« Il y a des cas où il faut mettre, pour un moment, un voile sur les libertés comme l'on cache les statues des dieux » a remarqué Montesquieu.
Dans la Constitution française du 4 octobre 1958, l'article 16 autorise, en cas de nécessité, le président de la République à exercer une dictature temporaire, au sens romain du terme. Il introduit dans la Constitution un régime d'exception prévu pour faire face à une crise institutionnelle particulièrement grave.
Les pouvoirs exceptionnels du Président constituent un élément fondamental de la pensée gaullienne, ils trouvent leur inspiration dans la dictature temporaire de la république romaine caractérisée par l'attribution légale à un seul homme de tous les pouvoirs pour une durée limitée (6 mois). D'ailleurs une telle dictature a été prévue par l'art.48 de la Constitution de Weimar, c'est justement grâce à elle qu'Adolf Hitler avait pu conquérir les pouvoirs. On peut également rappeler l'art.14 de la Charte 1814 autorisant le roi à prendre des ordonnances pour assurer la sûreté de l'Etat, ainsi que la « loi Tréveneuc » du 15 février 1872, toujours en vigueur, confiant l'ordre public aux Conseils généraux en cas de la dissolution illégal de l'Assemblée nationale.
L'article 16 trouve sa source dans les événements de juin 1940. Le général de Gaulle avait été frappé par l'impuissance du Président de la République de l'époque, Albert Lebrun, devant le déroulement des événements qui ont conduit à la mise en place de l'Etat français. Il en avait conclu à la nécessité de prévoir, lorsque la nation était en péril, la possibilité de recourir à une dictature républicaine provisoire au cours de laquelle le Président disposerait des pouvoirs nécessaires pour faire face à une situation. L'art.16 répond à cette nécessité.
[...] La Constitution a-t-elle mis les limites à la mise en œuvre du pouvoir exceptionnel du Président lui conféré par la Constitution dans son art.16 ? Il s'agira donc de montrer dans un premier temps comment le droit constitutionnel conditionne la mise en œuvre de l'art pour comprendre, dans un second temps, les limites imposées par la Constitution qui entraînent ce pouvoir. Les conditions nécessaires de la mise en de l'article 16 Les conditions essentielles de la mise en œuvre de l'art.16 sont tant des conditions de fond que des conditions de forme. [...]
[...] Les pouvoirs de crise (ou les pouvoirs exceptionnels) conférés au Président de la République par l'art.16 de la Constitution du 4 octobre 1958 Lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la Nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacées d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances, après consultation officielle du Premier Ministre, des Présidents des assemblées ainsi que du Conseil Constitutionnel. [...]
[...] Il ne faut cependant pas parler de ce pouvoir exceptionnel comme du pouvoir absolu, car, par voie de conséquence, les constituants ont encadré la mise en œuvre de l'art.16. Les limites principales imposées à la mise en œuvre de l'art.16 Les pouvoirs exorbitants du chef de l'État rencontrent cependant deux limites. Des mesures prises vis-à-vis des institutions Même si le Président peut prendre les mesures, qui relèvent du domaine de la loi, la première limite concerne l'interdiction de prononcer la dissolution de l'Assemblée nationale pendant la période d'exercice des pouvoirs exceptionnels. [...]
[...] Mais ces restrictions aux droits du Parlement ne sont pas inscrites dans la Constitution. Néanmoins, pendant l'application de l'art.16 le gouvernement vient traduire les volontés exprimées par le Président. Toutefois, le Conseil d'État, écartant l'interprétation gouvernementale qui tendait à les faire échapper toutes à tout contrôle juridictionnel, distingue, dans l'arrêt Rubin de Servens du 2 mars 1962, la décision de recourir à l'article 16 qui, comme la décision d'y mettre fin, constitue un acte de gouvernement échappant à tout recours, des décisions prises en application de cet article. [...]
[...] Les pouvoirs de l'article 16 n'ont pour seule fin que de tendre au rétablissement du fonctionnement régulier des pouvoirs publics, et cela dans les moindres délais En conséquence, la durée de son application doit-elle être limitée au strict nécessaire. Cependant, la décision de mettre fin à cette dictature provisoire étant laissée à la seule appréciation du chef de l'État, sans contrôle ni sanction, une prolongation abusive de l'usage des pleins pouvoirs constitue un risque sérieux. C'est ce qui s'est d'ailleurs effectivement passé à la suite du putsch militaire qui a éclaté à Alger le 21 avril 1961. [...]
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