Régime faible et instable, elle est généralement présentée comme l'illustration des dérives d'un parlementarisme exacerbé et tout-puissant. Les partis, puissants et structurés, y auraient ainsi fait la loi, malmenant le régime à leur guise. Pourtant, la situation est plus contrastée que cette première approche ne le laisse croire. Ainsi, la mise à l'écart du Parti Communiste Français (PCF) dès 1947, parti le plus puissant de France, n'empêche pas l'instabilité de la Troisième Force. De même, la logique de partis semble éclater lors des investitures de gouvernements comme celui d'Antoine Pinay en 1952, qui réunit sur son nom à la fois les radicaux et une frange des membres du RPF. Ces deux exemples semblent mettre en évidence la fragilité du système partisan et l'ambivalence de la place des forces politiques dans le régime. La IVème République a-t-elle souffert de la présence de partis trop puissants ou a-t-elle été paradoxalement fragilisée par la faiblesse des forces politiques ?
Si la première moitié de la IVème République fonctionne en effet selon une logique de partis structurés et fortement antagonistes, qui produit instabilité ou immobilisme, l'année 1952 inaugure le lent affaiblissement des formations politiques, qui permet à une logique de personnes de prendre un relatif ascendant sur le jeu des partis.
[...] La force du système de partis structure le fonctionnement de la IVème République à double titre. Ainsi, l'instabilité chronique qui émaille la période sera la première conséquence de ce système. En effet, ces constructions, qu'il s'agisse du Tripartisme ou de la Troisième Force, demeurent largement artificielles. Résultats des élections de 1946, elles ne procèdent que d'une nécessité constitutionnelle d'assurer une majorité de principe non plus que d'une réelle convergence de vues. Dans ces conditions, la puissance des partis les condamne à s'unir dans des coalitions à géométrie variable (Tripartisme ou Troisième Force) pour espérer peser, coalitions qui se divisent rapidement sur les questions politiques difficiles. [...]
[...] L'atomisation des opinions, des intérêts et donc des votes se renforce au sein même des forces politiques. Ainsi, Antoine Pinay remporte 27 voix du RPF alors que la consigne était l'abstention. Dès lors, si le PCF est le seul à maintenir une discipline de fer, au centre, les groupes UDSR et radicaux pratiquent une autonomie totale, tandis le centre-droit s'autorise souvent des libertés. Finalement, la logique s'inverse : la IVème République voit l'effondrement progressif de son système de partis, qui participe encore un peu plus à la déchéance du régime. [...]
[...] Ces trois formations s'unissent dans le Tripartisme, le temps d'achever le projet de Constitution. Le Tripartisme survivra au vote de celle-ci et le premier gouvernement de la IVème République, celui de Paul Ramadier, réunit PCF, MRP et SFIO. Il ne résiste pourtant pas à l'épreuve du temps, si bien que l'année 1947 voit la rupture du Tripartisme après le renvoi des ministres communistes du Gouvernement Ramadier. Dès lors exclus du pouvoir, ils se placent dans l'opposition à leurs anciens alliés et surtout au régime dans son ensemble. [...]
[...] Cette perte de repères progressive permet l'avènement d'une forme de pouvoir charismatique au poste de Président du Conseil. Face à un système instable, politicien (dans le mauvais sens du terme) et incompréhensible, on se tourne de plus en plus vers la figure du sauveur Ainsi, le Président du Conseil voit son image renforcée et certains atteignent paradoxalement des sommets de popularité. Antoine Pinay s'identifie au français moyen, gestionnaire prudent, et gagne une large popularité, donnant naissance au mythe Pinay Pierre Mendès-France cultive également une certaine image d'homme actif et courageux, précurseur de la communication en politique, dépoussiérant du même du coup l'image terne du Président du Conseil au travers du mendésisme Il ira jusqu'à abandonner la pratique de la double investiture. [...]
[...] On assiste alors à un véritable clientélisme au service des partis puissants qui veulent s'arroger les meilleurs postes ministériels, et refusent de voter l'investiture avant d'avoir obtenu satisfaction. A l'opposé de l'instabilité, la stabilité ne peut par conséquent être trouvée que dans l'immobilisme. C'est la méthode adoptée par Henri Queuille, trois fois Président du Conseil, qui explique : Il n'y a pas de problème qu'une absence de solution ne finisse par résoudre Il est donc clair, à mi-parcours, que la IVème République est prise en otage par les partis : on retrouve bien le régime des partis généralement dénoncé. [...]
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