Bien que tardivement consacré au niveau constitutionnel, le principe de dualité de juridiction – même s'il existe dans d'autres pays (Italie ou pays du Benelux) - est au fondement même du système juridique français. Pour autant, la notion ne va pas de soi. Brièvement mentionnée dans l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 – et encore sous une forme détournée, la dualité de juridiction est un raccourci sémantique qui ne rejoint que partiellement la réalité juridique. En effet, il s'agit bien plus d'une « dualité d'ordres de juridictions » dans la mesure où il existe plusieurs juridictions au sein de chaque ordre administratif et judiciaire. Au-delà de cette précision conceptuelle, un certain nombre de juristes aujourd'hui estiment que la dualité de juridiction est dépassée. Derrière ces critiques se cache, plus globalement, une remise en cause de la juridiction administrative, qui serait nécessairement plus partiale, plus lente et moins généreuse que la juridiction judiciaire. Par conséquent, la dualité de juridiction se justifie-t-elle encore aujourd'hui ?
[...] La dualité de juridiction se justifie-t-elle encore aujourd'hui ? Bien que tardivement consacré au niveau constitutionnel, le principe de dualité de juridiction –même s'il existe dans d'autres pays (Italie ou pays du Bénélux)- est au fondement même du système juridique français. On en trouve les premières traces sous l'Ancien Régime, notamment lorsque l'édit de Saint Germain de 1641 interdit aux Parlements, c'est-à-dire aux tribunaux, de connaître des affaires de l'Etat. La période révolutionnaire, qui coïncide avec l'émergence d'une administration stricto sensu, marque la naissance juridique de la dualité de juridiction. [...]
[...] La loi du 8 février 1995, qui donne au juge administratif un pouvoir d'injonction à l'égard de l'administration pour faire respecter les arrêts qu'il rend, s'inscrit dans une démarche similaire. En dernier lieu, le juge administratif, dont les indemnisations ont longtemps été considérées comme trop parcimonieuses, répare, à l'instar du juge judiciaire, le dommage moral (Conseil d'Etat ministre des Travaux publics contre Consorts Letisserand) et la souffrance physique (Conseil d'Etat Ville de Grigny). Notons aussi qu'afin de renforcer l'accessibilité de la juridiction administrative auprès du justiciable, le recours au juge administratif a été rendu gratuit par un décret de 2003 (qui supprime le timbre fiscal de Par conséquent, la juridiction administrative a pris acte des reproches régulièrement adressés à son encontre pour engager les réformes nécessaires. [...]
[...] Ces liens apparaissent à la fois dans la composition des juridictions administratives (le recrutement se fait par une formation largement administrative, au sein de l'ENA notamment) et dans leur fonctionnement (le Conseil d'Etat est conseiller du gouvernement). Cette proximité ab initio entre le juge administratif et l'administration ne peut qu'être source d'efficacité. Dans la portée du contrôle d'une part car le juge administratif connaît mieux le milieu administratif. Dans l'instruction des affaires de l'autre car l'administration donne plus facilement ses dossiers à un juge proche d'elle et accepte plus facilement ses décisions. [...]
[...] Ces arguments laissent à penser que la pérennité d'une juridiction administrative est plus d'actualité que jamais et que la dualité de juridiction, malgré ses imperfections, est la plus à même de garantir la séparation des pouvoirs à la française Ainsi, la dualité de juridiction se justifie encore aujourd'hui et il semble émerger désormais un assez large consensus sur la question. Malgré ses imperfections, le système dual, qui frappe par sa stabilité au cours des deux derniers siècles, prend acte des missions particulières de l'administration et repose avant tout sur l'idée que seule une juridiction distincte de l'ordre judiciaire est capable de soumettre l'administration à la règle de droit. La capacité d'adaptation et de modernisation dont la justice administrative fait preuve rappelle, qu'au-delà de son caractère sacré, la dualité de juridiction reste le système juridique le plus efficace. [...]
[...] Malgré sa consécration constitutionnelle, le principe de dualité de juridiction fait aujourd'hui l'objet d'une double remise en cause. En premier lieu, ce système juridique à double visage se voit souvent reprocher sa complexité auprès du justiciable. En effet, l'existence de deux ordres de juridictions, entre lesquelles la répartition des compétences ne va pas toujours de soi, peut compliquer la démarche du requérant -voire la décourager lorsque des erreurs rallongent la procédure et la rendent plus coûteuse. La dualité de juridiction peut s'avérer encore plus problématique lorsque les deux juridictions se déclarent incompétentes sur une affaire ; si le requérant ne saisit pas le Tribunal des Conflits pour qu'il détermine le juge compétent, il peut y avoir déni de justice. [...]
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