A la suite de la défaite de Sedan, le 4 septembre 1870, la République est proclamée et un gouvernement provisoire de défense nationale est formé. Six mois plus tard, Adolphe Thiers est élu par l'Assemblée Nationale chef du pouvoir exécutif en attendant la restauration de la monarchie. Cependant, l'opposition des royalistes entre légitimistes et orléanistes va conduire à l'adoption en fin de compte d'une Constitution républicaine très conservatrice. Celle-ci est en fait constituée des lois constitutionnelles du 24 et 25 février et du 16 juillet 1875.
C'est la première fois que la France va vivre normalement et durablement sans charte ni texte constitutionnel. Les trente-quatre articles adoptés vont certes laisser nombre de questions en suspens mais ceci va ainsi permettre une plus grande souplesse et une meilleure adaptation. L'une de ces adaptations est justement la mise en place, avec la pratique du pouvoir, d'un exécutif bicéphale constitué d'un Président du Conseil et d'un Président de la République.
Comment s'impose alors la figure du Président du Conseil dans le cadre de la Troisième République et comment va-t-elle évoluer?
Cette évolution va se faire en deux temps. D'une part, avec l'effacement de la fonction de Président de la République au profit du renforcement de celle de Président du Conseil. D'autre part, cette lente évolution va aboutir à terme à une institutionnalisation effective du Président du Conseil sur fond d'amélioration du fonctionnement des institutions.
[...] Du fait de son inexistence juridique avant 1934, le Président du Conseil n'a pas de pouvoirs constitutionnels. L'autorité dont il a besoin, que ce soit à l'égard des ministres ou du parlement, ne peut se réclamer d'aucun fondement juridique. Il n'a aucun pouvoir sur les premiers et ne peut pas par exemple les démettre. Il n'est pas rare d'ailleurs que le principal personnage du ministère soit un autre individu que le Président du Conseil. Quant au parlement, il aura tendance à le considérer longtemps comme un ministre parmi d'autres. [...]
[...] Il faudra attendre le décret du 9 mars 1876 nommant Dufaure pour qu'apparaisse la figure juridique de Président du Conseil des ministres depuis sa suppression en 1849. Il est en fait le ministre qui parle au nom du gouvernement, un primus interpares en d'autres termes, et non un chef d'équipe. Quant aux ministres, ils sont nommés, d'après les lois constitutionnelles, par le Président de la République. Dans la réalité, si le Président de la République désigne le Président du Conseil, c'est bien ce dernier qui compose le ministère dont le Président de la République entérine ensuite la composition, n'exerçant guère de suggestion que pour le ministère des Affaires étrangères et, sous Mac-Mahon, les ministères militaires. [...]
[...] Autre évolution marquante due aux nécessités de la guerre : c'est l'apparition des décrets-lois, pratique qui va peser lourdement par la suite. Peu après les évènements de février 1934, le nouveau Président du Conseil, Doumergue, va s'efforcer de mettre en œuvre les idées de Tardieu concernant le renforcement de la position de Président du Conseil qu'il a exprimé dans son livre L'heure de la Décision. Doumergue proposa de réviser la Constitution et d'attribuer le droit de dissolution au Président du Conseil. [...]
[...] Sa pratique s'imposa alors à tous ses successeurs, si bien que ceux d'entre eux qui souhaiteront s'en écarter _ à l'instar de Casimir Périer qui manifesta sa désapprobation de l'attitude indépendante du Cabinet à son égard ou Alexandre Millerand, tête de liste du Bloc national parisien qui sera contraint à démissionner _ seront suspectés de vouloir porter atteinte à la Constitution. La lecture orléaniste des institutions est rejetée, le droit de dissolution tombe en désuétude et le parlement devient le pouvoir dominant. L'évanescence de l'exécutif se poursuit avec la marginalisation du Chef de l'Etat et la montée en puissance par réciprocité du Président du Conseil. Tirant les enseignements de la Constitution Grévy la Troisième République a marginalisé la fonction présidentielle. [...]
[...] A partir de cette date, le Chef du gouvernement relègue définitivement le Chef de l'Etat à l'arrière-plan. Cet effacement du Chef de l'Etat était inévitable d'après certains auteurs tels que Léon Duguit, Charles De Gaulle ou encore Raymond Poincaré. Ce dernier, dans une lettre publiée par Le Temps le 9 août 1920 a décrit l'implacable alternative née de la coexistence d'un Chef de l'Etat et d'un Chef de gouvernement dans les institutions de la Troisième République : ou bien l'un des deux chefs devait, dans l'action quotidienne, s'effacer devant l'autre, ou bien il fallait craindre que ne surgissent entre eux de perpétuels conflits Selon lui, le Président de la République s'est effacé pour n'être plus, selon le mot qu'il a prêté à Félix Faure, que la Reine d'Angleterre au sein du régime parlementaire français. [...]
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