La question de la légitimité de toute justice constitutionnelle se pose dans le cadre d'une réflexion relative à ses rapports avec la démocratie. En effet, la pratique actuelle dans les pays qui l'ont adoptée fait de celle-ci un véritable contre-pouvoir, pouvant ainsi faire craindre une atteinte excessive à l'expression de la démocratie. Y répondre nécessite en premier lieu une définition précise de ces éléments. Si la justice constitutionnelle peut être définie par un contrôle de constitutionnalité ayant pour effet une suprématie de la Constitution, la notion de démocratie étant à la rencontre de diverses orientations disciplinaires (philosophie, droit, sociologie, science politique, etc.) est d'une appréhension plus difficile. Il convient donc d'établir une définition préalable trouvant son origine dans une acception préexistante, en l'espèce celle de Pierre Pactet, retenue ici, qui énonce que la démocratie est « [...] le pouvoir du plus grand nombre ou le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ou encore comme le régime qui assure l'identification des gouvernés aux gouvernants.»
La justice constitutionnelle confinée dans le cadre de la démocratie représentative et la présente acception de cette dernière offrent un panel varié de questionnements. En effet, quel rôle peut jouer le maintien d'une Constitution comme norme suprême dans l'identification des gouvernés aux gouvernants ? N'y a-t-il pas risque, par cette suprématie, d'une atteinte à l'idée d'une « démocratie du peuple » et « pour le peuple » ?
Ces considérations font clairement apparaître deux champs en apparence contradictoires : la légitimation de la justice constitutionnelle comme institution régulatrice de l'identification des gouvernés aux gouvernants opposés, a priori, à son intrusion dans les fondements et finalité de la démocratie.
[...] La démocratie peut donc s'exprimer pour récuser toute décision qu'elle estime incompatible avec sa volonté, surtout si elle utilise la voie du référendum. Si la France utilise ce type de révision par l'article 89 de la Constitution (modifié après l'usage de la révision constitutionnelle par référendum par le Général de Gaulle en 1962 et 1969), il n'en demeure pas moins qu'il est ambigu et peut être le point de départ d'une critique relative à la relation entre le constituant et la justice constitutionnelle. [...]
[...] Ne pas limiter la saisine à des entités politiques permet d'appuyer plus fortement la légitimité de la justice constitutionnelle puisque, acteur, le citoyen a une conscience plus accrue de la finalité du contrôle de constitutionnalité. Par sa participation au processus de définition et de reconnaissance des droits fondamentaux, le citoyen peut limiter les atteintes portées à sa liberté; la «liberté- participation» rejoint ainsi la «liberté-autonomie» dans un but: une meilleure identification entre gouvernants et gouvernés. Cependant, la reconnaissance de ces droits et libertés pose un problème fondamental: celui de leur(s) origine(s). [...]
[...] De prime abord, la décision du Conseil constitutionnel français mis en exergue la confrontation entre une majorité actuelle (celle de 1982) supportée par une majorité résiduelle (préambule de 1946) contre une autre majorité résiduelle, celle de 1789. Cette critique ne trouve pas de raison d'être dès lors qu'est comprise l'expression Parlement législateur est un “pouvoir constitué”» de Georges Vedel: institué par la Constitution, le législateur doit se soumettre à la volonté du constituant originaire. Ici doit être introduite une inflexion à la justification du nécessaire respect de la volonté du constituant: trouver son fondement dans la majorité de celui-ci entraîne une critique de la nature de celle exposée ci-dessus (aporie). [...]
[...] La justice constitutionnelle se révèle ainsi non seulement comme gardien de l'identité gouvernants/gouvernés, mais également de l'identité société/Constitution. De fait, cette double condition d'identité qui fait apparaître l'exigence d'une justice constitutionnelle dans la première acceptation, l'exigence qu'a une justice constitutionnelle à respecter dans la seconde fait apparaître la nécessité pour la justice constitutionnelle de ne pas être en rupture avec la démocratie actuelle (c'est-à-dire opposée à la majorité résiduelle du constituant). L'évolution de l'interprétation de la norme suprême trouve sa pleine application dans les droits de l'Homme et les libertés fondamentales en ce que leur défense représente, aux yeux des citoyens, la raison d'être de toute justice constitutionnelle; cette précision se comprend eu égard à la nature même de ceux-ci: la nécessité d'une évolution de ces droits et libertés paraît plus pertinente que celle des seules règles de compétence des différents pouvoirs. [...]
[...] Toute la question de sa légitimité se résume en l'accord entre deux conceptions: soit le juge constitutionnel s'en tient aux seuls droits énoncés par la norme suprême, auquel cas sa légitimité sera contestée par l'évolution, au fil du temps, de la majorité; soit celui-ci concède à l'évolution des majorités trop d'importance et, par voie de conséquence, fait perdre de sa stabilité à la Constitution: ce juge sera légitime, certes, mais il ne sera pas possible de lui reconnaître l'exercice d'une justice constitutionnelle. Bibliographie indicative Valéry Giscard D'Estaing. Une constitution pour l´Europe, Albin Michel p. Mouton Jean-Denis. La Cour de justice des communautés européennes, PUF p. [...]
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