Dans les années 1970, l'instauration d'un contrôle de constitutionnalité des lois, apparu dans la plupart des démocraties européennes au lendemain de la seconde guerre mondiale, fut accueillie en France par un accord assez large de la classe politique, malgré une tradition et une culture politiques qui devaient moins bien s'y prêter. La défiance à l'égard de l'institution judiciaire, résultat de l'expérience malheureuse de l'Ancien Régime, bien sûr y contribuait ; mais aussi la pesanteur des théories rousseauistes : la souveraineté populaire, qui ne saurait être subordonnée, et la volonté générale, en fait la volonté de la majorité, qui ne saurait errer.
Pendant environ deux siècles cette conception a prévalu et la recherche d'un régime démocratique avait dès lors pour objets le processus de désignation des représentants et l'équilibre entre les différents pouvoirs. Dans cette optique, le seul contrôle acceptable de la loi ne pouvait être que la vérification du respect des procédures ; on a d'ailleurs parlé à son sujet d'une démocratie conçue comme un « processus ».
[...] Cette préoccupation doit être la nôtre même dans les hypothèses où une saisine du conseil constitutionnel est peu vraisemblable. ; désormais la jurisprudence constitutionnelle est prise en compte non seulement dans les débats à l'assemblée, mais aussi plus en amont, lors de l'élaboration des projets ou propositions de loi. De plus, le ccel pratique l'amortissement des alternances : il interdit à une nouvelle majorité d'abroger une réforme si cela a pour conséquence de restreindre l'exercice d'une liberté ou sa garantie, ou encore il atténue les politiques de rupture (l'exemple des nationalisations ou du régime de la presse). [...]
[...] L'utilisation stratégique du contrôle par l'opposition En plus d'être effective, la critique de l'opposition est maintenant relayée ; c'est donc dans l‘optique des échéances électorales qu'elle s'exerce : Le recours à la ‘'norme juridique s'opère ainsi dans la logique d'un bricolage tactique. D. Gaxie. La saisie du conseil devient la preuve de la volonté de l'opposition. Effets pervers possible : si une loi importante n'est pas déférée devant le ccel l'opposition peut-être accusée d'avoir mené un combat politicien. Mais ce recours à la norme juridique permet aussi à l'opposition de rendre effective sa critique dans l'immédiat lorsque le ccel censure une loi en donnant raison à ses arguments. [...]
[...] De 1958 à 1974, seulement une dizaine de décisions ; de 1974 à aujourd'hui, plus de quatre cent cinquante saisies : la réforme de 1974 fut décisive pour le développement du contrôle de constitutionnalité des lois. En élargissant le droit de saisine à 60 députés ou 60 sénateurs, Valéry Giscard d'Estaing offrait à l'opposition la possibilité de mettre en cause l'action de la majorité devant le conseil constitutionnel et à ce dernier le pouvoir, jusqu'alors impensable, de censurer la loi produite régulièrement par le législateur. [...]
[...] La production législative s'inscrira dans le cadre de ces solutions. La jurisprudence constitutionnelle fixe ainsi des bornes à la loi en lui imposant le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; l'exercice de ce contrôle ne se développant que par le biais du statut conféré à l'opposition par la réforme de 1974 (cf. B sur la stratégie de l'opposition), on a pu parler à raison du génie de cette réforme. Mais pourquoi vouloir ce contrôle ? B Une nouvelle conception de la démocratie Autres critiques de la démocratie majoritaire Au-delà du fait de rompre l'équilibre préconisé par Montesquieu, les démocraties majoritaires ont pour effet de dissocier gouvernés et gouvernants en confiant la prise de décision à ces derniers sans possibilité pour les premiers de s'exprimer par la suite. [...]
[...] En effet la conception majoritaire de la démocratie montrait ses limites. Ainsi, face au déséquilibre institutionnel qu'elle produit, le contrôle de constitutionnalité, par le biais de l'opposition, exerce un contrôle sur la majorité toute puissante ; et face à l'impossibilité de garantir les droits de l'homme par la confiance en la rationalité du législateur, ce contrôle définit une nouvelle conception de la démocratie où la loi doit se plier au respect des droits de l'homme (II). Le contrôle de constitutionnalité comme réponse au pouvoir de la majorité A L'obsolescence de la division classique des pouvoirs Critiques de la démocratie majoritaire La démocratie majoritaire implique l'exercice du pouvoir par la majorité élue par le peuple (donc importance de la procédure électorale) et la séparation des pouvoirs afin de protéger les droits des citoyens face au pouvoir (Montesquieu et Louvet de la Somme, pour qui la séparation reste« la plus forte garantie qui puisse exister de la stricte observance de la constitution Constat : la division du pouvoir en trois branches (législatif, exécutif et judiciaire) censées s'équilibrer grâce à un système de contrepoids ne fonctionne plus ; le pouvoir se concentre toujours au final entre les mains de l'exécutif. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture