Pour Hans Kelsen, « l'ordre juridique est un édifice à plusieurs étages superposés, une pyramide ou hiérarchie formée d'un certain nombre d'étages ou couches de normes juridiques » (Théorie pure du droit, 1934). Cette pyramide a une importance majeure car elle assure que les lois respectent les principes garantis par la Constitution. Pourquoi cette proéminence de la Constitution ? Car elle a été démocratiquement acceptée par le peuple souverain ; les représentants de ce peuple se doivent donc de légiférer en respectant ces principes.
Il existe deux façons de les faire respecter: le contrôle a priori, par une cour constitutionnelle, et le contrôle a posteriori, par les tribunaux. La France, qui n'admettait que le contrôle a priori, a suivi le 23 juillet 2008 l'exemple de ses voisins européens en adoptant l'exception d'inconstitutionnalité. C'est la reconnaissance de la compétence des juridictions administrative et judiciaire pour contrôler la conformité à la Constitution des lois promulguées. Elle vise à permettre à un justiciable de soulever comme argument que la loi qu'on lui applique lors d'un procès est contraire à la Constitution. Après les échecs de 1990 et 1993, c'est le comité Balladur qui a réussi à ajouter, le 23 juillet dernier, à l'article 61 de la Constitution :
« Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. »
Toutefois, si l'exception d'inconstitutionnalité a été peu commentée dans les médias, et quand elle l'a été ce fut de manière très positive, ce mécanisme soulève un débat très virulent parmi les juristes : c'est peut-être que derrière ce « nouveau droit pour les citoyens » se cache une mesure dont la portée sur l'ensemble du droit est majeure. Quelle est la réalité des conséquences de l'introduction du contrôle de constitutionnalité a posteriori dans le droit ?
[...] Il faut maintenant trouver un juste milieu entre hisser toutes les voiles, au risque de briser le bateau ou ne rien faire, ce qui ne nous fera pas progresser le droit Bibliographie principale Droit au juge et prééminence du droit Bréviaire processualiste de l'exception d'inconstitutionnalité Pascal Mbongo, Recueil Dalloz 2008 (p. 2089) L'exception d'inconstitutionnalité Pierre Mazeaud, Recueil Dalloz 2008 (p. 64) Révision de la constitution : bientôt l'exception pour tous ? Ferdinand Mélin-Soucramanien et Mario Stasi, Recueil Dalloz 2008 (p. 1701) La conformité des lois à la Constitution Yves Gaudemet, Recueil Dalloz 2008 (p. 1703) Hiérarchie des normes : du système au principe Pascal Puig, RTD Civ. [...]
[...] L'exception d'inconstitutionnalité dans la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 Introduction Pour Hans Kelsen, l'ordre juridique est un édifice à plusieurs étages superposés, une pyramide ou hiérarchie formée d'un certain nombre d'étages ou couches de normes juridiques (Théorie pure du droit, 1934). Cette pyramide a une importance majeure, car elle assure que les lois respectent les principes garantis par la Constitution. Pourquoi cette proéminence de la Constitution ? Car elle a été démocratiquement acceptée par le peuple souverain ; les représentants de ce peuple se doivent donc de légiférer en respectant ces principes. [...]
[...] La deuxième solution pour combler les faiblesses évidentes du contrôle de constitutionnalité a priori vise à renforcer le Conseil Constitutionnel et lui donner plus de pouvoir. Ses partisans, dans le débat sur l'exception d'inconstitutionnalité, critiquent la source de désordre qu'elle constitue. B . mais il pourrait s'avérer que ce soit, dans son application concrète, plus une pierre d'achoppement et source de désordre La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 énonce : Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article Cette loi peut changer radicalement la portée de la réforme constitutionnelle. En effet, beaucoup de questions restent en suspens. [...]
[...] Que les juges et avocats ne se saisissent pas de cette opportunité, que la Cour de cassation et le Conseil d'État décident de modérer le nombre de saisies de la Cour constitutionnelle, et cette réforme n'aura aucun effet. Dans le cas contraire, elle pourrait devenir un nouveau passe- temps pour les juristes et encombrer tout le système juridique. Il s'agira de trouver un juste milieu. En troisième et dernier lieu, la société. La société française a deux caractéristiques majeures : elle est légicentrisme d'abord. [...]
[...] Dans un premier temps, nous nous interrogerons sur la portée de l'introduction de l'exception d'inconstitutionnalité dans la Constitution : est-ce la révolution qu'attend l'ordre juridique depuis 1958, le Marbury versus Madison français ? Dans un second temps, nous nous demanderons si cette réforme apportera réellement de nouveaux droits aux citoyens : en mettant en balance l'opportunité qu'elle représente et son poids, nous verrons sa pertinence. I. L'introduction de l'exception d'inconstitutionnalité dans la Constitution serait-elle la révolution qu'attend l'ordre juridique français depuis 1958, le Marbury versus Madison français ? A. [...]
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