Michel Debré présentait le 27 août 1958 l'une des innovations majeures de la Ve république : « la création du conseil constitutionnel manifeste la volonté de subordonner la loi, c'est-à-dire la décision du parlement, à la règle supérieure édictée par la Constitution. La Constitution crée ainsi, une arme contre la déviation. »
Michel Debré ici annonce clairement d'une part la rupture de la Ve république avec la tradition républicaine française. En effet de 1789 à 1958, la tradition constitutionnelle française rejetait catégoriquement toute idée d'un contrôle de constitutionnalité. La loi, expression de la volonté générale- selon l'expression de Jean Jacques Rousseau –consacrée à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen – ne pouvait souffrir de voir sa primauté remise en cause, ne saurait faire l'objet d'une limitation extérieure. La Ve république en instituant un organe régulateur de l'activité des pouvoirs publics, acceptait de supplanter l'infaillibilité des législateurs, en tant que représentants de la volonté générale par la nécessité d'une garantie juridictionnelle des textes constitutionnels.
D'autre part, Michel Debré mentionne clairement que le conseil constitutionnel est une exigence constitutionnelle, ainsi légitimé par la volonté du peuple souverain, au même titre que le principe de souveraineté nationale énoncé à l'article 3 de la Constitution.
Certes, si en 1958, le conseil constitutionnel était limité au rôle de gardien des prérogatives normatives du gouvernement ; aujourd'hui, il veille au respect des droits fondamentaux, et le fait est qu'il a potentiellement le pouvoir d'influencer et de tempérer les résultats voulus par le peuple.
Il est alors tout à fait d'actualité de s'interroger sur l'impact du rôle du conseil constitutionnel sur la représentation de cette souveraineté nationale, a priori remise partiellement en cause en tant que « canon braqué sur le parlement ».
De même, le conseil constitutionnel s'étant vu remettre la protection de l'œuvre du peuple souverain, par la Constitution elle-même, n'est-il pas alors le garant de ce principe de souveraineté nationale ?
Il convient alors d'envisager l'ambiguïté des rapports du conseil constitutionnel avec la souveraineté nationale dans un premier temps d'un point de vue normatif, le conseil étant un protecteur avisé de ce principe et dans un second lieu d'un point de vue institutionnel, la nature même de son rôle pouvant conduire à la soupçonner de porter atteinte aux représentants de la volonté générale.
[...] Ainsi, il se prononce exclusivement en droit , au regard du bloc de constitutionnalité. Et surtout, le constat révèle que même si une décision du conseil prononce l'inconstitutionnalité d'une loi, d'émanation législative, celle- ci peut prendre la forme d'une loi constitutionnelle. En effet, lors des révisions constitutionnelles : les parlementaires, représentant de la volonté générale, se font représentants de la volonté constituante lorsqu'ils se réunissent en congrès pour adopter une loi constitutionnelle. Une hiérarchie s'instaure ainsi nécessairement entre les deux volontés au profit de celle du peuple constituant, véritable souverain. [...]
[...] Il n'y a que des transferts de compétence et sous réserve de réciprocité B. Le conseil constitutionnel, un protecteur avisé de la souveraineté dans l'ordre interne La souveraineté nationale est un principe constitutionnel fondamental que le conseil constitutionnel en tant que gardien de la Constitution se doit de protéger. Certes protège-t-il cette souveraineté face à l'implantation du droit d'origine externe mais son rôle ne s'arrête pas là. La Constitution, être vivant selon D. Rousseau, est le symbole du pouvoir constituant. [...]
[...] En outre, selon Kelsen, le conseil constitutionnel utilise des techniques qui font de lui un véritable législateur négatif Son intervention dans le processus législatif est considérable et limite de facto les moyens d'expression des représentants de la souveraineté nationale. Certes, ce sont les parlementaires qui votent les lois, mais ces dernières ne seront pas promulguées si le conseil les juge inconstitutionnelles. Il est un contrôleur de la moralité constitutionnelle et politique »des lois. L'avis approbateur ou non favorable du conseil constitutionnel est une étape nécessaire du processus législatif s'il a été saisi. Et cela d'autant plus, que le principe posé par l'article 62 de la Constitution est absolu dans l'ordre interne. [...]
[...] Incontestablement, par son statut même, le conseil constitutionnel connaît de nombreuses limites favorables à l'expression de la volonté nationale. Tout d'abord, de nombreuses normes échappent à son contrôle. Le conseil constitutionnel est dans l'impossibilité de saisir lui même et si les autorités compétentes pour le faire ne le font pas, une fois la loi promulguée, même comportant une disposition contraire à la Constitution, elle est inattaquable. La Constitution a strictement délimité la compétence du conseil constitutionnel ; celui-ci ne saurait être appelé à statuer ou à émettre un avis que dans les cas et suivant les modalités qu'elle a fixées Le conseil constitutionnel lui-même dans sa décision du 14 septembre 1961 reconnaît que la qualité de juge de la conformité des lois à la Constitution ne lui confère pas un pouvoir discrétionnaire. [...]
[...] C'est pour cela aussi qu'il n'a admis que restrictivement en 1992, le droit de vote et d'éligibilité des ressortissants communautaire aux élections municipales. Pour autant, il a admis que la souveraineté soit limitée par le droit international. Le Conseil a en la matière une jurisprudence évolutive puisqu'il est passé de la distinction transfert-limitation de souveraineté à la constitutionnalité des transferts de compétences. En outre, ces dernières années, le conseil constitutionnel a largement participé à la constitutionalisation du droit européen. Par plusieurs décisions rendues, il a souligné l'absence de contradiction avec les traités européens et la Constitution. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture