"Dieu nous garde de l'équité des parlements". Ce célèbre adage de l'Ancien Régime révèle la méfiance très française envers nos juges. Contrairement au système de la Common Law qui fait de la jurisprudence une source première du droit, notre système tend à sévèrement l'encadrer. C'est d'ailleurs l'esprit de l'article 5 du Code civil qui prohibe les arrêts de règlement.
Aujourd'hui, on est pourtant loin du modèle selon lequel le juge ne serait que la bouche de la loi. Faut-il pour autant se méfier, comme sous l'Ancien Régime, de l'étendue du pouvoir des juges ? Cela n'est pas certain, car la protection des droits fondamentaux fait de plus en plus partie du raisonnement du juge, et ce, à différents niveaux juridictionnels.
Les principes généraux du droit administratif et communautaire ainsi que les objectifs de valeur constitutionnelle sont en effet des normes non écrites respectivement issues du Conseil d'État, de la Cour de justice de l'Union européenne et du Conseil constitutionnel qui sont au service des droits fondamentaux. Les objectifs de valeur constitutionnelle se distingue toutefois par la particularité de leur nature dans la mesure où ils ne constituent pas des droits subjectifs opposables aux autorités publiques.
Ceux-ci sont plutôt un instrument dont disposent ces dernières afin de réguler l'exercice des droits fondamentaux. On parlera ainsi plutôt de principes fondamentaux. Les principes généraux du droit, au contraire, sont la plupart du temps des droits fondamentaux. La Cour de justice de l'Union européenne a ainsi pu affirmer dans un arrêt Stauder du 12 novembre 1969 que « les droits fondamentaux sont compris dans les principes généraux de l'ordre juridique communautaire ».
[...] La Cour de justice découvre ces principes généraux du droit principalement à partir des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres[6] et de la Convention européenne des droits de l'homme[7]. Quant aux principes généraux du droit et aux objectifs de valeur constitutionnelle, ils sont généralement dérivés de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789[8] mais peuvent aussi l'être du Préambule de 1946[9]. Toutefois, nombreux sont encore les doutes sur la notion même de fondamentalité. Il convient dans un premier temps de rappeler qu'une liberté fondamentale est nécessairement un droit fondamental dans la mesure où elle bénéficie nécessairement d'une garantie et est opposable aux tiers. [...]
[...] Non seulement celle-ci n'a pas été reconnue dans la Constitution, mais elle n'a pas été reconnue pour la première fois par le juge constitutionnel. En effet, la notion de droit fondamental émerge d'abord devant les juridictions ordinaires[13] avant d'émerger devant les juridictions constitutionnelles. On peut également mentionner qu'il arrive au Conseil constitutionnel de reconnaître valeur constitutionnelle à un principe général du droit. Ce fut le cas pour la continuité des services publics qui a d'abord été un principe général du droit[14] avant d'être un principe de valeur constitutionnelle[15]. Cela également témoigne du fait que la fondamentalité précède la constitutionnalité. [...]
[...] On remarque toutefois que "par la façon dont ils disent le droit (les juges) agissent comme si ces droits existaient réellement sans être nécessairement posés et comme s'ils étaient susceptibles de s'imposer à l'encontre de toute autre considération, droit ou pouvoir, quand bien même le droit formellement légiféré ne le permettrait pas, voire s'y opposerait"[17]. Le plus fréquemment pourtant, le juge impose les droits fondamentaux secundum legem, c'est-à-dire par application des normes qui consacrent ces droits. L'existence juridique des droits fondamentaux ne s'affranchit donc pas complètement du droit formel. Les principes généraux du droit communautaires dérivent ainsi le plus souvent des traditions constitutionnelles des Etats membres[18] ou de la Convention européenne des droits de l'homme[19]. [...]
[...] Que nous enseignent les "principes généraux du droit" et les "objectifs de valeur constitutionnelle" ? "Dieu nous garde de l'équité des parlements". Ce célèbre adage de l'Ancien Régime révèle la méfiance très française envers nos juges. Contrairement au système de la Common Law qui fait de la jurisprudence une source première du droit, notre système tend à sévèrement l'encadrer. C'est d'ailleurs l'esprit de l'article 5 du Code civil qui prohibe les arrêts de règlement[1]. Aujourd'hui, on est pourtant loin du modèle selon lequel le juge ne serait que la bouche de la loi[2]. [...]
[...] On trouvera ainsi en droit communautaire comme en droit administratif des principes généraux du droit, mais également, au niveau constitutionnel, des principes de valeur constitutionnelle.Le juge peut aller plus loin en reconnaissant un principe général de droit dans le silence du droit formel, c'est-à-dire praeter legem. C'est d'ailleurs ce que le Conseil d'Etat affirme dans son arrêt Aramu : Il résulte de ces prescriptions, ainsi d'ailleurs que des principes généraux du droit applicables même en l'absence de texte, qu'une sanction ne peut à ce titre être prononcée légalement sans que l'intéressé ait été mis en mesure de présenter utilement sa défense »[21].Dans la jurisprudence administrative, on a pu également voir l'émergence de droits fondamentaux contra legem, c'est-à-dire à l'encontre de la loi. [...]
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