Mutation des collectivités territoriales, unicité de l'Etat, article 1er de la Constitution, loi du 2 mars 1982, décentralisation, accords de Nouméa, transfert de compétences, révision constitutionnelle de 2003, article 72 de la Constitution, fédéralisme, indépendance politique
L'État unitaire, soit une forme étatique caractérisée par l'unicité de son système juridique, politique et disposant de l'ensemble de ses compétences sur son territoire, dont la France a longtemps incarné le modèle en raison de son passé centralisateur jacobin et napoléonien, a été le modèle dominant en Europe occidentale. "Pays de culture d'État" (J. Gicquel in Droit constitutionnel et institutions politiques, 2020), la France a pérennisé un système centralisé, ordonné autour du principe d'unité.
L'article premier de la Constitution de 1958 rappelle d'ailleurs que la "République est indivisible", c'est-à-dire qu'elle ne saurait accorder aucune dérogation sur son sol et que ses principes sont applicables à toutes les collectivités territoriales. Toutefois, spectatrice de l'émergence des régionalismes autonomiques et de la précision du fédéralisme étatique à ses frontières, la France a dû repenser les statuts de ses territoires d'outre-mer et opérer un transfert de compétences vers ses régions en construisant une "nouvelle architecture des pouvoirs" (J. Chirac, discours suite à la loi du 2 mars 1982).
[...] L'État dispose par ailleurs toute souveraineté dans la fixation du territoire des collectivités territoriales (exemple frappant du redécoupage régional) : l'État dispose de « la compétence de sa compétence ». Inexistence d'un État dit régional : les collectivités territoriales ne bénéficient aucunement d'une compétence législative (contrairement à l'Italie ou l'Espagne, cf. article 72 alinéa 3 de la Constitution mentionnant le pouvoir réglementaire). Aussi, les collectivités territoriales apparaissent « comme des institutions administratives » (P. Montalivet, in l'État unitaire français et la décentralisation : hybridation des modèles territoriaux). [...]
[...] Aussi, la mutation des collectivités territoriales ne menace-t-elle pas la forme de l'État et son unicité ? Le transfert de compétences opéré entre « le centre et la périphérie » ainsi que la modification des statuts des territoires ultra-marins, entendus globalement comme la mutation des collectivités territoriales, a fait dire à une partie de la doctrine constitutionnaliste que le caractère unitaire de l'État était corrompu alors que cette adaptation aux contraintes locales et aux impératifs démocratiques peut être pensée comme une reformulation de l'État unitaire plutôt qu'une rupture (II). [...]
[...] Cette mutation des collectivités territoriales, à l'aune des régionalismes et fédéralismes étrangers, implique tout de même un mouvement de recul. Il convient de repenser la définition de l'État unitaire, anciennement consubstantielle de celle d'un État centralisé, aux vues des besoins démocratiques de décentralisation et des statuts dérogatoires répondant aux réalités locales. II. Une mutation des collectivités territoriales : reformulation plutôt que rupture de la forme de l'État unitaire Le spectre d'un retour à une « France de l'Ancien Régime » est un non-sens dès lors que la décentralisation est légalement encadrée et que l'État dispose de moyens de contrôle fort sur ses collectivités, empêchant toute forme d'autonomie totale et souveraine En outre, les statuts dérogatoires accordés à certains territoires doivent davantage être pensés comme une territorialisation du droit plutôt qu'un phénomène de fédéralisation A. [...]
[...] De même, le transfert de l'exécutif départemental du préfet au président du conseil général dissocie les collectivités territoriales de l'État central au sens qu'elles ne sont plus soumises un de ses agents. La révision constitutionnelle de 2003, consacrant le statut constitutionnel de la décentralisation (article 1er : l'État est « décentralisé ») et garantissant le pouvoir réglementaire dérivé des collectivités (et plus précisément les communes, départements, régions, collectivités à statut particulier et collectivités d'outre-mer) et leur autonomie financière. Ces dernières « s'administrent librement par des conseils élus et disposent du pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences » (article 72 de la Constitution française). [...]
[...] Cette multiplication de couches administratives, on parle du « millefeuille français », ne saurait toutefois occulter le rôle prépondérant de la région. Le phénomène décentralisateur a permis un accroissement de leurs compétences propres : gestion des transports (autorités organisatrices de plein exercice), organisation des lycées, encadrement de la formation professionnelle, aménagement du territoire et de l'environnement, développement économique, gestion des programmes européens (cf. prefectures- regions.gouv.fr). La suppression de la tutelle du préfet, agent de l'État, opérant un contrôle de légalité désormais a posteriori sur les actes administratifs des régions a confirmé l'assise normative de la région, distincte de celle de l'État (même si elle demeure en droit contrôlée et soumise à la conformité législative). [...]
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