La Constitution de 1958 avait l'ambition de créer un régime parlementaire. L'effort pour définir le domaine de la loi est l'une des mesures qui fut entreprise pour y parvenir. Avant 1958, comme l'ont montré les régimes de la IIIe et IVe Républiques, le Parlement était souverain. Ainsi, par effet d'entraînement, la loi, acte du Parlement, était elle aussi souveraine. Cela tenait au fait que la loi était l'expression de la volonté générale, et donc rien ne pouvait la remettre en cause. Ainsi, la loi n'avait pas de normes supérieures à respecter et son domaine d'intervention était sans limite : c'est le légicentrisme. La loi s'exprimait sur toutes questions. La Constitution de 1958 ayant été adopté en réaction de contestation au régime d'assemblée des Républiques précédentes, la première des mesures qui fut entreprise fut de limiter le domaine d'intervention du Parlement, et donc, a fortiori, de la loi, pour éviter de retomber dans l'échec des régimes antérieurs. La Constitution de 1958 a donc mis fin à la souveraineté de la loi (...)
[...] Le législateur et le gouvernement ont chacun leur domaine propre dont les frontières sont mouvantes au gré des infléchissements donnés par le Conseil constitutionnel. D'autre part, la juridiction administrative, c'est-à-dire le Conseil d'Etat, admet que le législateur puisse habiliter le Gouvernement à intervenir dans son domaine de compétence défini à l'article 34. Le Conseil d'Etat a confirmé la jurisprudence selon laquelle la loi fait pour lui écran entre son décret d'application et l'article 34 de la Constitution. Cependant, le législateur est tenu d'exercer la plénitude de ses compétences et peut être censuré s'il renonce à les exercer au profit du pouvoir réglementaire. [...]
[...] En second lieu, le législateur a investi ou réinvesti des domaines avec l'accord implicite du gouvernement. En effet, lorsque le gouvernement estime que le législateur empiète sur le domaine réglementaire, lui seul peut intervenir, en soulevant l'irrecevabilité du texte ou en saisissant le Conseil constitutionnel, pour faire respecter le partage des compétences. S'il ne réagit pas, l'extension de la compétence législative est considérée comme acquise. Il donne alors implicitement son accord à l'extension du domaine de la loi au-delà de l'article 34. [...]
[...] Le contrôle du respect du domaine législatif est assuré de façon indirecte par le Conseil d'Etat. Il faut distinguer deux cas de figure : * Le premier, le plus classique, est celui dans lequel le gouvernement a pris un règlement qui empiète sur le domaine législatif. Le Conseil d'Etat ne peut se prononcer sur l'empiètement qu'à l'occasion d'un recours pour excès de pouvoir intenté par un justiciable contre le règlement. L'inconvénient de cette procédure est que le Conseil ne rend pas sa décision avant de nombreux mois. [...]
[...] Ainsi, la nécessité d'avoir instaurer un contrôle pour respecter les bornes des deux domaines montre bien que la frontière qui les sépare peut être franchie facilement La perméabilité de la frontière entre loi et règlement Progressivement, le domaine de la loi s'est élargi à partir du noyau dur que constitue l'article 34 (mais aussi les articles et 72). En premier lieu, l'élargissement du domaine de la loi est le résultat de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. En effet, il a défini le domaine de la loi non seulement par référence à l'article 34, mais aussi par référence aux normes auxquelles renvoie le préambule de la Constitution et en particulier la Déclaration des droits de l'Homme de 1789. Il a ainsi incorporé dans le domaine de la loi la détermination des contraventions punies de peines privatives de liberté. [...]
[...] Le domaine du règlement apparaît alors illimité. Une telle définition des domaines de la loi et du règlement semble indiquer que la compétence du législateur est l'exception et celle du pouvoir réglementaire, la règle. Ainsi, la loi se trouve limitée par rapport au règlement et elle doit seulement légiférer dans son domaine prévu par la Constitution. Mais, si la Constitution réserve l'exercice de certaines matières à la loi, cela sous-entend implicitement que le règlement se trouve lui-même limité. En effet, il serait inconstitutionnel que le règlement pose une règle concernant une matière par nature législative. [...]
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