« Si vous me permettez une image empruntée à l'architecture, je dirais qu'à ce régime parlementaire neuf il faut une clef de voûte. Cette clef de voûte, c'est le président de la République ». Michel Debré montre par cette affirmation que l'idée-force du texte constitutionnel de 1958, déjà énoncée par De Gaulle dans son célèbre discours de Bayeux en 1946, est de réorganiser le pouvoir autour du chef de l'Etat qui sera doté de pouvoirs renforcés.
En réalité, deux lectures différentes de cette constitution sont possibles. Soit une interprétation parlementariste qui s'appuie sur la responsabilité mutuelle des pouvoirs et la primo ministérialisme dualiste ; soit une interprétation présidentielle qui repose sur une conception monisme du régime appelée aussi orléanisme, le régime étant centré sur le président de la République.
La lecture présidentialiste donne à penser que le chef de l'Etat est érigé en véritable « monarque républicain », expression de Michel Debré, par la constitution. Cette expression renvoie principalement à trois évolutions de la fonction présidentielle. D'abord, à la personnalisation du président, qui était inexistante sous la IVe République. Cette personnalisation s'appuiera sur la légitimité du chef de l'Etat. De plus, les termes « monarque républicain » évoquent la concentration de nombreux pouvoirs par le président, propres à sa fonction et aussi vis-à-vis de la nation et des autres pouvoirs avec lesquels il cohabite. Enfin, conformément à la tradition monarchiste, le président de la Vème est irresponsable politiquement et juridiquement.
Pourtant l‘expression « monarque républicain » est paradoxale : comment expliquer le rôle fort et atypique du président qualifié de monarque dans un régime juridiquement parlementaire ? En effet, le terme de monarque renvoie au pouvoir du roi autoritaire et écarte toute possibilité de régime républicain. Dès lors, on peut se demander quels éléments dans les textes constitutionnels comme dans la pratique politique permettent d'affirmer qu'au sommet de la République française siège un président monarque .
Nous verrons ainsi que la constitution confère au chef de l'Etat un statut atypique : une forte légitimité mais des responsabilités limitées et, bien que le texte constitutionnel érige le président en véritable « monarque républicain », celui-ci voit son rôle atténué par la pratique institutionnelle.
[...] Cependant, la loi constitutionnelle du 23 février 2007 apporte la contrepartie à cette immunité en prévoyant une destitution dans en cas de "manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de sa fonction Cette limite à l'irresponsabilité juridique indique que le chef de l'Etat ne peut être considéré comme un monarque car si le président est irresponsable, l'individu l'est. Cependant, tant que le président règne il est hors d'atteinte de la loi : l'action publique est suspendue pendant toute la durée du mandat présidentiel. En principe, le président de la République est irresponsable politiquement. [...]
[...] Enfin, conformément à la tradition monarchiste, le président de la Vème est irresponsable politiquement et juridiquement. Pourtant l‘expression monarque républicain est paradoxale : comment expliquer le rôle fort et atypique du président qualifié de monarque dans un régime juridiquement parlementaire ? En effet, le terme de monarque renvoie au pouvoir du roi autoritaire et écarte toute possibilité de régime républicain. Dès lors, on peut se demander quels éléments dans les textes constitutionnels comme dans la pratique politique permettent d'affirmer qu'au sommet de la République française siège un président monarque ? [...]
[...] Pourtant, la responsabilité semble inéluctable. À ce propos, Valérie Giscard D'Estaing disait devant les députés UDR en avril 1976 Bien entendu, la responsabilité de la politique d'ensemble est celle du président de la République En réalité, l'incontournable responsabilité du président s'exerce uniquement devant les électeurs. Trois hypothèses sont alors concevables. Soit le président finit son mandat et se représente en demandant au Français de continuer à lui faire confiance, soit le président se retire à l'issue d'une crise politique ou de l'échec d'un referendum, soit des élections à l'Assemblée nationale pendant son mandat désignent une nouvelle majorité. [...]
[...] L'idée est de s'opposer au rôle honorifique du président, qui, sous la IIIe et la IVe République, n'occupait qu'une magistrature d'influence. La modification du mode de scrutin suscite une ferme opposition du parti socialiste et du parti communiste qui craignent que cela atteigne la forme républicaine du régime pour dériver vers une forme bonapartisme. François Mitterrand montrera ainsi son appréhension dans son essai politique Le Coup d'Etat permanent : J'appelle le régime gaulliste dictature parce que, tout compte fait, c'est à cela qu'il ressemble le plus, parce que c'est vers un renforcement continu du pouvoir personnel qu'inéluctablement, il tend Le mode d'élection de la Vème République consacre également les règnes présidentiels. [...]
[...] Le président dispose également de pouvoirs vis-à-vis de la justice. Un système présidentialiste limité par la pratique institutionnelle Malgré l'absence d'une majorité absolue et de l'élection au suffrage universel du président de la République, la France entre dès 1958 dans une logique présidentialiste. Ce présidentialisme de fait résulte de l'investiture du général de Gaulle grâce au référendum du 28 septembre 1958. De plus, même si le de Gaulle ne disposait pas d'un parti majoritaire dominant à l'assemblée, la multitude de partis se rassemblait derrière le groupe nouveau l'UNR, uni derrière le président. [...]
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