Selon une note de synthèse du service des études juridiques du Sénat du 10 février 2006, trente-quatre ordonnances ont été produites durant la période couvrant les années 2001 à 2005, un nombre nettement supérieur à celui de la période précédente couvrant trente années sous la Vème République. En effet, l'inflation des ordonnances qui accompagnent celle des lois, sur la même époque, résulte d'un recours banalisé et excessif de l'article 38 de la Constitution de 1958. En effet, à l'origine, cet article avait vocation à entériner une pratique constitutionnelle en vigueur sous les deux Républiques précédentes. Ainsi, la IIIème République connaissait la délégation du pouvoir législatif envers le pouvoir exécutif afin d'édicter des normes législatives, par l'institution des décrets-lois du fait de l'absence d'interdiction formelle à ce sujet des lois constitutionnelles de 1975. De même, malgré l'interdiction de l'article 13 de la Constitution de 1946 faite au législateur de déléguer son droit de faire la loi, la même pratique constitutionnelle s'est perpétuée sous la IVème République avec les lois-cadres qui se bornaient à poser des principes larges que le pouvoir exécutif complétait de par son pouvoir réglementaire. Cette coutume praeter puis contra constitutionem existait dans ces régimes d'Assemblée où les Chambres, en l'absence de majorité stable, étaient dans l'impossibilité de légiférer correctement, et s'en remettaient alors à des Cabinets à l'existence précaire. A l'inverse, le constituant de 1958, dans un mouvement de rationalisation du parlementarisme, passant notamment par l'encadrement constitutionnel du travail législatif, pose enfin des garanties autour des délégations que le Parlement peut accorder au Gouvernement dans le cadre d'intervention par ce dernier dans le domaine de la loi.
L'ordonnance est alors une manière pour le Gouvernement de se substituer au Parlement. La Constitution a d'ailleurs comporté d'autres types d'ordonnance. En effet, jusqu'au « toilettage » par la loi constitutionnelle du 4 août 1995, l'article 92 subsistait, il prévoyait que le Gouvernement pouvait prendre des ordonnances ayant force de loi afin de mettre en place les institutions et durant cette période transitoire, pouvait prendre des mesures identiques pour assurer le fonctionnement des pouvoirs publics, fixer le régime électoral des Assemblées prévues par la Constitution, et prendre les mesures nécessaires à la vie de la Nation, à la protection des citoyens ou à la sauvegarde des libertés. Ces possibilités étendues ont permis au Gouvernement d'édicter des ordonnances fondamentales telles que celle portant statut de la magistrature ou relative aux lois de finances. D'autre part, l'article 74-1, introduit par la révision du 28 mars 2003, permet au Gouvernement, dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, dans les matières qui demeurent de la compétence de l'Etat, étendre par ordonnances, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative en vigueur en métropole, sous réserve que la loi n'ait pas expressément exclu, pour les dispositions en cause, le recours à cette procédure. C'est donc une compétence de principe que possède le pouvoir exécutif, sous réserve d'une interdiction posée par le pouvoir législatif, et qu'il a, jusqu'à présent, utilisé à deux reprises. Enfin, de manière marginale, s'ouvre la possibilité au Gouvernement de mettre en application les dispositions d'un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale si ces types de lois ne sont, respectivement, adoptés dans un délai de soixante-dix et cinquante jours.
Ces hypothèses sont, bien entendu, exclues de notre étude qui se bornera aux ordonnances prévues à l'article 38 de la Constitution de la Vème République.
L'intérêt du sujet réside dans une étude des ordonnances dans le contexte constitutionnel et institutionnel depuis 1958 à savoir la rationalisation du parlementarisme. En outre, l'étude de la procédure des ordonnances permet de dénombrer les acteurs concernés au-delà du couple central Gouvernement-Parlement.
Or, de quelle manière est encadré le Gouvernement pour dessaisir le Parlement de sa fonction législative à travers les ordonnances de l'article 38 de la Constitution de 1958 ?
Aussi, l'étude du principe lui-même de ce moyen de dessaisissement du Parlement (I) conduit à examiner les contrôles et limitations imposés au Gouvernement (II).
[...] B / Le mode et l'encadrement de dessaisissement prévus par la Constitution D'après la décision du Conseil Constitutionnel du 20 janvier 2005, la demande d'habilitation appartient seulement au Gouvernement. Elle peut intervenir par un projet de loi spécifique ou à l'intérieur d'un projet de loi plus large. Au demeurant, la procédure législative suit son cours réguler et traditionnel avec pour un projet l'avis secret du Conseil d'Etat et la délibération en Conseil des Ministres. Donc, le Président de la République qui préside cette instance (article 9 de la Constitution) pourrait éventuellement refuser d'inscrire à l'ordre du jour ce projet de loi. [...]
[...] La loi d'habilitation doit contenir des délais que ce soit par une date butoir ou une durée. Le premier délai imposé par l'article 38 concerne la durée d'habilitation, l'autre le dépôt d'un projet de loi de ratification. Ces délais tendent à augmenter en moyenne depuis 1958, et avoisine de manière régulière une année. En outre, une prorogation reste possible par le vote d'une nouvelle disposition législative. Outre ces obligations de délai, le Conseil Constitutionnel, dans sa décision du 12 janvier 1977, a dégagé une nouvelle obligation du Gouvernement. [...]
[...] En effet, l'inflation des ordonnances qui accompagnent celle des lois, sur la même époque, résulte d'un recours banalisé et excessif de l'article 38 de la Constitution de 1958. En effet, à l'origine, cet article avait vocation à entériner une pratique constitutionnelle en vigueur sous les deux Républiques précédentes. Ainsi, la IIIème République connaissait la délégation du pouvoir législatif envers le pouvoir exécutif afin d'édicter des normes législatives, par l'institution des décrets-lois du fait de l'absence d'interdiction formelle à ce sujet des lois constitutionnelles de 1975. [...]
[...] L'ordonnance est alors une manière pour le Gouvernement de se substituer au Parlement. La Constitution a d'ailleurs comporté d'autres types d'ordonnance. En effet, jusqu'au toilettage par la loi constitutionnelle du 4 août 1995, l'article 92 subsistait, il prévoyait que le Gouvernement pouvait prendre des ordonnances ayant force de loi afin de mettre en place les institutions et durant cette période transitoire, pouvait prendre des mesures identiques pour assurer le fonctionnement des pouvoirs publics, fixer le régime électoral des Assemblées prévues par la Constitution, et prendre les mesures nécessaires à la vie de la Nation, à la protection des citoyens ou à la sauvegarde des libertés. [...]
[...] Or, de quelle manière est encadré le Gouvernement pour dessaisir le Parlement de sa fonction législative à travers les ordonnances de l'article 38 de la Constitution de 1958 ? Aussi, l'étude du principe lui-même de ce moyen de dessaisissement du Parlement conduit à examiner les contrôles et limitations imposés au Gouvernement (II). I / Un moyen de dessaisissement du Parlement La loi est votée par le Parlement (article 34, alinéa 1). C'est le principe posé au début du Titre V relatif aux rapports entre le Parlement et le Gouvernement. [...]
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