« La justice doit respecter le droit que chacun a d'être cru innocent » c'est par cette citation que Cesare Beccaria dans son fameux Traité des délits et des peines, en 1764, met en relief le principe de la présomption d'innocence, grâce à une mise en exergue de la sûreté. Ce dernier trouvera à se développer tout au long des décennies qui suivront…
Le fondement textuel de ce principe provient de l'Ancien droit, le principe de présomption d'innocence fut d'abord formulé dans la déclaration de Louis XVI du 1 mai 1788 selon laquelle « le premier de tous les principes en matière criminelle… veut qu'un accusé, fut-il condamné en première instance, soit toujours réputé innocent aux yeux de la loi jusqu'à ce que la sentence soit confirmée en dernier ressort ». Mais c'est surtout dans la Déclaration des droits de l'Homme de 1789 qu'il trouve une consécration à côté d'autres droits fondamentaux dont tout être humain doit disposer. Il sera étudié dans les développements du sens et de la portée de la formulation de l'article 9 de la D.D.H. que nous avons déjà cité : « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sérieusement réprimé par la loi ».
Le fondement idéologique de ce principe provient de la philosophie des Lumières en vertu de laquelle il est nécessaire de rétablir un certain équilibre entre l'accusateur et l'accusé en posant le fardeau de la charge de la preuve sur le premier, eu égard à la disproportion existant dans un procès pénal. Une autre justification du principe est à trouver dans une philosophie libérale en tant que l'on veut avantager l'individu quand il est opposé à l'Etat.
Si l'on veut donner une définition plus accessible de la présomption d'innocence, on peut dire que c'est le principe selon lequel toute personne poursuivie et soupçonnée d'avoir commis une infraction est considérée comme innocente des faits qui lui sont reprochés tant qu'elle n'a pas été déclarée coupable par la juridiction compétente pour la juger.
En droit français, le principe de présomption d'innocence ne trouva sa place de principe fondamental du procès pénal que récemment dans des textes. En effet, jusque dans les années 1980, seule la D.D.H. formulait ce principe et on sait que sa portée juridique fut pendant longtemps inexistante. Cependant, par évolution du bloc de constitutionnalité (acquisition de la valeur constitutionnelle de la D.D.H. par les décisions du 16 juillet 1971 Liberté d'association et du 27 décembre 1973 Taxation d'office), le Conseil constitutionnel a pu penser le contour constitutionnel du droit pénal dont plusieurs articles de la D.D.H. font référence.
Certains auteurs parlent alors de constitutionnalisation du droit pénal, matérialisée par deux tendances que doivent concilier le juge constitutionnel : éviter un développement excessif de la matière répressive et limiter l'arbitraire, ce qui sous-entend un arbitrage permanent entre le respect de l'autorité et le respect des libertés et droits de la défense. Ainsi, le droit constitutionnel est devenu une source à part entière du droit pénal, la plupart des lois de procédure pénale donnant lieu à saisine du Conseil constitutionnel mais cette influence de la juridiction constitutionnelle sur la formulation des principes directeurs du procès pénal est à nuancer dans la mesure où le Conseil constitutionnel a des pouvoirs restreints, son contrôle se limitant à un contrôle a priori des lois. L'influence du Conseil constitutionnel dans la construction du principe de présomption d'innocence en est une bonne illustration.
Nous sommes donc amenés à s'interroger sur la définition que le Conseil constitutionnel a donnée du principe de présomption d'innocence, ainsi que de savoir dans quelles mesures le Conseil constitutionnel va-t-il permettre à ce principe d'être atténué eu égard à d'autres exigences constitutionnelles.
En effet, le principe de la présomption d'innocence est protégé par les engagements internationaux et le droit constitutionnel qui l'a érigé en principe fondamental du procès pénal au travers de différentes décisions qui lui permirent également d'en définir la portée et ses limites (partie I).
Lorsque le principe de présomption d'innocence fut posé dans la D.D.H., il en ressort très clairement qu'il est lié à la protection de la liberté individuelle et au droit à la sûreté. Ceci montre l'enjeu du respect de la présomption d'innocence. Cependant, d'autres principes fondamentaux existent et ont également valeur constitutionnelle ce qui montre le besoin de concilier le principe de présomption d'innocence avec d'autres principes qui a priori semblent opposés mais pour lesquelles la conciliation est nécessaire (partie II).
[...] Une illustration peut être trouvée dans la décision du 8 juillet 1989 Dix de Renault à propos de la loi d'amnistie. Cette loi a pour effet d'interdire les poursuites pénales ce que les requérants considèrent comme une violation du principe de présomption d'innocence puisque cela empêche la personne d'obtenir une proclamation judiciaire d'innocence or le Conseil Constitutionnel estime que cette disposition n'est pas contraire à l'article 9 de la Déclaration des Droits de l'Homme mais pose ce que certains auteurs appellent une présomption législative d'innocence en tempérant ses propos : le législateur ne peut faire obstacle à la réhabilitation ou à l'action en révision devant toute juridiction tendant à faire établir l'innocence du condamné (considérants 10 et 11). [...]
[...] Chevallier L'interdiction pour le juge administratif de faire d'acte d'administrateur A.J.D.A p.67. Chevallier Du principe de séparation au principe de dualité R.F.D.A Chron. p De Enterria L'incompréhensible compétence de la juridiction administrative pour condamner le législateur in Mélanges en l'honneur de F. Moderne, Dalloz p.815. Dubouis Le juge national et la protection du droit communautaire R.F.D.A p.912. Favoreu Le juge administratif et le principe constitutionnel des pouvoirs in Mélanges en l'honneur de Paul Amselek, Dalloz p.297. [...]
[...] Un principe non absolu : l'exception des présomptions de culpabilité reconnue par le Conseil Constitutionnel Les développements précédents ont permis de montrer l'influence importante du Conseil Constitutionnel dans la construction du principe de la présomption d'innocence et dans la détermination de sa portée (étendue Cependant, même si le Conseil Constitutionnel a progressivement érigé la présomption d'innocence en principe constitutionnel, il ne l'a pas érigé en principe absolu dans la mesure où il reconnaît la possibilité de renverser la charge de la preuve, et ce, dans le but de concilier le principe de présomption d'innocence avec la nécessité de défendre les intérêts supérieurs de la société : lorsque la preuve de la culpabilité est trop difficile à apporter, c'est à la personne poursuivie d'apporter la preuve de son innocence. Il convient de noter que, comme pour la construction du principe, la reconnaissance d'exceptions à la présomption d'innocence émane seulement du Conseil Constitutionnel, mais aussi de la C.E.D.H. En effet, il ne faut pas perdre de vue qu'en fait, le principe de présomption d'innocence s'est construit autour de ces deux influences, la C.E.D.H. [...]
[...] Fraisseix La réforme de la juridiction administrative par la loi n°95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative RDP p Fromont Les pouvoirs d'injonction du juge administratif en Allemagne, Italie, Espagne et France. Convergences R.F.D.A Chron. p Gourdou Les nouveaux pouvoirs du juge administratif en matière d'injonction et d'astreinte R.F.D.A p.333. Guettier Injonction et astreinte J. Cl. Droit Administratif Fasc Guettier Chose jugée J. [...]
[...] Les atteintes à sa présomption d'innocence sont prévenues, réparées et réprimées dans les conditions prévues par la loi Précision : il est peut-être regrettable que le Conseil constitutionnel ne fut pas saisi de la loi du 15 juin 2000, cette saisine ayant pu permettre une constitutionnalisation d'autres principes fondamentaux ou une précision d'autres principes (ceci montre l'une des limites de l'influence du Conseil constitutionnel dans l'édiction du droit pénal D'autres lois furent postérieurement adoptées, le Conseil constitutionnel étant souvent saisi de la constitutionnalité de celle-ci notamment relativement au respect du principe de présomption d'innocence, et furent acceptées avec de nombreuses réserves d'interprétation eu égard aux atteintes qu'elles portaient au principe : Loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice et décision 2002-461 D.C. du 29 août 2002. Loi du 18 mars 2003 pour la sécurité routière et décision 2003-467 D.C. du 13 mars 2003. Loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (Perben II) dont deux dispositions furent annulées par le Conseil Constitutionnel dans sa décision 2004-492 D.C. [...]
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