Les constitutionnalistes peinent encore aujourd'hui à définir précisément la nature du régime politique qu'institua la constitution du 4 octobre 1958. Pour les uns, on se trouve en face d'un régime parlementaire — caractérisé principalement par l'existence d'une responsabilité politique du gouvernement devant la représentation nationale — tandis que, pour les autres, on est face à un régime que l'on dit « présidentialiste », car le président est le centre du jeu institutionnel, au quotidien.
L'on se retrouve, en vérité, face à un phénomène connu, et courant : alors qu'une constitution fixe un certain régime, en précisant les mécanismes qui le régissent, la pratique institutionnelle est toute autre. Il en a été ainsi en 1875 — le parlementarisme orléaniste des lois constitutionnelles a vite dévié vers un parlementarisme moniste, vers un « régime d'assemblée », niant et même violant la norme fondamentale de l'État — et en 1946 — le régime parlementaire rationalisé et équilibré ayant, à son tour, dévié vers un régime d'assemblée contraire à la Constitution.
Sous la Cinquième République, le phénomène se reproduit : la lettre et la pratique du régime sont différentes et même contraires. Ainsi, il suffit de lire l'article 20 de la constitution : « Le gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation ». Personne, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, comme sous celle de François Mitterrand ou du général de Gaulle, n'oserait dire que la détermination et parfois même la conduite de la politique nationale n'a pas été décidée au palais de l'Élysée en période de concordance des majorités.
[...] [ ] C'est d'une autre lecture qu'il s'agit : là où la Constitution confère une attribution au gouvernement, il faut lire Premier ministre” ou gouvernement” ; là où elle confère une attribution au Président de la République, il faut lire Président de la République”. Chacun chez soi . L'analyse de la constitution, sous l'angle d'une application stricte du texte, conduit à reconnaître au premier ministre un rôle absolument déterminant dans les institutions. La réalité des pouvoirs lui appartient en effet : il détermine et conduit la politique de la Nation avec le gouvernement (art. qu'il dirige (art. [...]
[...] La théorie du domaine réservé n'a aucun fondement constitutionnel : le gouvernement dispose en effet, selon la constitution, des compétences nécessaires pour conduire la politique militaire et étrangère (art et mais la pratique institutionnelle a conduit à reconnaître l'existence de ce domaine réservé au président. Toutefois, sous la deuxième cohabitation (1993-1995), l'expression a été modifiée en domaine partagé entre président et premier ministre, et, sous la troisième cohabitation (1997-2002), Lionel Jospin a nié qu'un domaine aussi important puisse échapper au contrôle du gouvernement, et il a soutenu que l'article 20 englobe aussi la politique extérieure. La théorie du domaine réservé semble donc avoir vécu. [...]
[...] La cohabitation, ou un exécutif rééquilibré Après vingt-huit années de concordance entre majorité parlementaire et présidentielle, l'élection d'une Assemblée nationale de droite sous un président de gauche en 1986 a profondément bouleversé l'équilibre institutionnel qui s'était instauré jusque-là. François Mitterrand ayant refusé de démissionner, contrairement à la conception gaullienne des institutions, le pays s'est retrouvé dirigé par deux personnes opposées politiquement : le président Mitterrand et Jacques Chirac. La même situation s'est reproduite en 1993 (avec Édouard Balladur cette fois), puis en 1997 (Lionel Jospin et Jacques Chirac). [...]
[...] Au nom de la défense de ces principes, le président a estimé qu'il avait le devoir d'exprimer son désaccord, voire de s'opposer au gouvernement refus de signer des ordonnances, refus de convoquer une session extraordinaire du parlement, refus de convoquer le Congrès pour voter une réforme constitutionnelle François Mitterrand est ainsi devenu le leader de l'opposition, tout comme Jacques Chirac après lui. À la question de savoir qui gouverne réellement le pays sous la Cinquième République, la réponse est donc à varier suivant la période dans laquelle on se place. [...]
[...] L'usage ayant été reconnu au président de renvoyer les ministres, un ministre qui refuserait d'accorder son contreseing se verrait aussitôt remercié. Rien n'empêche donc le président de mener la politique à sa guise : les actes réglementaires pris avec le contreseing de ministres par le président sont, en réalité, pris par le président seul. Le président se sert de ses prérogatives propres, mais il emprunte aussi celles que la constitution reconnaît au premier ministre et au gouvernement d'une manière plus générale. [...]
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