Une norme définit selon Gérard Cornu une « règle de droit, proposition abstraite et générale, comme équivalent non pas à l'idée de normalité […] mais spécifiquement à la valeur obligatoire attachée à une règle de conduite, et qui offre l'avantage de viser d'une manière générale toutes les règles présentant ce caractère quels qu'en soient la source » . La norme représente donc le caractère primordial de la loi et constitue par là même un enjeu essentiel de par son application et surtout sa création. En effet, ce sont les règles de droit qui permettent d'établir un système juridique qui hiérarchise les normes et les inscrit dans son droit. La création de norme signifie également par conséquent la création du droit et pose la question de l'édiction de ces normes. Un tel débat donne donc lieu à une conceptualisation du droit permettant d'identifier la source que l'on croit la plus apte et la plus adaptée à sa création . Rousseau, en liant le concept de droit à la souveraineté nationale, incarnée par les décisions du Parlement, refuse tout pouvoir normatif au pouvoir judiciaire. A ce titre, Montesquieu au livre XI de L'Esprit des Lois, considère que « les juges de la nation ne sont que la bouche qui prononce les paroles de la loi ». La justice est donc soumise à la loi et s'inscrit dans un rapport de subordination face à la puissance souveraine du Parlement. Au contraire, Raymond Carré de Malberg réfute une telle conception et consacre l'importance du juge dans le système normatif. En effet, il voit dans la forme de séparation des pouvoirs l'établissement d'une hiérarchie qui consacre l'unité exécutive (pouvoir législatif et exécutif) et un pouvoir sans réelles capacités, la puissance judiciaire. Ces idéologies diverses ont alimenté des conceptions divergentes du droit. Tandis que la France a adopté les positions de Montesquieu, limitant les pouvoirs du juge au nom de la sécurité juridique, le système de Common Law a préféré opté pour un droit prétorien, mouvant et identifié par le système de précédent. Le légicentrisme français identifie donc la loi comme source quasi-exclusive du droit et relègue les décisions de justice à un statut inférieur. La Common Law, tout comme le droit romain auparavant s'inscrit quant à elle dans une logique autre, à savoir celle d'une jurisprudence fondatrice de normes. Le système de Common Law adhère donc à l'idée d'une jurisprudence, à savoir les décisions de justice résolvant une question juridique, créatrice de droit donc fondatrice de normes. Les juges étant les acteurs principaux et auteurs de cette jurisprudence, ils sont chargés de la création des normes en fixant des règles particulières qui ont autorité. Ainsi, le juge ne serait-il que l'expression d'un pouvoir qui réside dans la loi ? Dans quel rapport s'établit-il à l'égard de la loi et des normes? Dans quelle logique s'inscrit la relation entre le juge et le législateur, en particulier concernant les formes et limites du pouvoir ? En somme, et c'est ce qui occupera notre réflexion, le juge n'est il qu'un « automate » , relais de la loi ou au contraire dispose-t-il de la capacité de mettre en place un cadre normatif à travers la jurisprudence ? Ces questions invitent donc à s'interroger quant aux différentes perceptions du rôle du juge dans la création de la norme dans les différents systèmes juridiques, essentiellement distingués concernant ce thème en deux catégories, la civil law – inspirée directement du droit romaniste- et la Common Law. C'est pourquoi répondre à cette question nécessite dans un premier temps d'analyser la nature de la fonction du juge par rapport à la norme dans les deux grands systèmes de droit européen, l'un le consacrant comme source première et l'autre limitant ses pouvoirs à l'extrême. Mais constantes évolutions du système juridique, que nous étudierons dans un deuxième temps, tendent à confirmer une certaine tendance à la nuance des deux côtés, la France assouplissant son régime mais en limitant toujours la créativité du juge et la Common Law inscrivant de plus en plus son droit d'une manière codifiée sans pour autant adopter la perspective légicentrée de la France.
[...] Commentaire de la décision du Conseil Constitutionnel du 16 janvier 1982 sur les nationalisations. In R. Savy, La constitution des juges, D p.105 cité dans Gérard Timsit, Archipel de la norme, PUF In François Terré, Introduction générale au droit In P. Bellet, Le juge et l'équité, Mélanges Rodière p.12 cité dans . [...]
[...] Les tribunaux ont donc du faire face à des transformations considérables avec les outils juridiques dont ils disposaient. Les juges français ont adapté la loi de 1804 aux besoins modernes en se livrant si besoin, à une interprétation constructive mais déformante. Cette interprétation, profitant de la souplesse de rédaction du Code Civil de 1804 a permis dans une certaine mesure la mise en place d'un système de normes à travers une interprétation plutôt libre par les juges des textes de loi anciens. [...]
[...] Le juge anglais s'il a le pouvoir de poser une règle pour l'avenir à travers sa décision, ne peut cependant pas statuer selon des convictions personnelles du droit, autrement il risquerait de voir sa décision qualifiée d'arbitraire. C'est pourquoi il doit se référer à des règles antérieures pour déclarer valide sa norme. Mais étant donné que sa décision va acquérir une valeur de précédent, il est possible de considérer que le juge est dans la situation du législateur.[7] L'affaire Miliangos a démontré la capacité des juges anglais à établir de nouvelles normes en raison de l'absence de principe précis. [...]
[...] La seconde loi est dite loi de continuité. Cette loi implique une certaine continuité dans la jurisprudence. Certes, le statut de la jurisprudence jouit d'une certaine précarité mais il faut noter que la possibilité d'abroger une loi antérieure constitue un même état de fait. François Terré affirme ainsi que la stabilité de la jurisprudence est équivalente à celle de la loi. Par conséquent, ces caractéristiques ne peuvent entrer en compte dans la négation du caractère normatif des décisions de justice. [...]
[...] Cependant, ces changements ne se traduisent pas par une inscription de jure du principe de création des normes par les juges. Cette capacité semble donc s'inscrire dans un cadre spécifique et limité. La force obligatoire de la jurisprudence est par ailleurs renforcée par le pouvoir des juges de réaliser un contrôle de conventionnalité des lois. Ce contrôle s'exerce donc vis-à-vis d'une double législation. La première est relative à la primauté du droit international et communautaire sur la loi interne. La seconde concerne les lois qui seraient contraires aux dispositions supranationales adoptées par la Convention Européenne des droits de l'homme. [...]
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