« L'instituteur du social » : la formule est de Pierre Rosanvallon. Elle résume la fonction de l'Etat qui est la plus corrélative à son rôle de producteur de nation. L'Etat serait ainsi l'épine dorsale de la nation, ce qui la fait se tenir droite et ferme. L'étymologie nous le rappelle : Etat vient en effet de stare, qui, en latin, signifie « se tenir debout »
[...] Cette mesure s'inscrit dans une profonde modification du rapport entre société et Etat. Celui-ci veut en effet qu'aucun corps intermédiaire ne s'immisce entre l'individu et lui. L'Etat français devient alors agent d'unification une société d'individus atomisés et producteur de sociabilité Dans son ouvrage L'Etat en France de 1789 à nos jours, Pierre Rosanvallon détaille cette institution du corps social. Comment se fait-elle ? Changer la société Le remodelage du territoire, une centralisation moderne Le territoire est remodelé en départements, selon un mode d'organisation territoriale, abstraite et géométrique, où le lien social n'a de sens que dans l'appartenance à ce grand tout qu'est la nation La lutte contre les patois : l'école de la France et le service militaire La lutte contre les patois (Abbé Grégoire, Rapport sur la nécessité et les moyens d'anéantir les patois et d'universaliser l'usage de la langue française, 1794) ne vise pas qu'à rationaliser l'administration, mais également à mettre en place des techniques de mise en forme du social. [...]
[...] La Nation-Etat, concrète et vivante, serait ainsi plus profonde et plus vraie que l'Etat-nation en sa rationalité formelle et abstraite. Elle serait aussi plus vraie dans la mesure où elle reflète tous les mouvements contraires de la vie. Le social requerrait l'Etat comme norme éclairant la genèse de ses institutions juridiques et de son comportement politique Parce que l'idéal étatique œuvre comme en secret dans l'histoire du peuple national, il appartient à la nation de se transformer en Etat. En d'autres termes, la nation, en incarnant le concept rationnel de l'Etat idéal, travaille à sa réalisation. [...]
[...] Les efforts pour améliorer l'hygiène urbaine sont relayés par les progrès de la médecine qui permettent notamment de traiter les épidémies telles que le choléra. La découverte par Pasteur des microbes induit une nouvelle approche de l'interaction sociale. Peu à peu s'effacent donc les frontières entre le médical et le social, la morale et la sociologie. Si la prévention représente une nouvelle extension des préoccupations de l'État, la santé nationale devient un facteur de la puissance politique et militaire d'une nation aux tentations impérialistes. [...]
[...] De surcroît l'État développe des formes de pouvoir immergées dans le système social : institutions consultatives comme les chambres de commerce ou les conseils supérieurs d'agriculture, infrastructures culturelles avec les académies, les sociétés savantes ou charitables. Ces forces participent toute ensemble à la reconstitution du tissu social. L'objectif de régénérescence morale et sociale au travers de l'asile et de la prison Parallèlement à cette régénération intellectuelle, l'État s'efforce de changer l'individu devenu citoyen sur un plan à la fois moral et physique : gouverner et soigner relèvent des mêmes principes. [...]
[...] Dès lors, à cause de cette force du social, l'Etat national change de figure. A l'épure rationnelle qu'en a tracée Sieyès, il est indispensable, dit-on, d'insuffler la vie et le sentiment. L'Etat national en effet, loin d'être l'œuvre d'un entendement séparateur et constructeur, est une production de la vie : le Volksgeist, plus profond que la réalisation rationnelle qu'en opère l'Etat, appartient au corps organique d'une vie commune et substantielle (Hegel). Désormais, par conséquent, l'idée d'un social autonome acquiert une dignité qui tend au refus du concept d'Etat comme entité impersonnelle, juridico-politique abstraite et autosuffisante. [...]
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