Jusqu'à la fin des années 1970, le mot « cohabitation » avait un sens substantiellement différent de celui qu'il prit à partir de 1986. En effet, à l'origine, pour les constituants de 1958 et le général de Gaulle lui-même, une cohabitation désignait en fait un conflit entre d'une part, le Président de la République et le Premier Ministre (formant un exécutif fort), et d'autre part l'Assemblée, symbole même d'un législatif instable. Nous ne sommes pas ici fort éloignés de la crise du 16 mai 1877. Ceci reflète les difficultés françaises à concilier le pouvoir du suffrage universel et celui du Parlement, par une sorte de conflit des légitimités. Il est d'ailleurs intéressant de constater que le général de Gaulle s'était déjà lui-même préparé à une telle configuration, à la veille des élections de mars 1967. Envisageant la possibilité d'une courte défaite de la majorité présidentielle, le Président de la République, dans un entretien rapporté par Alain Peyrefitte, avait envisagé de nommer un « gouvernement de gestionnaires », « d'hommes de la société civile ». En cas de censure contre ce « gouvernement de grands commis », il aurait alors prononcé la dissolution. Mais cette hypothèse ne lui paraissait pas la plus probable : « Cette Constitution est faite pour gouverner sans majorité », avait-il l'habitude d'affirmer, envisageant ainsi en quelque sorte une « lecture américaine » des institutions.
[...] La décision finale devrait théoriquement partout revenir au Premier Ministre. En effet, tout d'abord, en droit français, l'indicatif vaut l'impératif : le Président aurait donc compétence liée. D'autre part, les travaux préparatoires de la Constitution, en 1958, ont affirmé cette même compétence liée. Enfin, on peut s'interroger sur la capacité de la tradition à modeler des pratiques qui perdurent. Le fait qu'il y ait un culte du précédent n'implique en aucune façon que ce précédent soit juridiquement valable, et rien n'implique donc que cette tradition doive être préservée. [...]
[...] Ainsi, le Président peut en appeler à l'arbitrage du peuple, par le biais du référendum (art.11), provoquer la dissolution de l'Assemblée Nationale (art.12), exercer son droit de message (art.18), faire appel au juge constitutionnel (art et décider de nommer le Premier Ministre, bien qu'il n'ait ni la possibilité de le choisir (le chef de la majorité parlementaire, ou celui désigné comme tel), ni celle de le révoquer (art.8, al.1), et enfin exercer les pleins pouvoirs, bien qu'ici également le facteur circonstances soit déterminant (art.16). On pourrait également citer bien évidemment sa propre démission, qui pourrait lui offrir une nouvelle légitimité, et lui permettre de reconquérir l'Assemblée. Voici donc les seuls pouvoirs dont le Président peut se targuer d'user avec une complète liberté. Mais en dehors de ceux-ci, l'interprétation de la Constitution est bien plus problématique, en cela qu'elle renvoie au contreseing du Premier Ministre (art.19). On pourrait donc ici discuter de sa liberté d'agir dans ces configurations. [...]
[...] Qui gouverne en période de cohabitation ? Jusqu'à la fin des années 1970, le mot cohabitation avait un sens substantiellement différent de celui qu'il prit à partir de 1986. En effet, à l'origine, pour les constituants de 1958 et le général de Gaulle lui- même, une cohabitation désignait en fait un conflit entre d'une part, le Président de la République et le Premier Ministre (formant un exécutif fort), et d'autre part l'Assemblée, symbole même d'un législatif instable. Nous ne sommes pas ici fort éloignés de la crise du 16 mai 1877. [...]
[...] Quelles sont donc, du point de vue de la Constitution, ses prérogatives ? Il faut pour cela nous pencher principalement sur les articles 20 Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation et 21 Le Premier Ministre dirige l'action du Gouvernement Par un syllogisme des plus simples, on peut donc en déduire que le Premier Ministre détermine et conduit la politique de la nation. Concrètement, le chef du Gouvernement dispose également du pouvoir réglementaire et assure l'exécution des lois. [...]
[...] On imagine l'importance prise par ce domaine après l'apparition de la cohabitation. Ainsi, si l'on examine de plus près la Constitution, on peut s'apercevoir que, selon l'article 52 al.1, le Président négocie et ratifie les traités Cependant, le gouvernement peut préférer des accords simplifiés pour lesquels le chef de l'Etat est uniquement tenu informé (52 al.2). De plus, le Président est le chef des armées et préside les conseils et comités supérieurs de la défense nationale (art.15). Mais le Gouvernement dispose, quant à lui, de la force armée, en vertu de l'article 20. [...]
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