Le Conseil constitutionnel est une juridiction indépendante établie par la Constitution de 1958. Son rôle est de veiller à la conformité des lois vis-à-vis de la Constitution. C'est dans cette perspective constitutionnelle que nous allons étudier le concept de nation et son interprétation par la Haute Instance, à travers deux cas : celui du statut de la Corse, en 1991, et celui du Traité de Maastricht, en 1992.
Toutefois, avant de se pencher sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel en la matière, il est nécessaire de préciser la place accordée au concept national dans la Constitution de 1958. Le mot « nation » apparaît en effet relativement peu. Il est utilisé à l'art. 38, 47, 47-1. Il est en revanche assez souvent utilisé dans le préambule de la Constitution de 1946 et dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui viennent compléter la Constitution de 1958. L'article 3 de la Déclaration des droits de l'homme dispose en effet que « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation ». L'idée de souveraineté est donc d'emblée liée à celle de nationalité. C'est en son nom que s'exerce le pouvoir législatif, d'où le terme d'« Assemblée nationale ». Toutefois, la souveraineté nationale ne doit pas être associée à celle de souveraineté populaire. En effet, elle peut s'exercer à travers la personne d'un monarque héréditaire censé représenter la nation. Ce n'est véritablement qu'avec la Ve République que « peuple » et « nation » sont associés. L'article 3 de la Constitution de 1958 dispose en effet que « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». Enfin, la Constitution française leur superpose un troisième concept, celui de citoyenneté. Si la nationalité est un lien politique et juridique unissant l'individu à un État donné, seule la citoyenneté peut garantir de jouir de l'ensemble des droits juridiques et politiques. Ainsi, avant 46, les ressortissants des colonies disposaient de la nationalité, mais, contrairement aux citoyens français, ils ne pouvaient, par exemple, pas voter. Aujourd'hui, cette distinction a disparu ; nationalité et citoyenneté sont pratiquement synonymes. L'État, le peuple et la nation sont donc des entités superposables.
[...] En effet, les collectivités territoriales (dont font partie les municipalités) sont représentées par le Sénat, assemblée parlementaire participant donc à l'exercice de la souveraineté nationale En vertu de la Constitution, puisque l'élection a une portée nationale, les électeurs doivent être les nationaux français majeurs des deux sexes jouissant de leurs droits civils et politiques En ce qui concerne les élections et l'éligibilité au Parlement européen en revanche, la conclusion n'est pas la même. En effet, le Parlement est un organe indépendant de l'Etat français et sans lien avec l'exercice de la souveraineté nationale. Le problème d'inconstitutionnalité ne se pose donc pas pour les élections européennes. La voie ouverte à la réforme constitutionnelle La décision du Conseil constitutionnel : une réforme constitutionnelle nécessaire. [...]
[...] En effet, en vertu de sa jurisprudence du 19 juin 1970 sur les Traités des Communautés européennes, le Conseil constitutionnel n'autorise par la réforme constitutionnelle que des transferts de compétence ne portant pas atteinte "aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale En conséquence, l'éligibilité restera exclusivement française pour les postes de maires et de leurs adjoints, ceux-ci prenant part à l'élection des sénateurs. Par ailleurs, et c'est notable, le terme de citoyenneté n'apparaît finalement pas dans le titre XV, consacré aux Communautés européennes. Cette citoyenneté reste donc symboliquement forte, mais elle n'a pas entraîné de concessions importantes en matière de droit constitutionnel et de souveraineté nationale en particulier. Conclusion Au regard de ces deux cas, il semblerait donc que le Conseil constitutionnel soit parvenu jusqu'ici à préserver une certaine conception de la nation, sans freiner pour autant progrès et évolutions. [...]
[...] II- Une volonté de compromis entre protection de la souveraineté nationale et adaptation aux évolutions politiques européennes. Une citoyenneté européenne problématique Les objectifs de Maastricht en matière de citoyenneté. Parmi les points du Traité de Maastricht qui ont fait l'objet d'un examen par le Conseil constitutionnel, un des plus importants était celui de la création d'une citoyenneté européenne. Selon le traité, est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un Etat membre Celle-ci est en effet créée dans la perspective d'étendre les droits des européens. [...]
[...] Cette question a en réalité déjà été réglée en 82 et le Conseil va réaffirmer la constitutionnalité de ce processus. Toutefois, un autre point suscite des mécontentements Le peuple corse : un point de détail ? En effet, le premier article de la loi dispose que La République française garantit à la communauté historique et culturelle vivante que constitue le peuple corse, composante du peuple français, les droits à la préservation de son identité culturelle et à la défense de ses intérêts économiques et sociaux spécifiques. [...]
[...] L'Etat, le peuple et la nation sont donc des entités superposables. C'est cette particularité caractérise la tradition jacobine française à laquelle de nombreux républicains, de gauche comme de droite ont toujours été attachés. Le rôle du Conseil constitutionnel est donc, en partie celui de garantir cette superposition face à deux tendances : La montée des particularismes régionaux, qui tendent à mettre à mal le concept d'unicité du peuple français, et le régionalisme, qui encourage à superposer une citoyenneté européenne à la citoyenneté française. [...]
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