Avant la V° république, il n'avait jamais existé en France de juridiction constitutionnelle digne de ce nom. Le rôle d'une telle juridiction consiste à donner des interprétations de la constitution qui s'imposent aux autres pouvoirs constitués et notamment au Parlement. Or, la tradition républicaine française antérieure à 1958 reposait sur l'idée de souveraineté parlementaire. La création du Conseil Constitutionnel en 1958 manifestait précisément la volonté de rompre avec cette tradition.
Mais les pères de la Constitution de 1958 avaient une conception relativement étriquée du Conseil Constitutionnel. Ils n'avaient pas l'ambition d'en faire une cour constitutionnelle au sens plein du terme, c'est-à-dire une institution chargée de veiller aux droits et libertés. Le Conseil Constitutionnel devait être, selon l'expression de Michel Debré, « une arme contre la déviation du régime parlementaire ». Ainsi, il s'agissait d'empêcher l'Assemblée nationale et le Sénat d'empiéter sur les prérogatives gouvernementales.
Mais les institutions évoluent selon leur propre logique qui peut les conduire à assumer un rôle plus vaste ; aujourd'hui la place du Conseil Constitutionnel dans les institutions et dans la vie politique est beaucoup plus importante que ce qui avait été envisagé au départ. Ainsi, en 1971 dans sa décision « liberté d'association » le conseil constitutionnel s'est émancipé en se ralliant à une conception large du bloc de constitutionnalité et par ce fait s'est arrogé le rôle de garant de la protection des droits et des libertés fondamentaux.
Cette évolution démontre que le caractère de juridiction du conseil constitutionnel n'était pas absolu jusqu'à cette date compte tenu de sa mission quasi exclusive de répartiteur des compétences. Ainsi, cette « révolution » permet de légitimer la polémique sur la nature juridictionnelle de l'institution.
Cette décision a donné lieu à un débat politique opposant deux thèses. La première dite « politique » qui refuse de considérer le conseil constitutionnel comme une juridiction en raison de son fonctionnement spécifique. La seconde dite « juridictionnel » insiste sur l'autorité de la chose jugée attachée aux décisions du conseil constitutionnel pour concéder à ce dernier la qualité de juridiction.
Sachant que la notion même de juridiction s'attache à certains critères matériels tels que l'existence d'une contestation ou encore l'objet de l'acte, l'unique critère de l'autorité de la chose jugée peut-il justifier à lui seul le caractère juridictionnel de l'institution? De même le fonctionnement spécifique du conseil suffit il pour admettre la thèse politique et ainsi clore le débat quand à la nature juridique de l'organe constitutionnel français? Compte tenu de ces divers questionnements, on peut également se demander si ces deux thèses ne sont pas exclusives l'une de l'autre.
Ainsi dans une première partie il serait possible d'admettre la thèse juridictionnelle compte tenu de la prééminence du critère de l'autorité de la chose jugée. Néanmoins et cela dans une seconde partie, l'on ne peut exclure radicalement la thèse politique compte tenu de la prédominance du politique dans le fonctionnement du conseil.
[...] Il s'agit d'une consultation par conséquent le conseil donne un avis il ne prend pas une décision exécutoire. L'avis n'est même pas publié et sa teneur ne peut être révélée sous peine de violation du serment prêté de garder le secret des délibérations. D'autres cas sont prévus par la constitution, où le conseil constitutionnel est appelé à donner un simple avis, qui, du fait de ce caractère consultatif ne peut naturellement être revêtue de l'autorité de la chose jugée. En revanche, on peut considérer le conseil comme un organe juridictionnel en raison de sa procédure aux allures judiciaires. [...]
[...] Il agit comme une juridiction et non comme une institution politique. Il affirme dans sa décision du 15 janvier 1975 relative à l'IVG où les requérants avaient voulu lui faire trancher un problème politique que l'article 61 de la constitution ne lui confère pas un pouvoir général d'appréciation et de décision identique à celui du parlement mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité à la constitution des lois déférées à son examen Il précise, quelques années plus tard, à propos du premier texte de loi relatif aux nationalisations que l'appréciation portée par le législateur sur la nécessité des nationalisations ( ) ne saurait en l'absence d'erreur manifeste être reçu par lui Le conseil refuse donc l'optique politique pour se situer sur un plan juridique. [...]
[...] En premier lieu si le conseil a su enrichir constamment notre constitution d'une charte des droits et libertés des citoyens, sa saisine est facultative et dépend des acteurs politiques qui décident de le saisir, ou non par stratégie politique. En effet, en France depuis la réforme de 1974 le contrôle de constitutionnalité peut être déclenché par le président de la république, président du sénat et de l'assemblée nationale et par plusieurs groupes de l'opposition (60 députés ou 60 sénateurs). Il semble que cette réforme soit un élément essentiel du statut de l'opposition qui est presque par définition plutôt hostile à la plupart des lois adoptées par la majorité parlementaire et a donc d'excellentes raisons de déclencher le contrôle de constitutionnalité. [...]
[...] On peut affirmer à la vue de cette réflexion, que les polémiques quant à la nature politique ou juridictionnelle du Conseil sont loin d'être dépassée en effet bien que ce dernier puisse être considéré comme une juridiction essentiellement au regard de l'autorité de la chose jugée que revêtissent ses décisions. Néanmoins, l'aspect politique de cet organe est irréfutable reste marqué par la désignation arbitraire de ses membres et par son mode de saisine restreint au seul politique. On peut au-delà d'une conception exclusivement politique ou juridictionnelle du Conseil, penser qu'il s'agit comme l'a soulevé André Hauriou dans son ouvrage Droit Constitutionnel et Institution Politique le conseil possède un caractère para juridictionnel. [...]
[...] Les polémiques autour du statut de juridiction du Conseil Constitutionnel sont-elles dépassées ? Avant la république, il n'avait jamais existé en France de juridiction constitutionnelle digne de ce nom. Le rôle d'une telle juridiction consiste à donner des interprétations de la constitution qui s'imposent aux autres pouvoirs constitués et notamment au Parlement. Or, la tradition républicaine française antérieure à 1958 reposait sur l'idée de souveraineté parlementaire. La création du Conseil Constitutionnel en 1958 manifestait précisément la volonté de rompre avec cette tradition. [...]
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