Sous la III° République après 1879 et sous la IV° République, la question de savoir qui gouvernait la France ne se posait pas véritablement, tant l'exécutif était dominé par le Président du Conseil. En revanche, déterminer qui gouverne vraiment la France sous la V° République ne va pas de soi.
En effet, la constitution partage le pouvoir exécutif entre 2 fonctions distinctes, celle de Président de la République et celle de premier ministre, chacune disposant de prérogatives étendues. En outre, il est nécessaire de préciser ce que l'on entend précisément par gouverner. Gouverner, c'est à la fois élaborer des politiques et les mettre en œuvre. D'un côté, la constitution de la V° République se distingue clairement de la constitution de la IV° République en donnant au Président de la République un rôle de tout premier plan, en précisant ses attributions dès l'article 5 alors que celles du premier ministre ne le sont qu'à partir de l'article 21 ; d'un autre côté, elle le désigne comme un arbitre, ce qui implique qu'il garde une certaine neutralité et que les décisions politiques reviennent au premier ministre.
Dans la pratique les choses ne sont pas beaucoup plus claires.
[...] Compte tenu des pouvoirs du Président de la République bien plus étendus que ceux du Premier ministre et de la subordination du second au premier, ainsi que la quasi suppression de la possibilité de la cohabitation depuis l'instauration du quinquennat, nous pouvons considérer que c'est clairement le Président de la République qui gouverne la France. Cependant, il convient de ne pas sous-estimer la fonction de Premier ministre ; dans la mesure où il contrôle l'appareil administratif et où la constitution lui octroie de larges prérogatives, il garde un rôle important dans la mise en oeuvre de la politique de la Nation. [...]
[...] C'est ainsi qu'en 1981, la campagne de François Mitterrand s'articule autour de 110 propositions concrètes, alors que les fondateurs de la constitution, qui n'avaient même pas décidé d'instaurer l'élection de Président au suffrage universel, n'avaient sans doute pas imaginé que la fonction présidentielle prendrait une orientation si triviale si impliquée dans les affaires concrètes. En 2000, l'instauration du quinquennat n'a fait qu'institutionnaliser cette pratique qui avait donné lieu à la répétition d'épisodes de cohabitation entre 1986 et 2002, situations jugées contraires à l'esprit de la constitution. Outre l'inversion du calendrier électoral, le quinquennat a réduit la durée du mandat présidentiel de 7 à 5 ans. [...]
[...] La présidence de Nicolas Sarkozy semble franchir un pas supplémentaire dans cette direction : le Président actuel, nous le voyons chaque jour, s'implique directement et systématiquement dans la moindre affaire particulière. De la même manière, Nicolas Sarkozy a pris l'habitude de réunir autour de lui certains ministres à l'Elysée, en l'absence du Premier ministre. Cette pratique illustre largement la mutation du rôle du Président au détriment du Premier ministre. Cette évolution de la fonction présidentielle, au-delà de la personnalité de Nicolas Sarkozy, résulte essentiellement de l'instauration du quinquennat. [...]
[...] L'équilibre des pouvoirs au sein de l'exécutif dépend pour beaucoup de la personnalité du Président de la République, car c'est à lui qu'appartient le choix du Premier ministre. En 1988, la nomination de Michel Rocard par François Mitterrand peut paraître surprenante : l'un et l'autre, s'ils appartiennent au Parti socialiste, sont en réalité issus de 2 courants radicalement opposés, celui de l'héritage marxiste contre celui de l'héritage libéral. Ainsi, la nomination de Michel Rocard est presque celle d'un opposant et entre 1988 et 1991, l'autonomie laissée au Premier ministre lui assure un vrai pouvoir décisionnel ; pour preuve, la politique menée durant la période est celle d'une gauche libérale. [...]
[...] Les premières années de la République sont consacrées à la résolution de la crise algérienne ; la situation est urgente, elle est ce qui justifie le retour du Général au pouvoir. Cette situation tout à fait particulière va donc jouer un rôle fondamental dans l'affirmation de la prépondérance de la fonction présidentielle. En outre, le général de Gaulle est une personne exceptionnelle, providentielle : il est celui qui, à deux reprises, a sauvé la France. Il est donc tout à fait logique qu'à cette époque, le Président domine le nouveau cadre institutionnel. [...]
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