« Le système français de répartition des compétences en matière de statut des libertés a connu, après 1958, une profonde évolution. A la souveraineté absolue du législateur, traditionnelle depuis 1875, la jurisprudence du Conseil constitutionnel a mis un terme, en réintégrant au niveau constitutionnel les principes fondamentaux des libertés, revenant ainsi à la tradition de 1789, et rejoignant les solutions reçues dans la plupart des pays libéraux. Le progrès est considérable. Mais les textes qui l'ont permis –Déclaration, Préambule de 1946, « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » - sont souvent imprécis. D'où l'incertitude qui affecte encore certaines des solutions actuelles et qui s'atténue avec le développement de la jurisprudence ». Jean Rivero
Les IIIème et IVème Républiques, qui ont toutes deux dégénéré en régimes d'assemblées, ont été touchées par une grande instabilité gouvernementale. Le Parlement disposait en effet d'un pouvoir immense. Le législateur avait alors tout pouvoir sur les libertés fondamentales : il pouvait les limiter sans subir aucun contrôle.
La Constitution de 1946 avait institué un Comité constitutionnel, composé de 13 membres, dont le rôle était, selon l'article 91 de la Constitution, d'examiner si « les lois votées par l'Assemblée Nationale supposent une révision de la Constitution ». Cet examen suivait une procédure complexe et le comité n'a rendu qu'une décision, le 18 juin 1948. Le comité a donc été un relatif échec. Mais on voit ici le pouvoir du législateur : la Constitution est la norme supérieure, et pourtant, on s'interrogeait sur sa révision éventuelle en raison des lois votées par le Parlement, plutôt que d'aligner ces lois sur la norme suprême…
En 1958, dans une volonté de rationaliser le régime parlementaire et de rééquilibrer les pouvoirs exécutifs et législatifs, la Constitution a mis fin à cette « souveraineté absolue » du législateur.
Comment la création du Conseil constitutionnel a-t-elle fait évoluer la protection des libertés fondamentales ?
C'est le thème de cet extrait des écrits de Jean Rivero, grand professeur de droit et spécialiste des libertés publiques. Selon lui, la création du Conseil constitutionnel en 1958 et la jurisprudence de celui-ci ont mis un terme à cette souveraineté absolue du législateur en réintégrant au niveau constitutionnel les libertés fondamentales (I). Mais les textes qui l'ont permis, et que nous verrons, sont souvent imprécis. Il y a alors une incertitude sur certaines solutions actuelles, qui s'atténue au fil de la jurisprudence du Conseil constitutionnel (II).
[...] - Le Conseil constitutionnel dégage parfois des principes à valeur constitutionnelle sans en donner la base : ceux-ci s'inspirent de la philosophie des grandes normes du bloc de la constitutionnalité. Il lui revient également de dégager les PFRLR, auquel le Préambule de 1946 fait référence sans en donner la liste. Par souci de clarté, le Conseil en a précisé les critères dans un arrêt du 20 juillet 1988 : le principe doit être issu d'une tradition républicaine qui a pris corps dans un texte législatif antérieur à 1946 et doit avoir été appliqué de manière constante, une seule contradiction suffit à exclure la présence d'un PFRLR. [...]
[...] Il y a alors une incertitude sur certaines solutions actuelles, qui s'atténue au fil de la jurisprudence du Conseil constitutionnel (II). La réintégration au niveau constitutionnel des principes fondamentaux des libertés Cette réintégration s'est d'abord faite par la mise en place d'un contrôle de constitutionnalité des lois à laquelle fait suite le développement du bloc de constitutionnalité au fil de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel La naissance du contrôle de constitutionnalité sous la Vème République - La Constitution de 1958 a institué le Conseil Constitutionnel en son titre VII (articles 56 à 63). [...]
[...] Jean Rivero : l'évolution de la protection des libertés par le Conseil constitutionnel Le système français de répartition des compétences en matière de statut des libertés a connu, après 1958, une profonde évolution. A la souveraineté absolue du législateur, traditionnelle depuis 1875, la jurisprudence du Conseil constitutionnel a mis un terme, en réintégrant au niveau constitutionnel les principes fondamentaux des libertés, revenant ainsi à la tradition de 1789, et rejoignant les solutions reçues dans la plupart des pays libéraux. Le progrès est considérable. [...]
[...] Le législateur avait alors tout pouvoir sur les libertés fondamentales : il pouvait les limiter sans subir aucun contrôle. La Constitution de 1946 avait institué un Comité constitutionnel, composé de 13 membres, dont le rôle était, selon l'article 91 de la Constitution, d'examiner si les lois votées par l'Assemblée Nationale supposent une révision de la Constitution Cet examen suivait une procédure complexe et le comité n'a rendu qu'une décision, le 18 juin 1948. Le comité a donc été un relatif échec. [...]
[...] Il était saisi par l'exécutif pour contenir le Parlement dans le domaine législatif. - Un réel contrôle de Constitutionnalité s'est peu à peu mis en place. D'abord par la volonté du Conseil constitutionnel, qui, dans une décision 16 juillet 1971, a visé notamment le préambule de la Constitution et a ainsi élargi la notion de Constitution en reconnaissant la valeur constitutionnelle du Préambule de 1946 et en dégageant le Principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR) de la liberté d'association. [...]
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