Le contrat de partenariat institué par l'ordonnance du 17 juin 2004 n'est pas une création juridique spontanée ; il découle d'une évolution constante des partenariats entre le secteur public et le secteur privé autour des activités de service public.
Entendus au sens large, ces "partenariats public-privé" (PPP) sont simplement liés à l'idée selon laquelle le service public ne serait pas un domaine d'activité uniquement financé par le secteur public. Cette idée n'est pas récente en Europe :
Depuis fort longtemps, le pouvoir adjudicateur a su faire appel, dans le cadre de ses contrats, au concours financier des opérateurs économiques privés. L'origine de ces partenariats remonte à l'antiquité et notamment à la nation romaine.
« Si l'empire romain construit, grâce à ses légions, vingt-cinq mille kilomètres de voies et de nombreux ponts, le génie romain invente aussi les contrats de partenariat public – privé qui permettent aux municipalités de confier à des particuliers le soin de réaliser d'innombrables ouvrages publics: les droits perpétuels (le «jus perpetuum» et le «jus emphyteuticum») permettent la construction et l'exploitation des ouvrages publics pendant une longue durée de temps.
Les villes antiques de l'espace européano-romain, dotées de thermes et d'aqueducs, disposent des premiers réseaux d'eau au monde et des premiers égouts qui sont souvent le fait de personnes privées, et édifiés à des fins politiques (pour se faire élire) ou dans un but simplement lucratif.
Si la corvée servit fréquemment pour construire les ponts et les routes, les stations postales furent construites et gérées grâce à un contrat confié, par mise en concurrence, à une personne privée; il s'appelle le «manceps». Les ports furent souvent concédés à des investisseurs privés; il existait des compagnies puissantes de transport maritime et fluvial et c'est très probablement par ce moyen que les saints se rendirent à Rome et que le christianisme se développa. Rome sombre, au Ve siècle, dans les excès de dirigisme, bien éloignés du libéralisme qui avait prévalu sous le Haut – Empire. »
A cette époque déjà, sous la République puis sous l'Empire via le manceps, la construction des ports, thermes, aqueducs, égouts, stations postales et autres ouvrages publics est donc déléguée par la personne publique à des personnes privées.
Emprunté à ces mécanismes juridiques romains, le phénomène de la concession poursuivra le mouvement de partenariat depuis le Moyen-Âge jusqu'à nos jours en France : environ 400 villes du sud construites par ce biais avant l'an mille, la concession de mine de 1471 sous Louis XI, l'aménagement de l'île du Palais en place Dauphine à Paris avec l'acte de concession du 10 mars 1607, la métamorphose de Paris avec l'ouverture des grands boulevards entre 1853 et 1869 voulue par Napoléon III et réalisée par le baron Haussmann en vertu de 42 contrats de concessions... Ce phénomène, à l'apogée durant le XIXe siècle, connaîtra un bref recul au XXe siècle, avec les nationalisations. Toutefois, la conjoncture et les financements américains qui apportent au secteur public les fonds nécessaires à ces nationalisations s'avèreront limités dans le temps et la nécessité du recours aux fonds privés imposera de nouveau des mécanismes de partenariat dès les années 80.
En définitive, aujourd'hui, la législation française se tourne vers des partenariats structurels, tels que les sociétés d'économie mixte (instituées avec le décret-loi Poincaré du 10 septembre 1926, réhabilitées avec le décret du 20 mai 1955 et légalement reconnues par la loi du 7 juillet 1983) ou les groupements d'intérêt public (dont le statut légal date du 5 juillet 1985), mais aussi vers des partenariats contractuels tels les délégations de service public et les contrats de partenariat de l'ordonnance de 2004.
Pourtant, concernant les partenariats contractuels, la France accusait jusqu'à maintenant un certain retard en raison des cafouillages législatifs et des positions du Conseil d'Etat (CE) : au cours des années 1980, les collectivités ont commencé à procéder à des montages contractuels complexes consistant à céder des droits réels sur une assiette foncière leur appartenant pour y faire édifier et entretenir un ouvrage public par une personne privée. Ces montages, alors réalisés en fraude au code des marchés publics, ont été invalidés par la jurisprudence.
Pour soutenir les collectivités, le législateur français est intervenu à plusieurs reprises pour assouplir et compléter une réglementation du partenariat public-privé par trop archaïque :
- avec le bail emphytéotique administratif (BEA) des articles 1311-2 et suivants du code général des collectivités territoriales (CGCT), institué en 1988 permettant le recours à l'article 451-1 du code rural par une collectivité territoriale,
- avec les autorisations d'occupation du domaine de l'Etat de la loi du 25 juillet 1994,
- avec le bail emphytéotique hospitalier (BEH) prévu par le code de la santé publique,
- avec la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) du 29 août 2002.
Cependant, un autre type de contrat restait sans qualification : le marché d'entreprise de travaux publics (METP), par lequel une collectivité publique confiait à un cocontractant unique la construction d'un ouvrage et son exploitation, moyennant une rémunération forfaitaire versée de manière fractionnée par la collectivité. Le Conseil d'Etat, en appliquant scrupuleusement le code des marchés publics à ces METP dans son arrêt « Préfet des bouches du Rhône contre commune de la Ciotat » du 8 février 1999 , a interdit de mélanger l'investissement et les coûts de maintenance au niveau d'un paiement différé car, expose-t-il à l'époque, l'article 350 du code des marchés publics interdit les clauses de paiement différé. Les METP se trouvèrent donc amputés de la clause qui les rendait si spécifiques et si attractifs.
Il est intéressant de noter que nos voisins européens, au premier rang desquels se trouvent le Royaume-Uni, l'Espagne et les Pays-Bas, ont importé chez eux le METP tel qu'il était initialement appliqué (voir, par exemple, les contrats de Private Finance Initiative institués en 1992 au Royaume-Uni).
Dans ce contexte, la nécessité de réaliser un contrat de partenariat général ouvert indifféremment à toutes les collectivités publiques et permettant des paiements échelonnés par celles-ci a incité le législateur à voter une loi.
C'est donc en vertu de la loi du 2 juillet 2003 habilitant le gouvernement à simplifier le droit que l'ordonnance du 17 juin 2004 relative aux contrats de partenariat est née. Le contrat de partenariat est défini dans l'article 1 comme étant une convention par laquelle une personne publique (État, collectivité locale ou leurs établissements publics) confie à un tiers une mission globale relative au financement de projets de service public, ainsi qu'à leur exploitation et notamment la maintenance des équipements qu'ils utilisent...
Il est ici sujet de faire un bilan de la situation concernant ce contrat de partenariat, qui devait succéder au METP par son caractère inhabituel et attractif. Or, il semble que son application rencontre des obstacles car il est peu mis en oeuvre.
On verra donc en quoi les préalables à cette pratique spécifique de la commande publique sont inhabituels (I) pour envisager ensuite les problèmes qui justifient un tel échec du contrat de partenariat (II).
[...] Des préalables inhabituels à la pratique de la commande publique avec le contrat de partenariat . Il va s'agir de démontrer que : - d'une part, le contrat de partenariat de l'ordonnance du 17 juin 2004 présente des particularités intrinsèques, - et d'autre part que ce caractère particulier contribue à relever son intérêt pour les acheteurs publics. A. La particularité du contrat de partenariat Le contrat de partenariat est-il un contrat administratif ? A quelle catégorie appartient-il ? 1. Un contrat administratif. [...]
[...] L'origine de ces partenariats remonte à l'antiquité et notamment à la nation romaine. Si l'empire romain construit, grâce à ses légions, vingt-cinq mille kilomètres de voies et de nombreux ponts, le génie romain invente aussi les contrats de partenariat public privé qui permettent aux municipalités de confier à des particuliers le soin de réaliser d'innombrables ouvrages publics: les droits perpétuels (le «jus perpetuum» et le «jus emphyteuticum») permettent la construction et l'exploitation des ouvrages publics pendant une longue durée de temps. [...]
[...] Mais cette hypothèse de partage des risques est d'autant moins probable que, justement, les deux premiers arrêts cités mentionnent la responsabilité entière et totale du maître d'ouvrage et que l'ordonnance de 2004 prévoit d'emblée l'identité de celui-ci : l'attributaire du contrat. b. La responsabilité délictuelle. L'article 1 alinéa 2 et l'article 14 de l'ordonnance prévoient en effet que l'attributaire du contrat de partenariat assure la maîtrise d'ouvrage des travaux à réaliser. Il s'agit d'une importante dérogation à l'article 2 de la loi MOP qui réserve normalement la qualification de maître d'ouvrage à quatre catégories bien définies de personnes morales. L'attributaire pouvant être une personne privée, l'application de la loi de 1985 s'en trouverait écartée. [...]
[...] Enfin, si comme dans le cadre d'une procédure liée aux marchés publics, la collectivité qui échoue dans la définition des moyens techniques nécessaires à la réalisation du projet peut substituer la procédure de dialogue compétitif à la procédure d'appel d'offres, ces deux dernières connaissent un régime différent selon que le contrat qui est conclu est un marché public ou un contrat de partenariat. Toutes ces particularités justifient que le contrat de partenariat appartienne à une catégorie "sui-généris", hybride, qui comprend en outre les marchés d'entreprise de travaux publics (METP) et les contrats de partenariat sectoriels. C'est de ces particularités qu'il tire son aspect attractif . B. Le côté attractif Il s'agit de convaincre l'acheteur public de lancer des opérations diverses. Le législateur a sans doute voulu inciter les personnes publiques à s'engager davantage dans de grands projets. [...]
[...] En confiant la maîtrise d'ouvrage à l'attributaire du contrat de partenariat, l'ordonnance de 2004 écarte la responsabilité de la personne publique. Ainsi, avec le contrat de partenariat de l'ordonnance de 2004, la personne publique peut faire évoluer dans tous les domaines des modes d'intervention qui perdent leur caractère direct. Elle ne garde qu'un simple rôle d'organisateur et confie les tâches techniques nécessaires à sa mission à ses partenaires privés. Elle bénéficie ainsi de la spécialisation de ceux-ci pour une meilleure exécution de ses tâches. [...]
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