Le principe d'égalité est-il un frein à la décentralisation ?

Extraits

[...] Exigence de proximité et principe d'égalité doivent dès lors être conciliés, sans que le second ne freine la première, tout aussi nécessaire. En outre, décentralisation et principe d'égalité peuvent être complémentaires. Ainsi, deux collectivités disposant de compétences transférées identiques conduisent des politiques différentes si elles ne disposent pas des mêmes moyens financiers. Pour que la décentralisation soit efficace, les collectivités doivent disposer de moyens suffisants pour utiliser pleinement leurs prérogatives. Cela implique des transferts de ressources entre collectivités, autrement dit l'application à la décentralisation du principe d'égalité. Comment concilier l'exigence de proximité, moteur de la décentralisation, et le principe d'égalité ? [...]

[...] Le principe d'égalité apparaît ainsi comme un frein à la décentralisation. Si elle peut entrer en contradiction avec le principe d'égalité, la décentralisation est toutefois nécessaire pour garantir une administration efficace et satisfaire l'exigence de liberté politique (Hauriou) des citoyens (B2). La décentralisation permet une prise de décision adaptée et souple. Adaptée, car l'échelon territorial est plus proche des réalités locales. À l'inverse, l'application à tous les administrés des mêmes règles, conformément au principe d'égalité, ne permet pas la prise en compte des spécificités territoriales. [...]

[...] Enfin, afin de mieux concilier principe d'égalité et décentralisation, les transferts de compétences doivent être accompagnés de ressources correspondant aux charges nouvelles. Si le principe d'égalité peut apparaître comme un frein à la décentralisation, il a surtout présidé à son encadrement afin de garantir l'application sur l'ensemble du territoire national des principes de la République. Le Conseil constitutionnel a pu juger contraire à la Constitution des dispositions législatives transférant des compétences trop importantes aux collectivités territoriales, mais il a également fait preuve d'une grande souplesse en acceptant le maintien ou l'application de règles adaptées aux spécificités territoriales. [...]

[...] Plus de mille communes se sont jusqu'à présent regroupées dans environ trois cents communes nouvelles. Ainsi, une plus grande homogénéité de taille entre communes garantit une plus grande égalité de traitement des administrés sur le territoire national, tout en améliorant l'efficacité de la décentralisation par exercice effectif des compétences transférées. La même logique a présidé à la fusion des régions, qui a permis de réduire l'inégalité de taille, qui subsiste cependant puisque la plus grande (l'Île- de-France) et la plus petite (la Corse) des régions sont demeurées inchangées. [...]

[...] Au-delà de l'efficacité, la décentralisation est surtout essentielle pour satisfaire l'exigence de liberté des administrés. Ainsi Maurice Hauriou expliquait que la déconcentration pouvait être un mode de gestion plus efficace, mais que la décentralisation s'imposait, car les citoyens des pays modernes ont besoin de liberté politique. La proximité de la prise de décision rend les règles, notamment fiscales, plus acceptables pour les administrés auxquels elles s'appliquent. En outre, la décentralisation permet de sensibiliser les citoyens à la chose publique et à l'exercice de leurs droits civiques. [...]