La hiérarchie des normes, systématisée par Hans Kelsen, consiste, lors d'un conflit de normes, à faire prévaloir la norme supérieure sur la norme subordonnée. Le respect de ce système, assuré par le juge, apparaît indispensable dans un Etat de droit, dans la mesure où il garantit la rigueur et la cohérence de la structuration juridique, la norme la plus impérieuse – la Constitution, en droit français - devant toujours primer. Cette vision formelle de la notion d'Etat de droit s'est enrichie d'une conception matérielle, selon laquelle « l'Etat de droit ne renvoie plus seulement à une certaine conception de l'ordre juridique, mais encore à une série de droits fondamentaux » . Ainsi, au niveau européen, l'Etat de droit s'entend comme un mécanisme de protection des libertés individuelles, selon la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes.
Cette idée s'est concrétisée par la décision DC nº71-44 du 16 juillet 1974 Liberté d'association du Conseil constitutionnel, ce dernier ayant considérablement élargi la sphère des règles à valeur constitutionnelle, en y intégrant les principes de la Déclaration des droits de l'Homme de 1789 ainsi que le préambule de la Constitution de 1946. Hiérarchies des normes formelle et matérielle sont alors étroitement imbriquées : l'élévation au niveau constitutionnel des droits fondamentaux constitue un instrument de protection conférant à ces derniers un caractère absolu. Leur rang constitutionnel est d'ailleurs le critère de leur définition dans l'approche classique de la théorie des droits fondamentaux, comme l'illustre la définition donnée par le Professeur Favoreu :« les droits fondamentaux désignent les droits et libertés protégés par des normes constitutionnelles et internationales ».
[...] Si l'on déduit de ce constat la fin de la pertinence de la théorie classique, chère à Louis Favoreu[15], selon laquelle les droits fondamentaux se définiraient selon le rang qu'ils occupent dans la hiérarchie des normes, quel nouveau critère avancer pour hiérarchiser les droits fondamentaux ? Jacques CHEVALLIER, L'Etat de droit, Montchrestien, Clefs Politiques Louis FAVOREU et alii, Droit constitutionnel, Dalloz, 4e ed p Louis FAVOREU, Légalité et Constitutionnalité, Cah. Cons. Const., Alexandre VIALA, Dictionnaire des droits fondamentaux, entrée : droit fondamentaux (garanties procédurales), Dalloz 2006, p299. Pour la Cour de Cassation : C.Cass, Ch. Mixte mai 1975, Société des cafés Jacques Vabre et pour le Conseil d'Etat : CE, Ass octobre 1989, Nicolo. [...]
[...] La nouvelle forme de la hiérarchie des normes permet assurément une meilleure protection des droits et libertés. Désormais incorporés à la sphère de constitutionnalité, grâce à plusieurs décisions audacieuses du Conseil Constitutionnel, dont la plus célèbre demeure la décision Liberté d'association du 16 juillet 1974 (précitée), conférant une valeur constitutionnelle au Préambule de la Constitution de 1946 ainsi qu'à la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, les droits fondamentaux jouissent d'une protection maximale, à l'abri des abus du pouvoir législatif, exécutif et administratif. [...]
[...] Le bouleversement de la hiérarchie : vers une nouvelle définition de la fondamentalité ? L'affirmation selon laquelle il serait impossible de hiérarchiser les droits fondamentaux, ces derniers occupant tous le sommet de la hiérarchie des normes et ayant de ce fait toujours la même valeur semble battu en brèche aujourd'hui tant au regard des textes internationaux et notamment du développement de la notion de l'existence de droits intangibles, droits encore plus impérieux que les droits fondamentaux que de la jurisprudence nationale, face à une multiplication des droits qualifiés de fondamentaux A. [...]
[...] La prévalence de certains droits ne résulterait donc que d'une espèce particulière et ne saurait être un absolu. La méthode employée par le juge constitutionnel lors du processus de conciliation consiste à déterminer [quel droit faire prévaloir] à partir d'un certain nombre de critères tels que la précision des principes évoqués, l'étendue de l'attachement de l'opinion publique à leur égard, ou l'intensité du contrôle qu'il peut exercer afin de réaliser une synthèse entre les droits en concurrence. Pourtant, à regarder de plus près la jurisprudence du Conseil Constitutionnel, force est de constater que certains droits, tel le droit de propriété, semblent, malgré l'épithète fondamental qui les complète, particulièrement sujet au mécanisme de conciliation au nom d'un intérêt général largement entendu et peu contrôlé par le juge, de par son caractère éminemment politique, d'où l'idée, soutenus par des d'éminents juristes, tel le Professeur Genevois, d'une hiérarchie matérielle de fait entre ces principes. [...]
[...] Jean Louis DEBRE, Contrôle de constitutionnalité et contrôle de conventionnalité, intervention lors du colloque organisé par l'association française de droit constitutionnel, le 6 juin 2008 au Conseil Constitutionnel. M. J.-Y. CHEROT cité par Guillaume DRAGO, La conciliation entre principes constitutionnels Rec. Dalloz p et s. Bertrand FAURE, Dictionnaire des droits fondamentaux, entrée : hiérarchie des normes, Dalloz 2006, p 483. Alexandre VIALA, Dictionnaire des droits fondamentaux, entrée : droit fondamentaux (garanties procédurales), Dalloz 2006, p 290. [...]
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