«Le plébiscite, c'est un referendum d'initiative non populaire détourné de son but, organisé par un homme pour conserver ou amplifier le pouvoir qu'il détient ». Par cette affirmation, Jacques Cadart met en lumière la controverse portant sur le caractère réellement démocratique du referendum, et le risque de dérive plébiscitaire qu'il comporte.
Le referendum, vote direct par lequel les citoyens se prononcent sur une proposition de loi (referendum législatif) ou de constitution (referendum constituant), est apparu en France avec la République. La Constitution de l'an I a non seulement été adoptée par le peuple lui-même mais avait prévu la possibilité pour le peuple de s'opposer aux lois proposées par le corps législatif, grâce au veto législatif. Dans ce cas un référendum était organisé. Si les conventionnels ont choisi le référendum, c'est parce qu'ils ont construit leur Constitution autour de la notion de souveraineté populaire et non nationale. Un tel choix débouche sur la démocratie sinon directe du moins semi-directe puisque c'est le peuple réel, qui est titulaire de la souveraineté. D'ailleurs, dans cette même Constitution le peuple disposait également du droit d'initiative en matière de révision constitutionnelle. L'apparition du référendum dans les institutions intervient donc dans le cadre de la démocratie semi-directe comme l'un de ses instruments. Toutefois, comme la Constitution de l'an I ne sera pas appliquée, il faudra encore attendre pour que le referendum soit mis en pratique.
Certes les deux constitutions suivantes seront à leur tour ratifiées par le peuple. Mais, avec l'instauration du césarisme napoléonien l'histoire constitutionnelle va découvrir une dérive du référendum : le plébiscite, qui permettent à Napoléon Bonaparte de consolider et de légitimer son pouvoir. C'est un vote non pas sur un texte, comme les apparences le laissent croire, mais bien sur un homme. Il n'y a d'ailleurs qu'en France que le terme « plébiscite » a pris cette connotation péjorative, du fait de cette pratique.
Aujourd'hui, l'utilité et la légitimité du referendum font toujours débat. Conçu au départ comme un tempérament au régime représentatif, permettant la mise en place d'une démocratie semi-directe (I), le référendum apparaît souvent comme un instrument de la présidentialisation du régime, à travers sa dérive plébiscitaire (II).
[...] Aujourd'hui, le caractère plébiscitaire du referendum semble s'être résorbé. Ce n'est pas un soutien explicite au Président de la République qui s'est exprimé en premier lieu lors de l'adoption des referendums sur le traité de Maastricht (1992), sur le quinquennat (2000). De même, le rejet du referendum sur la constitution européenne (2005) ne marque pas une réelle désapprobation de Jacques Chirac, et n'entraîne pas sa démission, comme ça aurait été le cas par le passé. Il y a dans ces referendums une véritable volonté de consulter le peuple sur des questions importantes, plutôt qu'une stratégie pour contourner le Parlement et renforcer le pouvoir de l'exécutif. [...]
[...] Le referendum, du fait qu'il exprime directement la volonté du peuple, est en effet une arme très puissante en politique. Il est donc nécessaire de savoir qui en détient l'initiative. Le referendum : une arme absolue en politique, à ne pas placer dans n'importe quelles mains Le referendum est le moyen d'expression direct de la volonté du peuple, c'est donc l'arme la puissante dont puisse disposer un acteur du jeu politique. En effet, il est strictement impossible d'aller contre la volonté du peuple souverain. [...]
[...] C'est notamment le cas en Suisse, berceau de la démocratie semi-directe, et dans la plupart des Etats des Etats-Unis. En Suisse, dès le XIXe siècle, on a admis la nécessité du referendum pour l'adoption de la constitution, et du droit d'initiative populaire en matière constitutionnelle. En ce qui concerne l'intervention populaire dans le processus législatif, il existe le veto populaire, le referendum obligatoire (imposé pour les décisions dans certains domaines) ou l'initiative populaire qui permet aux citoyens de proposer l'adoption d'une loi. [...]
[...] La caractéristique de ces plébiscites est qu'ils relèvent d'un Césarisme notoire. En effet, ici, en plus de mettre en jeu un soutien explicite au pouvoir de l'exécutif, les plébiscites exercent une pression sur l'électeur dans le sens où il faut implicitement choisir entre ce régime et l'absence de régime, entre un ordre défini et l'anarchie. Il n'y a donc pas vraiment d'alternative, c'est une logique de salut public qui prime ici. Parfois, malheureusement, dans un souci de raffinement, et par manque d'expérience, les constituants de certains pays européens ont attribué au referendum le rôle d'arbitre en cas de conflit entre l'exécutif et le législatif. [...]
[...] Lorsque l'initiative d'une telle procédure est mise entre les mains d'un des organes constitutionnels, en particulier l'exécutif, il peut nuire à la démocratie en prenant la forme d'un plébiscite. En effet, lorsqu'il émane de l'exécutif, le referendum revient à approuver la politique d'une personne précise. Ce n'est plus une participation du peuple au processus législatif, mais l'expression de son soutien à une personne. Le referendum contribue alors lui accorder une immense légitimité. En fait, le problème d'un referendum émanant de l'exécutif, c'est que ce dernier peut choisir le moment, les termes et le sujet de la question, de façon à être sur de l'emporter. [...]
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