Nicolas Sarkozy, voulant incarner la rupture, ne l'a peut-être pas totalement réussi dans sa gestion des politiques publiques, mais sur plusieurs points il a réussi à trancher avec les traditions instaurées par ses prédécesseurs. Ainsi, à plusieurs reprises le président de la République s'est constitué partie civile dans plusieurs procès, le dernier en date étant celui d'un jeune immigré accusé d'escroquerie sur sa carte bancaire, suscitant chez les juges un profond débat.
Le président est-il un justiciable comme les autres ? Selon le tribunal de Nanterre, Sarkozy n'est pas une victime comme les autres et à ce titre ne peut se constituer partie civile (jugement rendu en juillet 2009), et déclarant : « le lien entre le président de la République et les magistrats peut laisser croire aux justiciables qu'ils ne bénéficieraient pas d'un tribunal indépendant et impartial, conformément à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ». Dès lors, la cour se refusait à statuer jusqu'à la fin du mandat du président. En revanche pour la Cour d'Appels de Versailles, le président a le droit à des dommages et intérêts : les prévenus ne peuvent ainsi contester le pouvoir d'agir du Président comme un citoyen ordinaire. Seul petit bémol à ce jugement : les juges considèrent que s'il y a contradiction avec la CEDH, il faudra alors régler cela par une révision de la Constitution.
Cette question en apparence ordinaire recèle pourtant en son sein de profonds problèmes. Si dans n'importe quelle démocratie, dans n'importe quel état de droit il paraît logique que le président puisse se constituer partie civile dans un procès civil dans l'optique où quelqu'un l'aurait offensé ou lui aurait porté atteinte, la situation est néanmoins délicate en France dans le sens où le Président de la République jouit d'une irresponsabilité presque totale et qu'il est le garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire, article 64 de la Constitution. Ainsi, selon les dispositions de l'article 67, le Président n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité…il ne peut être requis de témoigner ou de faire l'objet d'une action, d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite. Tout délai de prescription ou de forclusion est par ailleurs suspendu.
Ces dispositions ont été introduites par les constituants de 1958 dans l'optique où le Président, garant des institutions, de l'intégrité du territoire et du respect de la Constitution, dans le sens d'un arbitre au sens le plus noble du terme, se devait pour effectuer sa tâche d'être « intouchable » ou « au-dessus de la mêlée ». Par ailleurs, l'irresponsabilité du chef de l'état est une tradition de tous les régimes politiques.
Mais au vu des affaires mêlant l'ancien Président de la République Jacques Chirac, au vu de l'immixtion croissante de l'actuel Président dans le cours de la justice, cette situation est-elle encore tenable ? Le Président peut-il, doit-il rester en dehors de la justice ? Quels problèmes se posent alors ?
[...] Ces interprétations, convergentes dans leur résultat, mais divergeant dans leurs démarches et leurs interprétations, amenèrent le président Chirac, nouvellement réélu à créer en 2002 une commission, présidée par le professeur avril, pour tenter de résoudre ce problème. Cette commission remit très vite un rapport et sur ces bases, en 2007 la constitution fut révisée et modifia le régime de responsabilité du chef de l'état. Ainsi le nouvel article 67 penche pour l'immunité absolue temporaire du Président de la République, avec pour limite que durant son mandat, les prescriptions et forclusions sont absolues. [...]
[...] C'est dans cette affaire que la controverse s'est accentuée. En effet dans ce procès politique très attendu, le Président, tout comme d'autres personnalités s'est porté partie civile, ce qui a d'ailleurs été contesté par l'avocat de Mr Villepin. Cependant, c'est l'attitude même des protagonistes qui a rendu les choses encore plus ambigües : entre un Président qui parle des coupables qui seront jugés par les juges et un accusé clamant haut et fort qu'il est une victime du Président utilisant la machine judiciaire pour le détruire, les débats sont ouverts et beaucoup viennent à penser que le procès ne pourra pas être équitable étant donné l'ascendant du Président sur le monde judiciaire. [...]
[...] Il y a donc là clairement un problème et si certains tribunaux ont admis la possibilité pour un Président de se constituer partie civile dans un procès, cela ne va pas sans soulever des questions de fond, et d'éthique. A une heure où l'indépendance de la justice est plus que jamais au cœur des débats et des réformes controversées, à l'heure où le décalage entre le peuple et les élites apparaît plus marqué que jamais, les privilèges dont dispose le Président de la République en la matière semblent pour le moins incongrus, et il serait donc de bon ton qu'une réforme intervienne pour séparer plus strictement le Président et la Justice, afin de garantir en France l'effectivité de l'état de droit. [...]
[...] Etant donné l'importance du rôle politique du président, il est jugé que ce dernier ne peut être placé impunément au-dessus des lois ? D'un autre côté, ses adversaires répondent que l'équilibre est difficile à trouver entre la préoccupation première d'éviter aux responsables d'un pouvoir exécutif d'être la cible incessante d'attaques judiciaires mettant en péril l'exécution de leurs fonctions et l'impunité totale. Le problème principal en fait est que sur le plan politique également cette pratique parait en décalage avec les institutions de la 5e République. [...]
[...] Sur le plan politique, la configuration est très claire. Le Président, conçu comme arbitre et garant du bon fonctionnement des institutions, ne peut être renversé par l'Assemblée Nationale, même si lui a le pouvoir de la dissoudre. En fait, c'est sur le premier ministre qu'est reportée cette responsabilité politique, et le Président n'a plus désormais à rendre des comptes que devant les électeurs, lors de sa réélection si elle a lieu. Sur le plan pénal il y a également irresponsabilité totale. [...]
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