Jusqu'en 1958, le contrôle de constitutionnalité des lois n'existait pas en France. Contraire à la tradition de la souveraineté de la loi définit par Rousseau comme étant « l'expression de la volonté générale », le principe même de ce contrôle était étranger à la conception républicaine des institutions. S'il s'est progressivement imposé, c'est qu'il a pu bénéficier de l'opportunité de la création du Conseil constitutionnel, organe crée à l'origine pour veiller à ce que le Parlement ne sorte pas du domaine qui lui avait été attribué. Le Conseil, à sa création, était, selon l'expression de Michel Debré : « une arme contre la déviation du régime parlementaire », c'est-à-dire, un arbitre des conflits entre le Parlement et le gouvernement. A l'origine, le Conseil constitutionnel n'avait qu'un rôle très limité, les pères de la constitution de 1958 n'avaient pas l'ambition de faire une Cour constitutionnelle comme la Cour constitutionnelle des Etats-Unis ou le Tribunal constitutionnel Allemand, c'est-à-dire une juridiction chargée de veiller au respect des droits et des libertés. Il a fallu attendre la présidence de Pompidou pour que l'émancipation se produise, marquée par la décision du 16 juillet, censurant une loi d'origine gouvernementale qui limitait la liberté d'association. En censurant le gouvernement sur un sujet symbolique, le Conseil s'est ainsi donné les moyens d'un contrôle de constitutionnalité élargi. Cette évolution a été renforcée par la révision constitutionnelle de 1974 qui en ouvrant la saisine aux parlementaires (et donc à l'opposition) a rendu la saisine du Conseil systématique. Le conseil comprend des membres nommés et des membres de droit. Les membres de droit sont les anciens présidents de la République, ils sont membres à vie du Conseil. Les membres nommés, au nombre de neuf, sont désignés pour un mandat de neuf ans par le président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat et sont renouvelés par tiers tous les trois ans.
Ainsi après avoir précisé l'institution qu'est le Conseil constitutionnel, il nous faut définir le contrôle qu'elle exerce. Ce contrôle de constitutionnalité, est un contrôle de la conformité d'une norme quelle qu'elle soit à la Constitution, il ne doit pas être confondu avec le contrôle de constitutionnalité des lois, qui lui consiste en un contrôle de la conformité des lois à la Constitution.
Le contrôle de constitutionnalité est mû de la conception juridique du professeur autrichien Kelsen, selon laquelle la Constitution est au sommet de la hiérarchie des normes, par conséquent toutes les normes lui étant inférieures doivent respecter son autorité. Kelsen considère, que ce contrôle ne peut être exercé que par un organe indépendant du Parlement et par conséquent aussi de toute autorité étatique, c'est-à-dire une juridiction constitutionnelle spécialisée, dotée d'un statut constitutionnel garantissant son indépendance à l'égard des pouvoirs qu'il lui incombe de contrôler. Il s'agît là d'un développement et d'un progrès considérable de la notion d'Etat de droit, que le principe démocratique paraissait toujours susceptible de menacer. Ce n'est pas seulement le dogme de la loi « expression de la volonté générale » qui se trouve ainsi remis en cause, ainsi que toutes les conséquences dont était porteuse la doctrine rousseauiste de la démocratie, c'est la notion même de souveraineté, qui est selon Karl Friedrich, incompatible avec le constitutionnalisme. Certes le pouvoir constituant reste souverain, mais il cesse d'être le seul qui permette à la norme constitutionnelle d'évoluer et de s'adapter. Le rôle du juge constitutionnel est alors essentiel, étant donné que la concrétisation de la supériorité d'une norme constitutionnelle à l'égard d'une loi particulière donne nécessairement lieu à une interprétation des normes fondamentales, que lui seul est le mieux apte à donner.
L'exigence de conformité des lois à la Constitution, contrôlée par le Conseil, engendre donc une nouvelle définition de la loi. En ce sens, la loi n'exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution qui émane, préalablement aux lois, de la volonté générale. Le Conseil constitutionnel est, de ce fait l'expression de l'Etat de droit ou "l'incarnation du gouvernement de la Constitution" selon l'expression du doyen Georges Vedel. Toutefois, le contrôle du conseil a fait l'objet de nombreuses critiques notamment quant à sa conformité aux principes démocratiques, lorsque l'on retient la définition de démocratie de J.L Quermonne pour qui elle est le « le gouvernement du peuple exercé par la majorité librement exprimée de celui-ci, dans le respect du droit pour la minorité de manifester son opposition ».
Quels sont donc les moyens mis en œuvre par le Conseil constitutionnel, dont le contrôle de la constitutionnalité des lois a longtemps été controversé, afin de ne pas altérer les principes démocratiques ?
Nous commencerons notre analyse en essayant de comprendre pourquoi, le contrôle de constitutionnalité des lois a pu être controversé (I) ; puis nous continuerons en essayant de voir en quoi, ce contrôle est devenu un instrument au service de l'Etat de droit et de quelle manière son action est légitime et de surcroit indispensable dans la démocratie contemporaine (II).
[...] Il s'agit là d'un développement et d'un progrès considérable de la notion d'Etat de droit, que le principe démocratique paraissait toujours susceptible de menacer. Ce n'est pas seulement le dogme de la loi expression de la volonté générale qui se trouve ainsi remis en cause, ainsi que toutes les conséquences dont était porteuse la doctrine rousseauiste de la démocratie, c'est la notion même de souveraineté, qui est selon Karl Friedrich, incompatible avec le constitutionnalisme. Certes le pouvoir constituant reste souverain, mais il cesse d'être le seul qui permette à la norme constitutionnelle d'évoluer et de s'adapter. [...]
[...] L'Etat de droit renforcé par le contrôle de constitutionnalité des lois A. La régulation du pouvoir dominant - Le Conseil constitutionnel, en modérant l'action du pouvoir majoritaire, affirme clairement sa légitimité fonctionnelle. Sous la IIIe et la IVe République, l'absence de contrôle de constitutionnalité pouvait s'expliquer par l'absence de majorité et la faiblesse du pouvoir exécutif. Au contraire la Ve République consacre l'hégémonie de l'exécutif ainsi que l'apparition du phénomène majoritaire avec la bipolarisation. - La réforme de 1974 ouvrant la saisine du Conseil constitutionnel et donc du contrôle de constitutionnalité des lois aux parlementaires et de ce fait à l'opposition, a rendu celle-ci systématique. [...]
[...] A partir de là, on peut se demander si le juge constitutionnel se réfère dans son travail à des textes qui possèdent en eux-mêmes des significations et les respectent sans les interpréter ou au contraire s'il devient un créateur de la norme et va même jusqu'à devenir le décideur des lois sans jouir de la légitimité électorale. - Le conseil constitutionnel en France bénéficie de l'autorité de la chose jugée Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles selon l'article 62 de la constitution de 1958. [...]
[...] Nous commencerons notre analyse en essayant de comprendre pourquoi, le contrôle de constitutionnalité des lois a pu être controversé ; puis nous continuerons en essayant de voir en quoi, ce contrôle est devenu un instrument au service de l'Etat de droit et de quelle manière son action est légitime et de surcroit indispensable dans la démocratie contemporaine (II). I. Le contrôle de constitutionnalité des lois : un contrôle longtemps controversé A. La notion de souveraineté remise en cause - Le contrôle de constitutionnalité des lois remet en cause la thèse rousseauiste selon laquelle la loi est l'expression de la volonté générale puisqu'un organe contrôle et vérifie la volonté du peuple constituant. [...]
[...] Le gardien des droits et des libertés fondamentales - Le rôle d'organe politique du Conseil constitutionnel, au service du pouvoir exécutif dans l'optique du parlementarisme rationalisé, s'est métamorphosé en un pouvoir juridictionnel chargé de dire le droit en faveur des libertés. - La première décision faisant référence à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen date de 1973 lorsque le Conseil a censuré une disposition législative en ayant considéré qu'elle portait atteinte au principe d'égalité devant la loi. Ainsi le Conseil a donné une valeur constitutionnelle à l'ensemble de la Déclaration des droits de l'homme. [...]
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