Dans une décision en date du 9 avril 1992 sur le Traité de Maastricht, le Conseil constitutionnel a déclaré sans détour qu' "en sa qualité d'assemblée parlementaire, le Sénat participe à l'exercice de la souveraineté nationale". Le bicamérisme ainsi consacré par les neuf sages, il est difficile de remettre en cause l'institution sénatoriale.
Pourtant, dans un entretien au Monde le 21 avril 1998, le premier ministre Lionel Jospin s'exclamait : "une chambre comme le Sénat, avec autant de pouvoirs, où l'alternance n'est jamais possible, qui n'est pas élue au suffrage universel direct et qui n'a pas la caractéristique d'être une chambre fédérale, c'est une anomalie parmi les démocraties". Il s'agit donc de donner son avis sur cette prise de position extrême. Les arguments du chef de l'exécutif sont-ils fondés ? La question de la Chambre haute est essentielle. Les pouvoirs lui sont confiés par la Constitution de 1958. Ils sont d'ailleurs cruciaux. L'alternance, quant à elle, n'était apparemment pas possible mais si elle semble envisageable depuis quelques années. En écoutant les paroles du premier ministre Jospin, il semblerait qu'il existe une disposition qui interdit formellement d'avoir un Sénat à gauche – puisque c'est cela qu'il désirait. Il est vrai, considérant le troisième argument, que les sénateurs ne sont pas élus au suffrage universel direct. C'est indéniable. Enfin, il est logique que le Sénat ne soit pas une chambre fédérale puisque la France n'est pas une République Fédérale. Il faut surtout se focaliser sur les termes "anomalies dans la démocratie". En somme, ces quatre arguments sont-ils une justification suffisante pour qualifier le Sénat d'institution anti-démocratique ?
[...] C'est une sorte de protection institutionnelle du bicamérisme. Il reste à définir ce que sont les lois organiques relatives au Sénat. Le Conseil Constitutionnel s'est exprimé à ce sujet dans une décision du 10 juillet 1985. Ces lois ont "pour objet de poser, de modifier ou d'abroger des règles concernant le Sénat". Pour les autres lois organiques, le veto sénatorial disparaît. Seule l'expression "autant de pouvoirs" n'est pas erronée dans la déclaration de Monsieur Jospin du 21 avril 1998. Toutes les autres sont fausses ou mal employées : "l'anomalie parmi les démocraties" est le sommet de l'inexactitude ou un contre-sens puisque le Sénat est respectueux des principes démocratiques. [...]
[...] Enfin, même si le Sénat n'est pas une chambre fédérale en tant que telle, cela ne l'entache pas d'un caractère anti-démocratique La légitimité sénatoriale La mandat de sénateur est de neuf ans. C'est un mandat plus long que celui des députés. Cela constitue donc une chambre qui est moins sensible aux changements politiques et qui est plus sereine. Elle peut ainsi exercer un contre-pouvoir envers l'Assemblée Nationale qui est elle plus fluctuante, changeant la totalité de ses représentants tous les cinq ans. Mais ce mandat plus long est-il légitime ? [...]
[...] Il est donc considéré comme le représentant de la continuité de l'Etat, un président intérimaire. Le cas s'est présenté en 1969 et en 1974 lorsque Alain Poher était Président du Sénat. Malgré la non-capacité de recours aux articles 11 et 12 de la Constitution, c'est un pouvoir important donné au chef de l'institution sénatoriale. Qui plus est, ce même homme a des compétences au sein du Conseil Constitutionnel. Il peut, en effet, le saisir et il nomme le tiers de ses membres selon les articles 61 et 56. [...]
[...] Il doit juste s'accomoder de celui-ci. C'est ce qu'a fait le gouvernement Jospin de 1997 à 2002. La déclaration n'a pas dû l'aider outre mesure. Cette dernière limite plaide en faveur du Sénat qui semble ne pas avoir "autant de pouvoirs" que cela. La déclaration de Monsieur Jospin du 21 avril 1998 est en fait sort le reflet de la méconnaissance de l'institution sénatoriale sort des paroles involontaires. Des termes comme "anomalie" ou des sous-entendus anti-démocratiques doivent être supportés par des arguments solides et ils ne l'ont pas été. [...]
[...] Enfin, il est logique que le Sénat ne soit pas une chambre fédérale puisque la France n'est pas une République Fédérale. Il faut surtout se focaliser sur les termes "anomalies dans la démocratie". En somme, ces quatre arguments sont-ils une justification suffisante pour qualifier le Sénat d'institution anti-démocratique ? Ce sujet et cette déclaration sont d'autant plus passionnants que, suite à ces paroles, Lionel Jospin avait fait l'objet d'une vive critique de la part des sénateurs et d'une grande partie de la classe politique. [...]
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