Toute Constitution est le reflet d'une certaine conception du rôle de l'Etat dans la société. Toutefois le constituant, dans la théorie libérale, semble ne plus limiter son rôle à la mise en place d'une organisation du pouvoir, et fait désormais précéder son œuvre d'un exposé des principes qui constitueront les fondements de la Constitution : c'est la Déclaration des droits.
Sur le plan théorique une distinction a été établie par Thouret en 1791 entre les « déclarations des droits », qui sont des exposés à caractères philosophiques, et les « garanties des droits », qui sont des textes inclus dans le corps des Constitutions et qui ont pleine valeur juridique.
En France l'autorité juridique du Préambule de la Constitution de 1946 s'est peu à peu affirmée par l'application qui en a était faite par les tribunaux, en dépit même de l'intention manifeste des constituants, puisqu'il n'entrait pas dans leurs intentions de lui conférer une valeur juridique.
Aussi ce Préambule réaffirmait-il « solennellement les droits et les libertés de l'homme et du citoyen consacrées par la Déclaration des Droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » et proclamait « en outre, comme particulièrement nécessaire à notre temps, des principes politiques, économiques et sociaux ».
Quant au Préambule de la Constitution de 1958, en lui même bref, il proclame solennellement l'attachement du peuple français « aux droits de l'homme et aux principes de souveraineté nationale tels qu'ils ont étaient définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le Préambule de la Constitution de 1946 ».
Dès lors toute la question a été de savoir quelle était la valeur juridique de ces Préambules. En 1946 la question fut posée dans la mesure où le Préambule, distinct du corpus même de la Constitution, était rédigé en termes souvent très généraux, on a ainsi pu se demander s'il s'agissait de principes de philosophie politique ou de règles de droit. Quant au Préambule de 1958, très bref, il renvoyait à la déclaration de 1789 et au Préambule de 1946, aussi fallait-t-il déterminer si celui-ci avait valeur de droit positif, et en ce cas, s'agissait-il d'un texte de droit ordinaire ou avait-il valeur constitutionnelle ?
Ce problème fut définitivement résolu par la décision du 16 juillet 1971 dite « liberté d'association » qui amena le Conseil Constitutionnel à ce prononcer sur la valeur juridique du Préambule de 1958.
En l'espèce certains artistes avaient décidé de créer des associations inspirées par l'idéologie communiste. L'administration va s'opposer à la déclaration de « l'association des Amis du peuple », en leur refusant le récépissé de leur déclaration, et ce sans aucune base légale. Alors que les associations sont placées sous le régime de la loi de 1901 et peuvent se former librement sans contrôle de l'administration, le gouvernement décide de proposer une loi pour instituer un contrôle administratif de la déclaration des associations. Ce contrôle exercé par la préfecture, avant la déclaration permettrait à l'administration de restreindre indéniablement la liberté d'association tel qu'énoncé par la loi de 1901. Le président du Sénat Alain Poher saisit alors le Conseil Constitutionnel. Le Conseil Constitutionnel est alors confronté à un problème : sur quel fondement allait-il pouvoir déclarer la loi en cause contraire à la Constitution ?
Aussi, pour déclarer la loi non conforme à la Constitution, le conseil va s'appuyer sur les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, et solennellement réaffirmer par le Préambule de la Constitution de 1958, où il y a lieu de ranger le principe de la liberté d'association qui est à la base des dispositions de la loi de 1901.
Par cette affirmation le Conseil Constitutionnel élève au rang de norme constitutionnelle le Préambule de 1958 et par extension le Préambule de 1946 puisqu'en 1958 il y est fait référence. Par cette décision le Conseil donne valeur constitutionnelle à des déclarations de reconnaissance de principes et prend une nouvelle place de défenseur des droits fondamentaux des citoyens.
Ainsi nous sommes amenés à nous demander, comment la décision du 16 juillet 1971 a-t-elle permis de mettre fin à un long débat sur la valeur juridique des Préambules ?
Pour répondre à ce problème nous serons amenés à situer la décision du Conseil Constitutionnel dans un contexte déjà plutôt favorable à cette consécration (I). Enfin nous analyserons concrètement la portée de cette solution quant à la valeur juridique du Préambule (II).
[...] Il semble, de plus, admettre la valeur juridique du Préambule, en tant que tel, dans les arrêts Amicale des Annamites de Paris (CE juillet 1956) et Condamine où il fait directement référence aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Sous la Vème République, le CE reconnaît immédiatement la valeur du Préambule, dans l'arrêt Société Eky le 12 février 1960. Cependant le CE n'est pas en mesure de procéder à un contrôle de constitutionnalité, il lui est donc inutile de préciser davantage la valeur juridique du Préambule et notamment de le qualifier de constitutionnel. [...]
[...] De quelle manière la décision du Conseil Constitutionnel du 16 juillet 1971 a-t-elle permis la reconnaissance de la valeur juridique du Préambule de la Constitution de 1958 ? Toute Constitution est le reflet d'une certaine conception du rôle de l'Etat dans la société. Toutefois, le constituant, dans la théorie libérale, semble ne plus limiter son rôle à la mise en place d'une organisation du pouvoir, et fait désormais précéder son œuvre d'un exposé des principes qui constitueront les fondements de la Constitution : c'est la Déclaration des droits. [...]
[...] Malgré ces controverses, déjà en 1947 le TGI de la Seine rendait un jugement se référant expressément au Préambule de 1946. Autrement dit, la décision du Conseil Constitutionnel de 1971 intervient dans un contexte déjà favorable à cette reconnaissance. Les précédents : un contexte favorable Les juges saisis de la question de la valeur juridique des Préambules ont, en plusieurs étapes, reconnu la pleine valeur juridique du Préambule. Aussi comme nous venons de le dire le juge judiciaire dès 1947 se fonde sur le Préambule de 1946, et la jurisprudence judiciaire demeura constante à partir de ce jugement. [...]
[...] Par cette décision le Conseil donne valeur constitutionnelle à des déclarations de reconnaissance de principes et prend une nouvelle place de défenseur des droits fondamentaux des citoyens. Ainsi, nous sommes amenés à nous demander, comment la décision du 16 juillet 1971 a-t-elle permis de mettre fin à un long débat sur la valeur juridique des Préambules ? Pour répondre à ce problème, nous serons amenés à situer la décision du Conseil Constitutionnel dans un contexte déjà plutôt favorable à cette consécration Enfin, nous analyserons concrètement la portée de cette solution quant à la valeur juridique du Préambule (II). I. [...]
[...] Aussi certains auteurs, opposants à la valeur juridique du Préambule se prévalaient du contenu vague du Préambule de 1946 pour lui dénier une valeur précise. Le caractère imprécis de certaines dispositions du Préambule de 1946 avait déjà fait douter du caractère impératif des prescriptions qu'il contenait. En 1946 les travaux préparatoires du texte de la Constitution ne donnaient pas d'indications sur la valeur qui devait être reconnue au Préambule. Le doyen Ripert ne reconnaissait d'ailleurs au Préambule de 1946 qu'une valeur morale ou philosophique. A l'inverse, d'autres auteurs, comme Maurice Duverger, étaient favorables à la reconnaissance de la valeur constitutionnelle du Préambule. [...]
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