Longtemps privée d'un contrôle de constitutionnalité des lois par un organe externe au Parlement, la France a souvent agité le spectre d'une Cour suprême à l'américaine qui aurait empiété sur les prérogatives des chambres et étendu son aura au législatif. La Constitution de 1958 a finalement consacré la création dʼun Conseil constitutionnel, véritable institution de contrôle, chargée de garantir le respect de la hiérarchie des normes.
Or, depuis les années 70, le rôle politique croissant joué par les juges constitutionnels a conduit à un renouveau de la critique adressée au Conseil et développée par Edouard Lambert dans son ouvrage de 1921, "Le gouvernement des juges et la lutte contre la discrimination sociale aux États-Unis ". On a ainsi pu reprocher au Conseil constitutionnel de ne plus seulement appliquer ou interpréter les textes fondamentaux,mais de vouloir prendre part à la production législative en imposant des normes qui émaneraient de ses propres considérations.
Aussi, l'idée d'un « gouvernement des juges » a fait son chemin, mais bien que le Conseil constitutionnel ait pu déroger à son seul rôle d'arbitre, il apparaît que la critique initiale était probablement excessive parce que le Conseil ne dispose pas des moyens juridiques suffisants pour modifier la loi.
[...] Le Président du Sénat saisit alors le Conseil constitutionnel qui décide la censure. > La décision du 16 juillet 1971 est donc historique en ce quʼelle marque une extension du bloc de constitutionnalité (la loi aurait été en contradiction avec la loi du 1er juillet 1901 sur la liberté dʼassociation, que le Conseil assimile à un principe fondamental reconnu par les lois de la République) mais aussi et surtout parce que, pour la première fois de son histoire, le Conseil constitutionnel statue sur le fond. [...]
[...] Cʼest que si le Conseil constitutionnel sʼest démarqué de sa fonction initiale, en obéissant désormais à des fonctions juridictionnelles, il est laissé à un rôle dʼarbitre de plus en plus précaire, avec la concurrence dʼautres organes de contrôle . I. UNE INSTITUTION DÉMARQUÉE DʼUNE FONCTION INITIALE LIMITÉE Lʼapparition du contrôle de constitutionnalité est relativement ancienne puisquʼil remonte à la Constitution de lʼan VIII. La Quatrième République avait déjà vu quant à elle la constitution dʼun Comité constitutionnel chargé de statuer sur la régularité formelle des lois. [...]
[...] En témoignent les interprétations alternativement favorables ou non sur les privatisations et nationalisations dans les années 80. > Il faut toutefois nuancer cette prégnance «oligarchique» du Conseil constitutionnel. En effet, si lʼon pouvait à lʼorigine reprocher à lʼinstitution son caractère dʼ«intouchable» voire dʼantidémocratique, lʼextension de sa saisine à un groupe de 60 députés et 60 sénateurs en 1974 puis lʼentrée en vigueur de la question prioritaire de constitutionnalité en 2008 ont grandement changé la donne. Dʼaucuns estiment cependant que cette ouverture, certes limitée, comporte le risque dʼune désacralisation dʼun organe qui se veut supérieur, au nom de la défense de la hiérarchie des normes. [...]
[...] Mais cela conduit également à de nouvelles interprétations, de plus en plus «personnelles» de la part du Conseil. B. Des interprétations parfois extensives : un organe politisé > Les membres du Conseil constitutionnel sont, pour part, dʼanciens Présidents de la Républiques, qui y siègent de droit, dʼautre part neuf membres nommés pour neuf ans par tiers par le Président de la République et les Présidents des deux chambres. Si le caractère non-renouvelable du mandat a pour intérêt de dépolitiser quelque peu les nominations, il reste que ces membres sont souvent dʼanciens politiques, marqués par la couleur de celui qui les a nommés. [...]
[...] Aussi, lʼidée dʼun «gouvernement des juges» a fait son chemin mais bien que le Conseil constitutionnel ait pu déroger à son seul rôle dʼarbitre, il apparaît que la critique initiale était probablement excessive parce que le Conseil ne dispose pas des moyens juridiques suffisants pour véritablement modifier la loi. Des auteurs comme Hans KELSEN sont donc sans doute plus proches de la réalité, avec la théorisation de lʼidée dʼun «juge aiguilleur», qui influerait la production normative en indiquant au législateur une voie de modification de la loi au travers de la censure quʼil effectue. [...]
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