Montesquieu, s'appuyant sur l'exemple anglais, a montré que, pour écarter le despotisme, il convenait de distinguer des « pouvoirs » au sein de l'Etat et de créer un équilibre entre eux. À partir de sa démonstration, différentes conceptions de la séparation des pouvoirs ont été mises en œuvre : séparation stricte ou séparation souple, prépondérance de l'Exécutif ou du Législatif, pouvoir ou simple autorité judiciaire. Si les institutions américaines et britanniques ont évolué de manière paisible, les ruptures ont été nombreuses dans les systèmes constitutionnels d'Europe continentale ou du Japon, la France étant peut-être le pays qui a expérimenté les systèmes les plus nombreux et les plus variés.
Il est néanmoins intéressant de constater qu'après deux siècles d'expérience dans les grands systèmes constitutionnels (présidentiel américain, parlementaires européens et semi-présidentiel français), et en faisant abstraction du pouvoir des institutions communautaires, les convergences semblent devoir peu à peu prendre le pas sur les différences. Ces évolutions dessinent un équilibre des pouvoirs sensiblement distinct des modèles issus de la théorie politique traditionnelle.
On le constate avec la prédominance de l'Exécutif dans le couple Exécutif-Législatif, mais également avec la remise en cause de la prépondérance conjointe de ces deux pouvoirs, du fait de la montée en puissance du pouvoir juridictionnel et des autorités politiques infra-étatiques. Dans quelle mesure a évolué l'équilibre initial des constituants du fait de la pratique notamment ?
Dans un premier temps nous nous attacherons au déséquilibre entre l'Exécutif et le Parlement, et ce au profit du premier (I) ; puis nous étudierons la remise en cause de ce couple par un double phénomène : la montée en puissance du pouvoir juridictionnel et le processus accéléré de décentralisation dans les Etats unitaires (II).
[...] B / La disparition de fait de la responsabilité gouvernementale devant le Parlement et la responsabilité directe de l'Exécutif devant le peuple La disparition de facto de la motion de censure - Certes, la motion de censure n'existe pas toujours : aux Etats-Unis du fait de la séparation stricte des pouvoirs ou au Royaume-Uni, de par la coutume. Cependant, quand elle existe, son utilisation est rendue difficile. Même si l'article 49 de la Constitution en France offre cette possibilité, on doit noter l'extrême rareté de son utilisation ; il en est de même au Japon. Par ailleurs, la motion de défiance constructive en Allemagne pose certaines conditions à l'enclenchement de ce procédé, et avant tout l'obligation de proposer un remplaçant au Chef du Gouvernement ; les Constitutions belge et espagnole s'en sont inspirées. [...]
[...] En Espagne, en Italie et en Allemagne, le juge ordinaire doit renvoyer le contrôle de la constitutionnalité des lois au tribunal constitutionnel, alors qu'en France, la loi n'est contrôlée qu'a priori. Mais en Europe, du fait notamment de la construction européenne et du principe de primauté du droit communautaire, tous les Etats membres ont reconnu dans les années 1970 ou 1980 à leurs juridictions le pouvoir d'écarter une norme, même législative et postérieure, qui méconnaît soit tout engagement supranational, soit un acte de droit communautaire, primaire (un des Traités) ou dérivé (règlement, directive, décision) : remise en cause notamment de la conception française de la séparation des pouvoirs qui interdisait du juge d'écarter la loi. [...]
[...] - Les autres mécanismes de contrôle de l'action de l'Exécutif n'aboutissent qu'exceptionnellement à la mise en jeu de sa responsabilité politique. Les plus efficaces sont paradoxalement ceux des Etats-Unis : l'impeachment (cf. le Watergate) et les commissions d'enquête. Ailleurs, les Gouvernements tombent parfois sous la pression de la rue (Gouvernement Mauroy sur l'école), ou des ministres sont contraints à la démission, mais les moyens dont disposent les parlementaires sont limités (parfois délibérément : cf. le parlementarisme rationalisé français ou espagnol) : questions, commissions d'enquête aux pouvoirs réduits. [...]
[...] En effet, ces traités et accords sont négociés, conclus et ratifiés par l'Exécutif : même si l'autorisation de ratification est souvent donnée (avec un vote binaire) par le Parlement. Ce déséquilibre est moins net aux Etats- Unis, où le Président a intérêt à s'assurer de l'accord préalable du Sénat. Les causes sont partout les mêmes : un rapport direct s'instaure entre le peuple et l'Exécutif, par delà le Parlement - La complexité des problématiques que seule l'administration maîtrise réellement conforte la prépondérance de l'Exécutif et contribue à marginaliser le Parlement, notamment en raison de la faiblesse des moyens administratifs des assemblées, exception faite du Congrès américain. [...]
[...] Mais il contribue également à la montée en puissance du pouvoir juridictionnel, sur le fondement du principe de la primauté du droit communautaire sur les normes de droit interne, y compris pour la Commission et pour la Cour de justice sur les Constitutions nationales. Il reconnaît également les régions, souvent consultées au sein d'un Comité des régions En fin de compte, les différences principales dans les équilibres institutionnels continuent d'opposer le système américain, fédéral, de séparation stricte et d'équilibre des pouvoirs, relativement stable, aux systèmes européens à dominante parlementaire, de séparation souple des pouvoirs, qui demeurent de manière générale plus ouverts à des modifications de l'équilibre des pouvoirs. [...]
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