« On ne saurait accepter qu'une dyarchie existât au sommet. Mais justement, il n'en est rien. En effet, le Président est évidemment seul à détenir et déléguer l'autorité de l'Etat. » C'est en ces termes que s'exprima le général de Gaulle à l'occasion d'une conférence de presse le 31 janvier 1964. En trois phrases, brèves et sentencieuses, l'homme qui fut à l'origine du changement de régime politique de 1958 en France explicita sa conception, son appréciation du rôle accordé aux différentes institutions qui composent le pouvoir exécutif. Le Président serait donc seul à détenir le pouvoir et le délèguerait simplement à son gouvernement selon sa convenance. Si cette lecture du texte de 1958 est contestable, elle a cependant marqué l'histoire et les évolutions institutionnelles de la Ve République.
La Constitution de 1958, réaction directe à l'instabilité des gouvernements de la IIIe et de la IVe République, institue un exécutif bicéphale (à deux têtes) ? la volonté étant alors de demeurer formellement dans la contrainte parlementaire des lois constitutionnelles où le chef de l'Etat d'un côté assurerait la stabilité et le chef de gouvernement de l'autre la responsabilité devant le Parlement.
La citation du Président de Gaulle nous éclaire quant à la nature de ce bicéphalisme ; tout du moins dans sa perception gaullienne. Ainsi, le Président de la République, chef de l'Etat, serait l'unique détenteur de l'autorité et en résulterait un bicéphalisme sciemment inégalitaire.
Et c'est cette inégalité mise en pratique politiquement tout au long de la Ve République jusqu'à ce jour qui remet en question l'idée pourtant assez répandue d'un pouvoir dyarchique au sommet de l'exécutif français. En effet, l'existence d'une dyarchie présupposerait que les deux têtes du pouvoir exécutif disposent d'un pouvoir d'égale ampleur, se partageant paritairement les domaines de compétences. Or, Charles de Gaulle, dans ce même passage de la conférence de presse du 31 janvier 1964, exprima clairement son rejet de la conception dyarchique du pouvoir en France. (...)
[...] En outre et surtout, l'hyper- présidentialisme sarkozyen (sur lequel on reviendra en conclusion), le quinquennat et la synchronisation des élections présidentielles et législatives, bien que ne condamnant pas la France à un éternel fait majoritaire (notamment en raison du risque de chamboulement du calendrier électoral lié à une hypothétique dissolution) tendent à renforcer la primauté du chef de l'Etat sur le Premier Ministre. La cohabitation ou la représentation pratique de la dyarchie Avant toute chose, il convient de souligner que la dyarchie n'est pas apparue avec la cohabitation et n'a pas non plus totalement disparu avec. En effet, Jacques Chaban-Delmas ou encore Jacques Chirac ont tour à tour essayé de s'émanciper en tant que Premier Ministre face à Georges Pompidou et Valéry Giscard d'Estaing ; tous deux furent démis de leur fonction peu après. [...]
[...] DUHAMEL, Droit constitutionnel et institutions politiques, Seuil, Paris - F. MELIN-SOUCRAMANIEN, Constitution de la République française, Dalloz, Paris - P. ARDANT, Droit constitutionnel et institutions politiques, LGDJ, 12ème édition - D. BOURMAUD, les Ve Républiques monarchie, dyarchie, polyarchie. Variations autour du pouvoir sous la Ve République, Pouvoirs 2001/4, p 7-17. - M. [...]
[...] En 2002 s'achève la dernière période de cohabitation à ce jour. En 2002 commence le premier quinquennat de la Ve République. La cohabitation semble ainsi destinée à demeurer dans le domaine de l'exception. La réflexion suivie jusqu'ici sur le caractère dyarchique ou hiérarchisé, égalitairement bicéphale ou à l'avantage du Président (en cas de concordances des majorités) ou du Premier Ministre (dans le cas contraire) nous invite à réfléchir sur l'état actuel de notre pouvoir exécutif, son évolution récente et son avenir proche et plus lointain. [...]
[...] Le Président monarque républicain : la hiérarchie monocratique dans la pratique La pratique originelle de la présidence par le général de Gaulle a en effet été globalement, selon un césarisme plus ou moins affirmé, prolongée par ses successeurs à la tête de l'Etat. Le présidentialisme triomphant a traversé la Ve République pour revenir, aujourd'hui, sans doute sous sa forme la plus appuyée depuis 1969. Mais si on en revient aux caractéristiques majeures et récurrentes de l'exécutif sous la Ve République, on peut observer une constante monocratique inédite dans les institutions des grandes démocraties occidentales. [...]
[...] Or, Charles de Gaulle, dans ce même passage de la conférence de presse du 31 janvier 1964, exprima clairement son rejet de la conception dyarchique du pouvoir en France. Pour lui, il revient au Président de déléguer son autorité, celle de l'Etat, au gouvernement et en premier lieu à son chef. Le pouvoir exécutif ne se caractériserait alors non pas par une dyarchie mais une hiérarchie : une relation de subordination très marquée entre un monarque républicain (l'expression est de Michel Debré lui-même) et son Premier Ministre. [...]
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