de déplaire à l'opinion publique ravie d'un tel système. [...]
[...] Devant une répartition aussi complexe, le Comité «Balladur» a suggéré en 2007 de clarifier la situation en confiant au chef du Gouvernement le soin de (seulement) mettre en œuvre les décisions prises dans les conditions prévues à l'article 15 en matière de défense nationale. Le chef de l'Etat déciderait alors dans le domaine militaire et le Premier ministre exécuterait. Pour finir, soulignons qu'en plus de ces «domaines réservés», existent des «domaines de vigilance» dégagés par François Mitterrand et repris par Jacques Chirac. Il s'agit du domaine social («acquis sociaux»), de la construction communautaire et de celui des technologies nouvelles pour lesquels le Président de la République se sent investi d'une mission de contrôle, de sauvegarde et d'encouragement. [...]
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