Voter est un acte particulièrement important dans une démocratie représentative puisque c'est ce qui permet aux citoyens de choisir leurs représentants et de participer indirectement au pouvoir. Le vote est l'expression de la souveraineté du peuple si l'on en croit la Constitution française (art.3). L'acquisition du suffrage universel a toujours suscité de vifs débats mais semble toutefois définitivement acquis au sein des démocraties occidentales. Il suppose ainsi la liberté et l'égalité de tous les citoyens dans le choix de toute orientation politique. Ces choix sont légitimes et réfléchis car résultent d'individus tous attentifs aux événements politiques.
Daniel Gaxie dans son ouvrage intitulé Le Cens Caché noircit cet idéal démocratique en analysant la réalité du vote dans les sociétés occidentales. Il soutient la perpétuité d'un cens, désormais caché, privant indéfiniment une partie de la population de l'accès au vote voire à toute politisation, c'est-à-dire à tout intérêt pour la politique.
En effet comment expliquer que des taux d'abstention soient plus forts chez certaines catégories d'individus plutôt que d'autres si ce n'est l'existence d'un « cens caché » ?
[...] Ils ont donc un handicap culturel dans l'acquisition de la compétence politique. Cette hiérarchie de la politisation entre professionnels et non professionnels instaure selon Gaxie une barrière invisible tenant ces derniers à l'écart du champ politique. II/ Une barrière invisible L'indifférentisme politique, ou l'absence du sentiment de compétence politique En réalité, plus que la compétence politique elle-même, avoir conscience de détenir les grilles d'interprétation du champ politique est primordial à toute politisation. Pour reprendre le sondage cité précédemment, ne pas se sentir capable de comprendre le champ politique conduit des individus à s'exclure spontanément de celui-ci. [...]
[...] L'appréhension de la vie politique ne peut ainsi être cohérente pour ces personnes qui ne maitrisent pas le pouvoir de classer et donc différencier ou évaluer politiquement les acteurs et les enjeux politiques ou encore de se situer elles même politiquement ( la compétence politique s'avère fondamentale pour repérer et juger les subtilités du champ politique. En bref, le fonctionnement du champ politique explique l'apparition d'un langage proprement politique grâce auxquels des agents spécialisés peuvent nommer les enjeux, les acteurs, et les règles de la compétition. Ce langage spécifique devient le fait de professionnels et traduit le degré de compétence politique. Par ailleurs, c'est à partir de ce système de référence que sont définis les enjeux électoraux ou les interrogations des instituts de sondages et que sont interprétées les réponses obtenues. [...]
[...] Au sein de son analyse, Daniel Gaxie montre que se crée une hiérarchie de la politisation : les classes supérieures se déclarant plus intéressées par la politique que les classes moyennes, elles-mêmes plus politisées que les classes populaires. Or si ces groupes sont inégalement politisés, c'est parce qu'ils sont inégalement compétents politiquement. La connaissance des acteurs du champ politique dépendent fortement de la la familiarité avec les enjeux politiques classe sociale la capacité à émettre des opinions politiquement ( Plus un individu occupe une position basse dans la hiérarchie sociale, plus une distance infranchissable s'établit entre ce dernier et le champ politique. [...]
[...] Il apparait alors erroné ou du moins réducteur. Par exemple, la jeune femme que nous avons citée répond à la question : Qui est Arlette Laguiller ? par : Je vois qui c'est. Ce qu'elle dit moins. Je vois comment elle est physiquement. Cet échange est révélateur de ce que Gaxie appelle la retraduction du politique par les indifférents À défaut de maîtriser des critères politiques d'évaluation, ils opèrent une réinterprétation à partir de systèmes de référence qui leur sont plus familiers. [...]
[...] Un exemple significatif est l'enquête menée par Samuel Stouffer en 1955 c'est-à-dire au moment du maccarthysme. Lorsqu'il demande à des personnes comment elles reconnaissent les communistes qu'elles pensent avoir rencontrés, certaines ont répondu : il y avait beaucoup d'étrangers chez lui ou encore il ne croyait pas à la Bible et parlait de la guerre Comme le note Gaxie, ce sont des façons de percevoir les communistes comme inquiétants ou étranges et non de les appréhender politiquement. Enfin, quand ils n'opèrent pas de réinterprétation, les indifférents pour ne pas avouer leur incompétence, empruntent des idées toutes faites telles que tous les mêmes ou beaux parleurs qui jouent pour Gaxie une fonction de défense. [...]
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