Jurisprudence constitutionnelle, domaine de la loi, souveraineté du Parlement, Carré de Malberg, domaine législatif, domaine réglementaire
Les constituants de 1958 rompent avec un mythe: la souveraineté du Parlement («Le domaine de la loi est illimité» écrit Carré de Malberg dans la Contribution à la théorie générale del'Etat).
Cette rupture est inscrite dans les articles 34 et 37 de la constitution.
Le domaine de la loi y est limité; le domaine du règlement se présente, à l'inverse, illimité.
[...] La question se pose alors de savoir le rôle que la jurisprudence constitutionnelle a joué dans cette évolution. Si, dans l'intention des constituants, la jurisprudence constitutionnelle avait vocation à protéger l'exécutif en surveillant le domaine de la loi, l'évolution des décisions du Conseil constitutionnel témoigne qu'il en est allé autrement. Le Conseil constitutionnel reste utile pour, en cas de besoin, redonner au gouvernement la compétence de modifier les dispositions réglementaires contenues dans une loi. La décision blocage des prix confirme, en fin de motivation, cette ouverture. [...]
[...] A contrario, il est impossible au législateur d'autoriser un abandon de la compétence législative au profit du Gouvernement : la jurisprudence de l'incompétence négative qui sanctionne le législateur dans les cas où il refuse d'intervenir dans une matière qui lui est réservée, consiste à protéger le domaine de la loi. Cette jurisprudence montre parfaitement que sous la Ve République, le législateur n'a pas été dépouillé des matières les plus importantes. Elle atteste également du caractère subordonné de la norme réglementaire. La jurisprudence du déclassement est devenue utile pour servir le gouvernement dans la défense de son domaine de protection. Voilà la pérennité du parlementarisme rationalisé sous la république. [...]
[...] L'avis du Conseil d'Etat de 1953 témoigne toutefois que la tradition constitutionnelle républicaine réserve au législateur un bloc de matières. Il s'agit, notamment, des grandes matières qui relèvent des libertés et du droit fiscal et pénal. Cette réserve de loi qui se justifie eu égard à l'importance des matières concernées, est au cœur de l'argumentation de M. Debré devant le Conseil d'Etat. Le constituant explique que la rationalisation du Parlement n'est pas un affaiblissement du législateur mais, au contraire, un processus de restauration de la puissance parlementaire. [...]
[...] De plus, le juge constitutionnel interprète de manière très extensive le champ d'intervention du législateur. Par exemple, dans une célèbre décision de 1973 le Conseil constitutionnel considère que le législateur est compétent en matière de détermination des contraventions dès lors que celles-ci sont privatives de liberté. Cette interprétation audacieuse vient compléter l'article 34 qui reste silencieux sur la compétence législative en matière de contravention. La loi peut même sortir de son domaine dans la mesure où la Constitution n'a pas entendu frapper d'inconstitutionnalité une disposition de nature réglementaire contenue dans une loi À partir du moment où les acteurs de la majorité gouvernementale acceptent d'élargir l'espace du domaine législatif, le Conseil constitutionnel estime que rien ne s'oppose à cette pratique. [...]
[...] Même si l'idée n'est pas nouvelle, la Constitution de 1958 entend marquer la fin de la technique des décrets-lois et celle des lois-cadres par laquelle le Parlement des IIIe et IVe Républiques délaissait des pans entiers de matières législatives au profit du Gouvernement. Dans le même temps, la répartition constitutionnelle des compétences signifie que le domaine du règlement ne dépend plus de la volonté du Parlement. Le Gouvernement intervient dans les matières que la Constitution lui accorde, qui restent néanmoins des matières secondaires et qu'il peut éventuellement récupérer au moyen de la jurisprudence constitutionnelle. Le Conseil constitutionnel est donc créé pour surveiller le maintien de cette répartition normative. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture