Cet extrait de Raymond Carré de Malberg aborde une question essentielle du point de vue des sources formelles du droit constitutionnel, et qui est de savoir dans quelle mesure il peut exister, dans un système de constitution écrite, du droit constitutionnel coutumier. Carré de Malberg répond négativement, en invoquant la suprématie formelle du texte constitutionnel, protégé par l'existence d'une procédure de révision spécifique. Il répond ainsi aux arguments d'auteurs qui, comme Léon Duguit ou Maurice Hauriou, soutiennent à l'époque que les grandes libertés proclamées par la Déclaration des droits de 1789 ont acquis une valeur constitutionnelle voire même supra constitutionnelle, en tant que principes de droit coutumier. Ceci, en l'absence de constitutionnalisation des libertés publiques, laquelle n'interviendra en France que tardivement.
[...] La réhabilitation de la coutume en tant que source authentique du droit constitutionnel républicain passera par l'affirmation de son caractère démocratique. C'est ce à quoi s'attachera René Capitant, pour qui la coutume exprime de manière spontanée, le cas échéant contre le texte constitutionnel lui-même, la volonté de la communauté nationale souveraine. Autrement dit la coutume c'est la démocratie vivante, en action, alors que le texte constitutionnel n'exprime jamais que la volonté de la communauté nationale au moment de son élaboration. Avec cette analyse volontariste, c'est tout le formalisme de Carré de Malberg qui vole en éclats. [...]
[...] Autrement dit pour lui les principes de 1789 n'ont pas plus valeur législative qu'ils n'ont valeur constitutionnelle. Quant à la question de leur constitutionnalité, ils ne sauraient en tout cas être qualifiés de principes constitutionnels, ni être envisagés comme des éléments de la Constitution française proprement dite Autrement dit du fait de leur caractère coutumier on ne peut pas plus les considérer comme des principes non écrits adossés à la Constitution, et qui la complèteraient en quelque sorte, que comme des éléments intégrés à la Déclaration de 1789 elle- même, puisque précisément ce texte n'en parle pas, à la différence des constitutions ultérieures, celle de 1946 et de 1958, qui s'y réfèrent, ce qui permettra la constitutionnalisation des libertés publiques à partir de 1971 et notamment à partir de la fameuse décision du 16 juillet 1971 relative à la liberté d'association. [...]
[...] Conclusion Ce court passage de Carré de Malberg, livré au détour d'une note de bas de page de sa volumineuse Contribution à la théorie générale de l'Etat, va contribuer dans les années 1920 à ouvrir un débat de fond sur le rôle de la coutume en droit constitutionnel. La position formaliste qu'il exprime apparaît en profond décalage avec réalité institutionnelle de la IIIe République, et c'est ce décalage qui va conduire la doctrine à admettre l'existence d'un droit constitutionnel coutumier en complément de la Constitution, et fournissant les clés pour la comprendre, l'interpréter, et l'adapter aux nécessités du temps. [...]
[...] UNIVERSITÉ DE PARIS FACULTÉ DE DROIT Licence en droit INTRODUCTION À LA THÉORIE DE L'ÉTAT 2005-2006 (UFR de Droit) DROIT CONSTITUTIONNEL * Commentez le texte suivant : La caractéristique juridique de la Constitution, c'est d'être une loi possédant une puissance renforcée, en tant qu'elle ne peut être modifiée par une loi ordinaire et qu'elle limite ainsi la compétence législative : la notion de Constitution ne se trouve réalisée, en droit, qu'à cette condition. Cette considération suffit, à elle seule, à exclure la possibilité d'un droit constitutionnel coutumier. Il y a incompatibilité entre ces deux termes, Constitution et coutume. Car, la coutume n'étant pas écrite, il n'est pas besoin d'une procédure de révision pour la modifier. La coutume ne possède donc pas la force supérieure qui caractérise le droit vraiment constitutionnel : seules, les règles consacrées par une Constitution écrite sont revêtues de cette force spéciale. [...]
[...] Or l'affirmation de primauté de la Constitution n'a de sens que si cette même constitution fixe précisément des règles substantielles concernant l'organisation et le fonctionnement du pouvoir. Pour dire les choses autrement il existe une correspondance entre la définition formelle et la conception matérielle de la Constitution, et ce n'est que si son contenu le justifie qu'il peut s'avérer nécessaire de protéger la Constitution. Or sur ce point les lois constitutionnelles de 1875 étaient extrêmement sommaires, et qui plus est la pratique politique s'est éloignée assez sensiblement des principes fixés au départ. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture