« Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables », énonce l'article 12 du Nouveau Code Procédure Civile, distinguant clairement le rôle du juge, qui résout des cas particuliers, de la fonction de législateur, qui crée la norme générale et impersonnelle. Les juges seraient ainsi, selon cette conception, « la bouche qui prononce les paroles de la loi ; des êtres inanimés qui n'en peuvent modérer ni la force ni la rigueur », si l'on reprend l'expression de Montesquieu dans son traité De l'esprit des lois (1748). En effet, la tradition républicaine française est restée fortement imprégnée de la crainte révolutionnaire du retour du pouvoir des juges siégeant aux Parlements de l'Ancien Régime. La Révolution Française a donc consacré le principe de la souveraineté de la Loi, et par là la toute-puissance du législateur. C'est donc une approche de la construction juridique fondamentalement opposée à celle que l'on peut trouver dans les systèmes de Common Law des pays anglo-saxons, dans lesquels la jurisprudence - ensemble des décisions rendues par les Cours et les Tribunaux en tant qu'elles fixent la règle de droit - est la principale source du droit.
Cependant, l'article 5 du Code Civil, qui empêche le juge de prononcer des arrêts de règlement, trouve ses limites dans l'article 4, qui lui interdit de ne pas statuer 'sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi'. Cet article admet en effet la nécessité d'une interprétation du texte de loi qui présente des lacunes ; et, comme le souligne un rapport du Sénat de 2006 , « à la fonction principale [du juge], trancher un litige et appliquer le droit, d'autres se sont adjointes. […] Cette évolution inquiète lorsqu'on constate le pouvoir d'interprétation grandissant du juge. Elle rassure lorsqu'on souligne sa fonction régulatrice ». Le juge ne se contente donc pas d'appliquer la volonté du législateur sans y apporter de la clarté et des précisions ; or, en précisant, le juge ajoute au texte législatif. On admet donc aujourd'hui que le juge soit aussi considéré comme source de droit, mais cette autorité suscite des controverses.
[...] Elle rassure lorsqu'on souligne sa fonction régulatrice Le juge ne se contente donc pas d'appliquer la volonté du législateur sans y apporter de la clarté et des précisions ; or, en précisant, le juge ajoute au texte législatif. On admet donc aujourd'hui que le juge soit aussi considéré comme source de droit, mais cette autorité suscite des controverses. En quoi la place du juge en France est-elle donc caractéristique de cette recherche de garantie contre le pouvoir arbitraire du juge, contrebalancée par la nécessité de créer un droit positif adapté aux besoins de la société ? [...]
[...] Cependant il faut nuancer le propos et préciser la métaphore d'un juge qui ne serait que la ‘bouche qui dit la loi' : s'il ne peut effectivement l'ignorer lors de la résolution d'un litige, il ne peut se contenter d'appliquer mécaniquement et stricto sensu une règle générale à un cas particulier. En effet, le texte législatif n'a pas toujours une signification purement objective qui s'applique à toutes les situations ; d'une part, parce que la langue n'est pas univoque et que les termes peuvent prêter à confusion ; d'autre part, parce que la loi ne peut avoir prévu la réponse à tous les cas concrets qui peuvent se présenter. [...]
[...] La Cour de Cassation, dans le droit privé, et le Conseil d'Etat, dans le droit administratif, sont donc deux juridictions qui pèsent dans la définition de la loi puisqu'elles ont comme pouvoir d'unir l'interprétation du droit dans leurs domaines respectifs ; leurs jurisprudences, si elles ne s'imposent pas aux autres juridictions, ont cependant une forte influence sur l'application de la norme et leurs interprétations sont le plus souvent suivies. Le juge a donc, et ce de plus en plus, le rôle de compléter la loi et il concurrence par là le législateur, puisqu'il participe en quelque sorte à l'élaboration des lois qu'il applique. B. La jurisprudence source de droit ? Nous pouvons ici nous référer à la métaphore utilisée par R. [...]
[...] Or dans la pratique, c'est cet aspect de la fonction du juge qui a pris le pas sur celle de l'application pure de la loi, en dépit des craintes historiques d'un trop grand pouvoir des juges. II. Le pouvoir d'interprétation grandissant du juge : adaptation et suppléance de la règle de droit L'article 4 du Code Civil étudié plus haut mentionne non seulement l'obscurité mais aussi le silence et l'insuffisance de la loi ; le juge n'a donc pas seulement le rôle de définir et d'appliquer la norme, il a aussi celui de la compléter si elle présente des lacunes, et de l'actualiser si elle n'est pas (ou plus) adaptée aux besoins de la société La jurisprudence des tribunaux est effectivement de plus en plus créative, à tel point que l'on peut se demander si elle n'est pas devenue une source de droit malgré l'idéal français du législateur souverain. [...]
[...] Une nécessaire interprétation de la loi La réalité juridique nous démontre en effet qu'il s'est opéré un divorce entre la théorie et la pratique du rôle du juge. Comme mentionnée plus haut, la perfection du Code Civil a atteint ses limites avec le changement social profond qui s'est opéré pendant la Révolution Industrielle ; le texte a vieilli et il est devenu absurde de chercher à révéler la volonté d'un auteur qui ne pouvait avoir prévu l'évolution de la société. [...]
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