« Le vœu de la France s'est fait entendre ; la réforme de la justice et des tribunaux est un de ses premiers besoins, et la confiance publique dans le succès de la régénération, va s'accroître ou s'affaiblir, selon que le pouvoir judiciaire sera bien ou mal organisé » a affirmé Jacques Guillaume Thouret lors de son discours sur la réorganisation du pouvoir judiciaire le 24 mars 1790. Thouret, avocat et fils de notaire, fut un député du tiers état lors des Etats généraux, puis il est devenu à trois reprises président de l'Assemblée Nationale Constituante : il fut un des principaux personnages lors de l'élaboration de la nouvelle justice française. La justice était l'institution de l'Ancien régime qui suscitait les critiques les plus vives et aussi les plus justifiées : elle était lente, coûteuse, la procédure criminelle avec les ordalies étaient cruelles, les peines étaient lourdes et souvent disproportionnées, et les privilégiés faisaient preuve d'une extrême clémence, de plus la justice permettait l'enrichissement personnel. La justice était au cœur des cahiers de doléances de 1789 et s'inspirait beaucoup des ouvrages parus les années précédentes comme celui de Beccaria Des délits et des peines pour une nouvelle justice criminelle avec la proportion des peines par rapport aux délits. Le 9 juillet 1789, après que le roi ait ordonné la fusion des ordres et la réunion de tous les députés à l'Assemblée nationale, cette dernière au complet se proclame Assemblée nationale constituante : la souveraineté devient nationale et non plus royale. Nicolas Bergasse, avocat et député du tiers état, présenta le 17 août 1789 son rapport sur l'organisation judiciaire : il s'inspirait des principales doléances des cahiers des états généraux pour proposer une nouvelle organisation judiciaire comme par exemple l'instauration d'un juge de paix dans chaque canton ou la création de jury. L'Assemblée nationale constituante plus préoccupée par la rédaction de la future Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 décida d'ajourner son projet, cependant elle s'inspirait de son rapport pour la rédaction des articles 7, 8 et 9 de la Déclaration, ainsi « nul homme ne peut être accusé, arrêté, ni détenu que dans les cas déterminés par la loi », « tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable ».
Des réformes antérieures avaient eu lieu, comme par exemple le 24 août 1780, la suppression de la question préparatoire qui visait à torturer les inculpés pour leur retirer des aveux, mais l'existence de la question préalable visant à torture l'inculpé pour obtenir les noms des complices perdurait. Le garde des sceaux Lamoignon tenta dans sa réforme de 1788 de « moderniser » la justice, mais sa réforme fut rejetée. Cependant la principale réforme de la justice vient avec la loi des 16 et 24 août 1790 : elle installe des principes et institutions judiciaires qui pour certains sont toujours présents de nos jours.
Quels sont les grands principes qu'ont souhaité établir les députés de la Constituante pour aboutir à une nouvelle organisation judiciaire ?
Une réforme visant à faire « table rase » de la justice d'Ancien régime avec comme principale acteur le citoyen (I) qui cherche la simplification de la justice avec une nouvelle organisation (II).
[...] Seul le recours en cassation est possible pour vice de procédure ou mauvaise application de la loi. Le Tribunal de cassation a été créé par la loi des 27 novembre et du 1er décembre 1790 pour permettre une unité jurisprudentielle. Il doit simplement statuer sur des questions de droits et procédures et non pas de faits. Il ne peut interpréter la loi. Bibliographie : BABOT Agnès, BOUCAUD-MAÎTRE Agnès, Histoire des institutions publiques (1789 1870), Ellipses MORABITO Marcel, Histoire constitutionnelle et politique de la France (1789- 1958), Domat Montchrestien. [...]
[...] On souhaite instaurer le principe de proximité pour la justice qui se veut au service du citoyen, c'est pourquoi on décide de calquer les circonscriptions judiciaires sur les circonscriptions administratives. La carte judiciaire est unifiée et clarifiée en canton, district et département. De plus, on instaure le principe de gratuité pour que la justice ne soit plus une justice de privilégiés, les juges sont des fonctionnaires, donc rémunérés par l'Etat. Les citoyens ont à leur charge les frais de justice. [...]
[...] L'omnicompétence du citoyen dans la justice justifiée par la méfiance des constituants vis-à-vis des professionnels de la justice. La présence du citoyen dans la justice est le résultat de la Révolution qui met au centre de l'intérêt national le citoyen en lui donnant des compétences comme l'élection de ses représentants, mais aussi la capacité à juger : c'est le fruit de la souveraineté nationale. De plus, cette présence du citoyen est justifiée par la méfiance envers les professionnels de la justice qui durant l'Ancien régime se servaient de cette fonction pour s'enrichir. [...]
[...] Le but de la réforme de la justice est d'abaisser le pouvoir judiciaire à la simple application de la loi. Durant l'Ancien régime, les parlements interprétaient la loi, ce qui a donné lieu à des jurisprudences contraires. Les constituants ont une grande méfiance vis-à-vis des magistrats et pour éviter que ces derniers empiètent dans le domaine législatif, on va consacrer la primauté absolue de la loi : de ce fait, la justice ne pouvant être créatrice de droit, elle se contente d'appliquer la loi. [...]
[...] Une réforme visant à faire table rase de la justice d'Ancien régime avec un citoyen, principal acteur. L'exercice du pouvoir judiciaire a été si étrangement dénaturé, en France, qu'il est devenu nécessaire, non seulement d'en rechercher les vrais principes, mais de les tenir sans cesse présents à tous les esprits selon Jacques-Guillaume Thouret. La Révolution instaure la séparation des pouvoirs, qui va jouer un rôle négatif pour la justice et l'omnicompétence du citoyen dans la nouvelle justice A. Une séparation du pouvoir jouant un sens négatif pour la justice afin d'éviter un gouvernement des juges comme durant l'Ancien régime. [...]
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