L'expression « monarque républicain » consacrée par le juriste Maurice Duverger, éminent professeur de droit, n'a pas pris une ride. En effet, si au départ elle se limitait à l'usage novateur et irritant que fit le général de Gaulle des pouvoirs présidentiels, aujourd'hui, elle revient aux oreilles comme un doux froufrou de critique des pratiques de ses successeurs.
Cette idée d'être à la fois « président, monarque et républicain » nous laisse face à un paradoxe. Si, dans les faits, le Président de la Ve République sous la Constitution de 1958 tend à avoir des « pouvoirs personnels », est-ce que le régime reste républicain ? Le Président de la République doit, selon le texte fondamental, s'en tenir à un strict rôle d'arbitre (article 5), il n'agit pas seul, il agit avec le gouvernement. C'est d'ailleurs à celui-ci que revient la tâche de conduire la Nation (article 20).
La Ve République française est née avec la constitution du 4 octobre 1958, elle n'a pas pu être clairement classifiée. Bien qu'à l'origine elle soit un régime fondé essentiellement sur le parlementarisme, elle présente de plus en plus de caractéristiques proches d'un régime présidentiel. Elle a donc été qualifiée de régime « mi-parlementaire/mi-présidentiel », « ni-présidentiel/ni-parlementaire » ou encore de « semi-présidentiel » par Maurice Duverger puisqu'elle associe un président élu au suffrage universel direct à un gouvernement responsable devant le Parlement.
[...] En particulier, comme l'avait vivement souhaité Nicolas Sarkozy, un alinéa a été ajouté à l'article 18 de la constitution consacré jusqu'ici au désuet droit de message que le chef de l'Etat pouvoir faire lire devant les assemblées (16 utilisations, dans l'indifférence générale) afin de lui permettre de prendre la parole devant le Parlement réuni à cet effet en congrès sa déclaration pouvant donner lieu, hors sa présence, à un débat qui ne fait l'objet d'aucun vote Ainsi, on a mis fin à une absurdité, hérité du cérémonial chinois imposé à Adolphe Thiers en 1873, en vertu de laquelle le président français pouvait s'adresser aux parlementaires du monde entier, à l'occasion de ses voyages officiels, mais pas à ceux de son pays, lesquels pouvaient en revanche recevoir à loisir chefs d'Etat et gouvernements étrangers de passage à Paris. La réforme semble néanmoins équilibrée, d'une part parce que les pouvoirs nouveaux du président sont étroitement encadrés (voir plus loin) et d'autre part parce que ceux du Parlement sont également renforcés ce qui, du reste, contribue à affaiblir davantage encore le premier ministre. [...]
[...] Etait-il légitime d'amener une telle révision constitutionnelle au référendum ? La question ne trouve pas de réponse et laisse la doctrine partagée par le grand OUI de 1962 et le NON de 1969 qui ne permettra pas de dégager une coutume présidentielle durablement admise. L'élection du Président au suffrage universel direct a conféré au président élu une légitimité démocratique inégalée, surtout par le premier ministre et les membres du gouvernement, nommés. A partir de là, le chef de l'Etat ne pouvait plus être l'arbitre au dessus de la mêlée, mais bien sûr capitaine d'une équipe, le vrai chef de la majorité. [...]
[...] Un monarque règne sans partage et sans avoir de compte à rendre à quiconque, même sous une monarchie parlementaire, grâce à la règle du contreseing, il tient son pouvoir de Dieu et le transmet par l'hérédité. Au sens propre, non, le président de la République française n'est pas un monarque. L'idée qui s'oppose à celle de monarchie c'est bien sûr celle de république D'abord proclamée par les révolutionnaires en 1792, puis réaffirmée par Léon Gambetta en 1870, de nouveau via l'amendement Wallon du 20 janvier 1875 et les élections législatives d'octobre 1877, il est impensable de revenir sur la forme républicaine du régime de la France. [...]
[...] C'est en effet aujourd'hui devenu une banalité que de constater la présidentialisation du régime de la Vème république française, théorisée puis mise en pratique par l'hyper président Nicolas Sarkozy. Il ne s'agit en rien du régime présidentiel autre modalité d'une VIe république à laquelle aspiraient les meilleurs esprits, à commencer par Edouard Balladur, président du comité de réflexion sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème république instauré en juillet 2007, mais aussi Jack Lang, son vice-président, Lionel Jospin ou encore François Bayrou, régime d'équilibre des pouvoirs développé (exclusivement) aux Etats-Unis, mais bien plutôt d'un régime type présidentialiste c'est-à-dire de déséquilibre des pouvoirs au profit d'un chef de l'Etat tout puissant ne laissant aux autres pouvoirs publics constitutionnels (législatif, juridictionnel) que des miettes ou des apparences. [...]
[...] Le Président sous la Ve République, un monarque républicain ? L'expression monarque républicain consacrée par le juriste Maurice Duverger, éminent professeur de droit, n'a pas pris une ride. En effet, si au départ elle se limitait à l'usage novateur et irritant que fit le général de Gaulle des pouvoirs présidentiels, aujourd'hui, elle revient aux oreilles comme un doux froufrou de critique des pratiques de ses successeurs. Cette idée d'être à la fois président, monarque et républicain nous laisse face à un paradoxe. [...]
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