Mode normal de législation, multiplication des ordonnances, ordonnances Macron, ordonnances de Villepin, habilitation de la loi, domaine du Parlement, pouvoir législatif, article 38 de la Constitution de 1958, article 13 de la Constitution de 1946, article 47 de la Constitution de 1958, question prioritaire de constitutionnalité, révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, article 34 de la Constitution de 1956
Le climat actuel de contestations à l'encontre des ordonnances Macron n'est pas sans rappeler celui qui prit place sous le gouvernement de Villepin lors de l'été 2005. C'est en effet dans un contexte parallèle que le juriste français Pierre Delvolvé écrivit que "La loi n'apparaît plus comme le mode normal de législation ; elle est de plus en plus remplacée par des ordonnances. Leur multiplication est un signe de changement et même de dérèglement juridique". À l'époque, c'est en effet sur une courte période que se sont multipliées les prises d'ordonnances par le gouvernement, lesquelles sont des actes réglementaires signés par le Président de la République et pris dans le domaine réservé au législateur, sur habilitation de la loi.
Dans la procédure d'adoption d'une ordonnance telle que prévue par l'article 38, trois étapes contraignantes sont prévues : le gouvernement qui souhaite intervenir dans le domaine du Parlement doit accepter que ce dernier se dé-saisisse momentanément, et doit donc déposer un projet de loi d'habilitation indiquant la ou les matières dans lesquelles il souhaite intervenir ainsi que la durée durant laquelle il bénéficiera de l'habilitation. Si la loi d'habilitation est votée par le Parlement, les ordonnances peuvent être élaborées : elles doivent être travaillées en Conseil des ministres, faire l'objet d'un avis du Conseil d'État et, enfin, être signées par le Président de la République conformément aux termes de l'article 13 de la Constitution.
[...] Or une partie de la doctrine et de la jurisprudence ont fait une interprétation contraire : la Cour de Bordeaux a notamment estimé qu'« une loi portant délégation de pouvoir par le Parlement au gouvernement n'a le caractère intuitu personae, que lorsqu'il s'agit de textes de caractère politique, la personne du chef du gouvernement et son passé politique ayant en ce sens été nécessairement déterminants ». Les deux interprétations cohabitent donc malgré le fait qu'une habilitation impersonnelle soit manifestement contraire à l'esprit de la Constitution. C'est par exemple que les ordonnances de l'été 2005 ont utilisé les habilitations accordées au gouvernement précédent. La pratique législative de l'ordonnance apparait donc comme peu légitime de par son caractère déjà approximativement démocratique et de par l'interprétation dénaturée qui est faite de la Constitution. [...]
[...] L'ordonnance permet donc de légiférer bien plus rapidement, en cas de véritables blocages au Parlement ou de situations à régler dans l'urgence, dans des matières essentielles telles que la loi des finances : l'article 47 alinéa 3 de la Constitution précise ainsi que « Si le Parlement ne s'est pas prononcé dans un délai de soixante-dix jours, les dispositions du projet peuvent être mises en vigueur par ordonnance ». L'ordonnance apparait donc de manière générale comme étant destinée à un usage exceptionnel, ou du moins rare, afin de pallier les carences du système législatif. [...]
[...] C'est davantage sous les IIIe et IVe Républiques qu'apparait la technique telle qu'on la connait aujourd'hui : la IIIe République est en effet marquée par un paradoxe puisque le Parlement devient le maitre du jeu politique et, en même temps, il est tellement divisé qu'il est incapable de prendre légiférer. Or la IIIe connait des problèmes graves qui impliquent des prises de décisions, telles que la Première Guerre mondiale et la crise économique de 1929. Dès 1918, le Parlement prend alors l'habitude de déléguer son pouvoir législatif au gouvernement, ce qui reste contraire au principe de séparation des pouvoirs et à la Constitution. [...]
[...] Ainsi, la procédure ne fait pas intervenir la seule volonté du Président, mais une multitude d'acteurs à travers la double intervention du Parlement, la concertation des ministres et l'avis du Conseil d'État. En effet l'intervention parlementaire est requise à deux reprises dans l'élaboration de l'ordonnance, et par conséquent ce sont les représentants du peuple, élus par lui, qui autorisent l'élaboration de l'ordonnance. Tout cela empêche une utilisation arbitraire de la procédure de la part du gouvernement, mais aussi, et surtout permet aux ordonnances d'être empreintes d'un minimum de légitimité démocratique. [...]
[...] En effet la loi de ratification, mais surtout la loi d'habilitation peut toutes deux faire l'objet d'un contrôle de constitutionnalité. C'est par une décision constitutionnelle du 12 janvier 1977 que le Conseil constitutionnel a ainsi pour la première fois admis sa compétence pour juger de la constitutionnalité des lois d'habilitation. Il s'agit d'un contrôle particulièrement important contrairement à ce que certains pourraient rétorquer, car, bien que la loi d'habilitation ne contienne pas directement les dispositions législatives qui seront appliquées, elle conditionne la liberté d'action du gouvernement dans le temps et dans les domaines de la loi, et la jurisprudence du Conseil constitutionnel a grandement concouru à ce que le Parlement encadre strictement les compétences législatives ainsi déléguées au pouvoir réglementaire. [...]
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