Tout Etat libre où les grandes crises n'ont pas été prévues est à chaque orage en danger de péril , a dit Jean-Jacques Rousseau. Dix ans plus tôt, il avait dit : « On ne doit jamais arrêter le pouvoir sacré des lois quand il s'agit du salut de la patrie ». Ainsi le grand théoricien de la suprématie de la volonté générale à qui l'état de droit n'était pas indifférent avait vu la nécessité de ce que, depuis, on a appelé l'état d'exception. On désigne par cette expression la situation dans laquelle se trouve un État qui, en présence d'un péril grave, ne peut assurer sa sauvegarde qu'en méconnaissant les règles légales qui régissent normalement son activité (c'est-à-dire l'état de droit en place, sans un cadre défini par des règles de droit). L'état de droit est selon Kelsen « la structuration d'un ordre juridique, hiérarchique et pyramidal dans lequel les normes s'emboîtent et s'articulent à l'intérieur d'un tout organique, stratifié successivement par la constitution, la législation et le règlement » . L'organisation de l'État, en période normale, est conçue de manière à réaliser un équilibre entre les exigences du pouvoir et celles de la liberté. Cette position médiane entre efficacité et respect des principes fondamentaux ne convient plus lorsqu'il s'agit de faire face à un danger exceptionnel et que le besoin de rapidité et réactivité passe au premier plan. Cet état d'exception s'exprime par l'intermédiaire de législations dont le caractère exceptionnel tient souvent autant à la manière de les adopter (qui peut constituer un infraction par rapport au fonctionnement des pouvoirs publics prévu par la constitution, en général au profit de l'exécutif) qu'à son contenu qui contrevient fréquemment aux principes fondamentaux garantissant liberté et droits aux individus ? L'exception est un cas qui tout en entrant dans le champ d'application de la règle de droit est privé pour des raisons particulières du bénéfice du régime juridique organisé par celles-ci. Le meilleur exemple en droit constitutionnel français actuel de ces législations d'exceptions serait celles autorisées au président par l'article 16 de la Constitution 1958. L'on a d'ailleurs coutume de dire que cet article s'inspire des dictatures romaines et que son effet consiste en une suspension de la constitution. De là à la suspension de l'état de droit, puis à son abolition pure et simple, il semble n'y avoir qu'un (ou deux) pas législatif que rien n'empêche le président-dictateur de faire à la faveur des circonstances exceptionnelles. Ainsi, il apparaît de manière évidente qu'état de droit et état d'exception ne font pas bon ménage. Pourtant, quand de Gaulle eu recours à l'état d'exception tel que prévu par l'article 16, en mai 1961, il le fit explicitement pour protéger (voire rétablir) l'état de droit menacé par les putschistes d'Alger.
Le problème est celui de déterminer l'attitude du droit devant le phénomène de la législation d'exception. Une double question se pose donc : d'abord, celle de savoir si l'état d'exception (installé par des législations d'exceptions) est inclus dans l'état de droit (est-il prévu, encadré, limité dans son apparition, dans son application mais surtout dans sa suppression par des règles de droits ?) puis celle de savoir si l'état d'exception se situe au-dessus des principes de droits et de libertés individuelles.
On verra tout d'abord dans un premier temps comment les législations d'exceptions se situent au-dessus de l'état de droit (et ceux aussi bien par nature que dans les faits) puis dans un second temps que des solutions ont été trouvées aussi bien par les juges que par le législateur pour les y ramener et les y circonscrire autant que faire ce peu.
[...] Toutefois, la législation d'exception est parfois nécessaire car la loi ne peut pas tout prévoir et que les pouvoirs publics peuvent constater cette carence et vouloir y remédier. Il faut donc trouver des solutions pour amoindrir les risques que représente la législation d'exception pour l'état de droit Mais des solutions ont été trouvées pour le ramener et le limiter dans l'Etat de droit L'histoire montre bien que la nécessité du recours à l'exception s'est maintes fois fait ressentir dans les démocraties modernes dans le but même de la sauvegarde de l'Etat et de la nation ou de l'état de droit qui revient au même puisque pour que l'état de droit existe, il faut un Etat). [...]
[...] Pour qu'il y ait exception, il faut qu'il y ait nécessité impérieuse, or cela pose un problème de définition car la notion d'état de crise (de laquelle se dégage celle de nécessité), qui serait la justification légale de l'exception (et permettrait l'exception sans faire perdre à la règle son sens), n'est pas objective, elle n'existe qu'une fois qu'elle a été déclarée. Mais par qui ? Et sur quels critères ? En effet, comme le dit le commissaire du gouvernement Letourneur : Circonstances exceptionnelles Idée imprécise qui ne saurait être définie et varie avec chaque espèce[4]. De plus, la situation de crise, provoquant la nécessité, n'est pas vraiment identifiable sur le moment, mais plutôt a posteriori. Par exemple, l'état de crise peut être déclaré à la suite d'un événement que la postérité ne retiendra que comme mineur. [...]
[...] Hoffer), le Conseil d'Etat choisi de soutenir la législation d'exception utilisée, dans une décision marquée par le silence de la Constitution ce qui prouve selon François Saint-Bonnet le choix de contrôler au regard d'une loi antérieure à la Constitution (en l'occurrence celle du 3 avril 1955). On peut s'interroger, comme le fait Pierre Clément Frier, sur l'existence de réelles alternatives aux législations d'expression. Puisqu'elles sont nécessaires, il faut bien trouver des solutions pour pacifier l'usage des législations d'exceptions qu'il faut limiter et qui doivent présenter des garanties Car en effet, il faut bien trouver un juste milieu entre efficacité et légalité. [...]
[...] Celle-ci porte principalement sur le contrôle de l'économie, afin de l'orienter selon les intérêts nationaux, sur la réquisition de biens, ou encore sur la mobilisation de personnes. Le Gouvernement dispose ainsi de pouvoirs étendus, de même que l'administration peut restreindre et limiter la liberté de circulation, du commerce ainsi que les droits de la propriété. Là, le coup est encore plus fort qu'à la suite de la déclaration de l'état de siège, ce sont des droits et des libertés fondamentaux qui sont endommagés (propriété, liberté de rassemblement etc. [...]
[...] Cette jurisprudence des circonstances exceptionnelles fera date. Le Conseil d'Etat se prévaut alors soit d'une interprétation souple de la loi, soit de la primauté du salut de la Nation. Ainsi par l'arrêt Heyriès (28 juin 1918), le Conseil d'État admet qu'en période de crise, voire, comme dans le cas de l'espèce, en période de guerre, la puissance publique dispose de pouvoirs exceptionnellement étendus afin d'assurer la continuité des services publics. Selon Hauriou, le Conseil d'Etat a estimé que l'exécutif avait pour mission, bien sur d'exécuter les lois, mais aussi et surtout d'assurer la marche de l'administration et du gouvernement. [...]
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