Un des grands penseurs français du Siècle des Lumières, Montesquieu, écrivait au début du 18e siècle que le législateur " devait écrire d'une main tremblante ". Il entendait par là que la production des normes censées régir les relations sociales devait être le fruit d'une longue méditation. La " main tremblante " doit s'imposer a fortiori au juge constitutionnel, doté du pouvoir, plus considérable encore, d'invalider sans appel l'oeuvre des représentants du peuple. Cette idée met en valeur l'importance de l'interprétation constitutionnelle.
L'interprétation en droit public ne consiste pas seulement à dégager le sens exact d'un texte : norme constitutionnelle ou disposition de loi qui serait peu claire, mais aussi à en déterminer la portée, c'est-à-dire le champ d'application temporel, spatial et juridique mais aussi et surtout l'éventuelle supériorité vis-à-vis d'autres normes. Sur la question, les divergences entre écoles doctrinales sont nombreuses.
[...] Que le Conseil censure une loi inconstitutionnelle, c'est certes désagréable pour le gouvernement et sa majorité. Qu'il le fasse souvent sur des fondements incertains et qu'il laisse transparaître ainsi l'arbitraire de ses opinions, interroge sur la portée juridique du contrôle de constitutionnalité. Mais qu'il propose une nouvelle rédaction de la loi et soit en position de l'imposer change la nature de son rôle et le transforme en véritable maître des débats et de la constitution. Ce qui est pour le moins problématique. [...]
[...] On le comprend, l'interprétation est indispensable pour trouver et garder l'équilibre du système constitutionnel. La méthode permet également de clarifier le contentieux constitutionnel. Cependant elle aboutit à des situations telles que l'organe de justice constitutionnel s'arroge de fait des pouvoirs politiques et se comporte comme un véritable maître de la Constitution. L'ensemble de ce schéma peut venir poser la question, à l'image du Conseil constitutionnel français, de l'hypothèse d'une juridiction jurislateur voir de gouvernements des juges mettant sous tutelle les autorités exécutives et législatives. [...]
[...] L'importance de l'interprétation se révèle également dans le système européen. B. une activité nécessaire au bon maintien du système kelsennien : le cas français Même si Guy Canivet a déclaré un jour : «qu'en France le Conseil Constitutionnel est la Cour Suprême pour les affaires concernant le droit constitutionnel Dans le modèle Kelsenien les choses sont très différentes puisque la Cour Constitutionnelle séparée de l'appareil juridictionnel ordinaire n'est pas en mesure comme l'est une Cour Suprême de lui imposer ses décisions. [...]
[...] Si l'autorité de la chose jugée par le Conseil Constitutionnel ne s'impose que dans les limites du texte qui lui a été déféré, les interprétations auxquelles il se livre, notamment les interprétations de la Constitution, bénéficient vis-à-vis de l'ensemble des juridictions d'une autorité morale, ou, selon une notion aujourd'hui reconnue sur le plan international, d'une autorité persuasive Cette autorité se justifie principalement par le souci de maintenir une harmonie entre les plus hautes juridictions et de sauvegarder l'unité et l'homogénéité de l'ordre juridique interne indispensable dans un Etat de droit kelsennien. Il n'existe pas de mécanisme en France permettant de demander l'interprétation du Conseil Constitutionnel sous la forme de recours préjudiciel. Dans ce processus, il est normal que le juge constitutionnel soit considéré comme le principal interprète de la Constitution. L'autorité de la décision interprétative de l'organe de justice constitutionnelle dans le système kelsennien se justifie par un impératif de sécurité juridique dans l'intérêt même des justiciables. [...]
[...] Il s'agit de ce que l'on a appelé un " contrôle à double détente Le mécanisme en est simple. Dans un premier temps, le Conseil déclare certains articles d'une loi contraires à la Constitution, et donc empêche qu'ils soient promulgués ; ce faisant le Conseil explique pourquoi ces articles de loi sont contraires à la Constitution mais explique dans un second temps également comment les parlementaires devraient faire pour que ces dispositions de la loi soient conformes par la suite à la Constitution. [...]
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