Dans le cas de la France, la tentation est grande de répondre à cette question par l'évidence constitutionnelle : la justice n'est pas un pouvoir, elle est une autorité, tel que nous le dit clairement la Constitution de 1958 dans son titre VIII, intitulé "De l'autorité judiciaire". D'un point de vue constitutionnel en effet, le pouvoir renvoie à l'exercice de la souveraineté, et présente un caractère original : certains organes sont investis du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Par opposition, l'autorité judiciaire renvoie plus pragmatiquement à l'ensemble des juridictions judiciaires.
C'est sous cet angle institutionnel que nous traiterons de la justice, pour nous demander si cette autorité judiciaire peut se voir attribuer la qualification de pouvoir, qui se caractérise dans le sens commun par une influence certaine (on peut ainsi restreindre les pouvoirs du juge pour restreindre son influence), mais aussi et peut-être surtout par une relative autonomie, une marge de manœuvre en tout cas.
Nous ne traiterons pas ici de la justice administrative, si ce n'est pour dire que l'existence d'un ordre juridictionnel spécifique pour juger l'administration reflète la structure fondamentale de répartition des pouvoirs en France, et la place qu'y occupe le juge : fondamentalement et historiquement au service du pouvoir politique, et non un pouvoir distinct.
Car il faut nécessairement se référer à l'histoire politique française pour comprendre pourquoi la justice, qui a contribué à renverser la royauté, a été historiquement un instrument de l'exécutif. L'évolution postérieure à l'abolition de la justice royale par les révolutionnaires a été celle de l'émancipation progressive de la justice, au point que la question se pose aujourd'hui de savoir si la justice représente un véritable pouvoir.
On voit d'emblée que poser la question du pouvoir de la justice, c'est en fait poser en filigrane la question de son indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif.
[...] La justice est-elle un pouvoir ? Dans le cas de la France, la tentation est grande de répondre à cette question par l'évidence constitutionnelle : la justice n'est pas un pouvoir, elle est une autorité, tel que nous le dit clairement la Constitution de 1958 dans son titre VIII, intitulé De l'autorité judiciaire D'un point de vue constitutionnel en effet, le pouvoir renvoie à l'exercice de la souveraineté, et présente un caractère original : certains organes sont investis du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. [...]
[...] Ceci ne fut toutefois que théorique, car le CSM n'étant doté d'aucune administration propre, il ne put assumer cette charge. La place de la justice dans la Constitution de la Vème République est révélée de manière éclatante par son article 64 : Le Président de la République est garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire La soumission de la justice au pouvoir exécutif se cristallise surtout dans le statut du parquet, qui est placé sous l'autorité hiérarchique du Garde des Sceaux (article 5 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature). [...]
[...] La magistrature du siège dispose elle d'une indépendance vis-à-vis de l'exécutif garanti par la règle de l'inamovibilité. Cette indépendance doit cependant être nuancée au regard du phénomène que décrivait déjà Tocqueville dans la démocratie en Amérique, et qui reste toujours d'actualité : L'ambition des magistrats est continuellement en haleine, et elle les fait dépendre de la majorité ou de l'homme qui nomme aux emplois vacants : on avance dans les tribunaux comme on gagne des grades ds une armée. On veut que les juges soient inamovibles pour qu'ils restent libres ; mais qu'importe que nul ne puisse leur ravir leur indépendance, si eux-mêmes en font volontairement le sacrifice . [...]
[...] Mais ce pouvoir au sens large est essentiellement délégué par d'autres pouvoirs au sens constitutionnel : Une autorité subordonnée au pouvoir législatif La tradition légicentriste La tradition légicentriste française, toujours prégnante aujourd'hui, veut que le juge ne soit que la bouche qui prononce les paroles de la loi selon la formule célèbre de Montesquieu, qui en tire la conclusion suivante : la puissance des juges est en quelque sorte nulle Cette subordination à la loi s'exprime dans l'article 5 du Code civil, qui interdit aux juges, sous peine de forfaiture, de disposer par voie de dispositions générales et réglementaires c'est-à-dire de créer du droit général et abstrait. Même si les décisions des juridictions suprêmes font jurisprudence c'est-à-dire que leur contenu abstraitement dégagé est repris dans les causes analogues qui se présentent par la suite, il s'agit là d'une autorité de fait et non de droit. La justice n'est pas productrice de droit, elle le met simplement en œuvre. [...]
[...] On voit d'emblée que poser la question du pouvoir de la justice, c'est en fait poser en filigrane la question de son indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif. Si la justice est historiquement et fondamentalement une autorité sans pouvoir elle a acquis au cours de la Vème République une indépendance certaine qui lui a conféré un pouvoir indéniable (II). La justice, autorité sans pouvoir Par autorité sans pouvoir, on ne veut bien évidemment pas dire que la justice ne dispose d'aucun pouvoir au sens large. [...]
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