Dans son renommé Discours préliminaire sur le projet de code Civil, Jean-Etienne-Marie Portalis déclarait avant même qu'il rédigeât ledit Code Civil qu' « il faut que le législateur veille sur la jurisprudence : il peut être éclairé par elle, et il peut, de son côté, la corriger ; mais il faut qu'il y en ait une […] on ne pas plus se passer de jurisprudence que des lois ». Il est sans doute nécessaire ici de préciser que l'acception faite de la jurisprudence prend en compte aussi bien les décisions prises par les juges que la manière dont ces mêmes juges tranchent les litiges et passent outre les difficultés éventuelles. Le juge a en France toujours gardé une place prépondérante dans le système normatif français.
Toutefois, le « fait jurisprudentiel », c'est-à-dire la reconnaissance ou du moins la prise en considération du pouvoir créateur de droit par le juge semble avoir muri, en même temps que d'autres sources du droit semblent avoir été acceptées comme c'est le cas de la coutume (développé par Henri Lévy-Bruhl) ou de l'ordre spontané des marchés (comme avancé par l'Autrichien Von Hayek). Si la jurisprudence est considérée dans les systèmes anglo-saxons comme la source principale, sinon exclusive, du droit de Common Law, le pouvoir de création du droit par le juge demeure une question virulente dans le débat juridique français. En effet, le juge est tenu à l'écart du processus législatif par l'article 5 du Code Civil qui l'empêche de « prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui lui sont soumises ». Dès lors, comment le juge participe-t-il à la création du droit ? Quelle lecture de l'article 5 lui permet-il de suppléer le législateur et la doctrine dans l'élaboration du droit ? Il convient d'y répondre en étudiant de prime abord la façon dont son action et son interprétation sur les faits qui lui sont présentés lui permettent de dégager des normes juridiques individuelles et le rendent ainsi source de droit. Puis il sera approprié en second lieu les mécanismes et innovations juridiques qui ont permis au juge de dépasser la volonté du législateur et de faire apparaître un véritable droit jurisprudentiel.
[...] Plus encore, le juge enrichit sa pensée et sa légitimité à penser voire à faire le droit par l'internationalisation du droit et sa pénétration dans le droit national. Le rôle du juge dans la création du droit a évolué depuis que le Code civil a été pensé. Son statut n'est pas statique et il est légitime de penser qu'en dépit de la rivalité historique entre le législateur et le juge, c'est dans leur collaboration que le droit s'en trouvera enrichi. [...]
[...] Quelle lecture de l'article 5 lui permet-il de suppléer le législateur et la doctrine dans l'élaboration du droit ? Il convient d'y répondre en étudiant de prime abord la façon dont son action et son interprétation sur les faits qui lui sont présentés lui permettent de dégager des normes juridiques individuelles et le rendent ainsi source de droit. Puis il sera approprié en second lieu les mécanismes et innovations juridiques qui ont permis au juge de dépasser la volonté du législateur et de faire apparaître un véritable droit jurisprudentiel. [...]
[...] La juridiction nationale voulait dans cette affaire faire constater par la Cour l'incompatibilité du refus de diffusion d'une réclame sur le carburant avec le droit communautaire. Ainsi le juge participe-t-il à la création du droit d'une double manière. Tout d'abord, et ce, par une articulation des articles 4 et 5 souhaitée par le législateur, le juge est-il à l'origine de normes juridiques individuelles qui font force de droit dans le strict cadre du litige sur lequel il est amené à statuer. [...]
[...] Un dernier mécanisme qui tend à contourner l'article 5 est celui de la question préjudicielle. Quand une juridiction saisie d'un litige à trancher n'estime que l'affaire n'est pas de sa compétence, mais de celle d'une autre juridiction, elle doit surseoir à statuer c'est-à-dire reporter la date à laquelle l'affaire sera jugée tant que la juridiction qu'elle estime compétente ne se sera prononcée sur la question susnommée. Ainsi le 7 mai 1998, le Tribunal de Grande Instance de Nice est amené à statuer sur l'octroi d'un permis de construire à la S.A.R.L International Azur Immobilier par le maire de Nice. [...]
[...] La norme juridique générale consacrée par le droit et prise en considération par le juge marque sa mise en application, son effectivité. Le droit objectif reste finalement une abstraction tant qu'il n'est pas concrétisé à un fait particulier par le juge et sa sentence. Cette mise en vigueur du droit par le juge est résumée avec brio par le juriste français Michel Troper : la norme supérieure que le juge applique ne lui est pas donnée. C'est à lui qu'il appartient de la créer. [...]
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