[...]
Définition. Jean Rivero définissait ainsi la laïcité : « Les textes législatifs, les rapports parlementaires qui les commentent, les circulaires qui ont accompagné leur mise en application ont toujours entendu la laïcité en un seul et même sens, celui de neutralité religieuse de l'Etat ». Cette obligation de neutralité s'entend négativement (ne pas s'immiscer dans les questions culturelles ni la vie privée des individus) et positivement (garantir la liberté de conscience et de religion tant au niveau individuel que collectif). Impartialité, discrétion, obligation d'assurer à chacun le libre exercice de sa religion sont ainsi les devoirs qui incombent à l'Etat. Le principe de laïcité est avant tout une règle d'organisation d'Etat et de ses rapports avec la religion, et exprime à ce titre trois valeurs : la liberté de conscience, l'égalité des citoyens et le « souci de l'universel ».
Application. Selon le Haut Conseil à l'intégration, qui s'est emparé d'une mission de suivi des questions liées à l'application du principe de laïcité, l'espace public vise en premier lieu les agents du service public (professeurs d'école, magistrats...), mais aussi, si la loi le prévoit, les usagers, alors tenus à une certaine discrétion, voire neutralité, dans l'expression de leur religion. Deux lois prohibitives assurent le respect de ce principe. La première, en date du 11 octobre 2010, interdit à toute personne, dans l'espace public - c'est-à-dire voies publiques, lieux ouverts au public ou affectés à un service public -, de porter une tenue dissimulant son visage (articles 1 et 2 de la loi). La seconde, du 15 mars 2004, interdit au sein des écoles, collèges et lycées publics tout port de signes ou de tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse, et fut approuvée par la Cour européenne des droits de l'homme déniant, le 30 juin 2009, toute atteinte à la liberté de religion. Ces signes religieux sont, par exemple, une soutane, un col romain, un voile, une burqa, un turban, etc. Les diverses applications du principe révèlent toutefois une laïcité « à géométrie variable » (...)
[...] Par ailleurs, en vertu de l'article L. 1332-1 du Code du travail, est prohibée toute restriction à l'embauche d'un candidat pour des motifs tirés de son appartenance religieuse. Il en va de même pour toute décision patronale ou sanction fondée sur ces motifs. Ces textes permettraient en définitive de cantonner tout excès de zèle religieux sous le contrôle du juge sans avoir besoin de nouveaux instruments législatifs ou règlementaires. À venir. Le Haut Conseil à l'intégration, dans un avis délivré le 1er septembre 2011, recommande que soit imposée dans les entreprises une certaine neutralité en matière religieuse afin de respecter le travailler et vivre ensemble Cela passerait par des obligations légales (neutralité religieuse, tenues vestimentaires adaptées) et par l'institution d'un Code de déontologie et de conduites professionnelles dans l'entreprise. [...]
[...] Dérives. Toute une série d'affaires révèle les différentes illustrations de ce principe, appliqué avec des nuances variables : l'annulation d'un mariage fondée sur un mensonge de la mariée quant à sa virginité, les décisions de justice sur les caricatures de Mahomet, ou encore les rapports des pouvoirs publics à propos des sectes. Le tribunal de Montreuil, le 24 novembre 2011, non sans critiques, reconnu un principe de neutralité du service public y compris à l'égard des parents volontaires qui accompagnent une sortie scolaire. [...]
[...] Une proposition de loi, adoptée le 17 janvier 2012 par le Sénat, vise ainsi à étendre l'obligation de neutralité à certaines personnes ou structures privées accueillant des mineurs. Cette obligation incomberait aux établissements bénéficiant d'un financement public et accueillant des enfants de moins de six ans. Les autres établissements, eux, pourraient apporter certaines restrictions à la liberté d'expression religieuse. Enfin, la proposition prévoit une obligation de neutralité à l'égard des assistantes maternelles employées par des particuliers, sauf stipulation contraire dans le contrat de travail. Ce qui a pu conduire certains auteurs à souligner une véritable prolifération de la laïcité. [...]
[...] La Cour de Strasbourg vient elle-même poser des limites à la laïcité, au regard de trois orientations nécessaires. D'une part, l'objectif de laïcité est conforme aux valeurs de la Convention ; d'autre part, la liberté religieuse doit être garantie même dans l'espace public en l'absence de menace ou de pression sur autrui. Enfin, les Etats disposent d'une marge d'appréciation dans la mise en œuvre du principe. La jurisprudence de la Cour navigue en définitive entre l'impératif de la protection de la liberté religieuse et les exigences de la lutte contre certaines dérives, telle le communautarisme. [...]
[...] Interrogations Le secteur de la petite enfance. Le débat résulte principalement de deux décisions successives, l'une adoptée le 13 décembre 2010 par le Conseil des Prud'hommes de Mantes-la-Jolie, l'autre du 27 octobre 2011 par la Cour d'appel, par lesquelles les juges donnèrent raison à une directrice de crèche, Baby-loup, pour avoir licencié une salariée refusant d'ôter son voile. Les juges s'appuient pour cela sur le principe de laïcité mais aussi la vulnérabilité des enfants. La laïcité au sein de l'entreprise. [...]
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