Pour la première fois en 2004, plus de la moitié des textes intervenus dans le domaine de la loi étaient des ordonnances, avec une proportion de 56,5%. Cette part s'est même accrue au cours de l'année 2005, si bien que 63,3% des textes pris dans le domaine de la loi étaient des ordonnances. Yves Gaudemet en 2006 a qualifié cette situation de « loi administrative ». Même si la tendance est actuellement à la baisse, ces statistiques publiées par le service des études juridiques du Sénat nous amènent à nous interroger sur le recours aux ordonnances sous la Vème République, mais principalement sur le recours aux ordonnances de l'article 38 de la Constitution. Nous limiterons notre sujet aux ordonnances de l'article 38, car les ordonnances de l'article 92 ont été supprimées de la Constitution en 1995 et avaient surtout pour but de mettre en place les institutions de la Vème République, même si elles ont été abrogées bien tardivement.
L'ordonnance est, au sens de l'article 38 de la Constitution « un règlement pris par le pouvoir exécutif en matière législative, en vertu d'une loi d'habilitation ». Son origine remonte à la IIIe République, quand durant la Première Guerre mondiale les chambres ont été amenées, à titre exceptionnel, à autoriser le cabinet à prendre des décrets ayant force de loi, c'est-à-dire susceptibles de modifier la loi en vigueur : c'est l'apparition des décrets-loi.
[...] L'argument de l'urgence des décisions est d'ailleurs le plus souvent invoqué, la procédure législative étant longue et lourde, le fait de légiférer par ordonnance permet d'éviter cette procédure. A titre d'exemple, les premières utilisations de ce procédé sont sous la IIIème République, les lois de 1918 sur le ravitaillement et de 1919 sur les départements recouvrés d'Alsace et de Moselle : on voit donc bien le caractère spécifique auquel répond en principe l'ordonnance. - Un domaine limité à l'exécution du programme du gouvernement Ici, le programme n'est pas celui auquel il est fait référence à l'article 49 de la Constitution, mais celui à la réalisation duquel les ordonnances sont nécessaires Dans une décision du 26 juin 1986, le Conseil constitutionnel a estimé que l'article 38 devait être entendu comme faisant obligation au gouvernement d'indiquer avec précision au Parlement quelle est la finalité des mesures qu'il se propose de prendre et leurs domaines d'intervention L'application de la jurisprudence constitutionnelle permet donc d'éviter en principe les abus : l'ordonnance intervient uniquement si le gouvernement est capable d'expliquer en quoi cela relève de l'exécution de son programme et par cela même quelle est la finalité de ce recours. [...]
[...] (Ex : 2005 : succession des gouvernements Villepin et Raffarin). De plus, une habilitation peut être donnée pour une durée supérieure à celle de la législature, c'est-à-dire que le législateur actuel peut dessaisir de sa compétence le législateur futur (ex : loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique donnée en juillet 2005 pour 36 mois, les élections législatives ayant eu lieu en mai 2007). Enfin, en 2007, on a même constaté l'apparition d'une pratique encore moins soucieuse des exigences de l'article 38 : une habilitation du Parlement sans délai pour le dépôt d'un projet de loi de ratification (ex : loi du 17 décembre 2007). [...]
[...] Nous avons montré que le recours aux ordonnances est acceptable, s'il est effectivement encadré et limité. La pratique actuelle ne respectant pas ces deux critères, il semblerait sage de repenser le recours aux ordonnances afin que la délégation de compétence ne soit en pratique, qu'exceptionnelle et temporaire. Bibliographie indicative Les ordonnances de l'article 38 de la Constitution du 4 octobre 1958, Catherine Boyer-Merentier, Economica La pratique des procédures rapides : référés, ordonnances sur requête et procédures d'injonction, Estoup, Litec Revue du droit public et de la Science politique en France et à l'étranger ; 122, p. [...]
[...] On voit donc encore une dérive de la pratique qui viole la norme constitutionnelle. La nouvelle rédaction de l'article 38, qui pose le principe que la ratification doit être expresse, permet de dire selon Pascale Gonod que la situation d'acte hybride que connaissent les ordonnances ne se produira plus à l'avenir. Cependant, la Convention pour une 6ème République, dont fait partie Bastien François, estime que la nouvelle rédaction ne va rien changer à l'existence des actes hybrides lorsque le projet de loi est déposé mais pas voté. [...]
[...] - La ratification du Parlement A l'expiration du délai de l'habilitation, les ordonnances doivent être ratifiées. Ceci implique que le gouvernement dépose auprès du Parlement un projet de loi de ratification qui permet ainsi aux ordonnances d'acquérir force de loi. Or la principale limite dans cette procédure est que l'article 38 dans sa première rédaction, avant la révision du 23 juillet 2008, n'oblige pas le Parlement à ratifier les ordonnances, mais seulement le gouvernement à déposer un projet de loi de ratification auprès du Parlement. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture