« La IIIème République, en domestiquant l'exécutif, a donné naissance au parlementarisme absolu ». Cette domestication de l'exécutif dont parle René Carré de Malberg passe tout d'abord par l'interprétation faite par Jules Grévy de la Constitution, en renonçant à l'exercice du droit de dissolution, privant alors l'exécutif de son moyen d'action classique envers l'autorité parlementaire. Cette réflexion trouve sa source dans la théorie de la séparation des pouvoirs de Montesquieu : pour qu'un gouvernement soit modéré -- et c'est le but -- il faut séparer les fonctions (exécutive, législative et juridictionnelle) et les assigner à des organes matériels spécifiques, qui devront être à même de résister les uns aux autres ; il s'agit ici des moyens d'action réciproque mis à la disposition de ces organes, et donc de l'équilibre des pouvoirs. Les lois constitutionnelles de 1875 et la Constitution de 1946 introduisant un régime de séparation souple des pouvoirs, chacune des deux autorités, parlementaire et exécutive, devrait pouvoir jouir de moyens d'action l'une sur l'autre.
Mais en réalité, chacune des deux entités de l'exécutif bicéphale constitutif des régimes parlementaires de la IIIème et de la IVème République vont renoncer à l'exercice du droit de dissolution (de la chambre basse), entraînant un déséquilibre des rapports de force (entre autorités exécutives et parlementaires), et donc la naissance d'un « parlementarisme absolu » et l'échec d'une séparation matérielle des pouvoirs.
Il convient donc en premier lieu d'étudier, sous les IIIème et IVème Républiques, la manière dont l'exécutif renonce à l'exercice du droit de dissolution (I), puis de voir comment cela mène à la soumission de l'exécutif à l'autorité parlementaire (II).
[...] Sous la IVème République, le Président de la République intervient en aval et en amont dans le domaine législatif (initiative et promulgation). L'article 13 de la Constitution précise : l'Assemblée Nationale de vote seule la loi et elle ne peut déléguer ce droit Elle ne fera pourtant, par le biais des lois d'habilitation (extension du pouvoir réglementaire ou délégation d'une partie du pouvoir législatif, mais ceci provisoirement), et par le biais de la loi André Marie du 17 août 1948 précisant que certains domaines ont par nature un caractère réglementaire délégalisant ainsi un pan entier du pouvoir législatif, et créant une habilitation générale et permanente (et inconstitutionnelle) au pouvoir réglementaire. [...]
[...] Le refus de la dissolution coup de force Les lois constitutionnelles de 1875 prévoient en effet le droit de dissolution, dont le détenteur est le Président de la République. Celui-ci ne concerne que la Chambre des Députés ( le Sénat dispose d'ailleurs à ce sujet du pouvoir d'empêcher et on peut déjà noter un déséquilibre puisque ceci signifie que le Sénat en est à l'abri alors qu'il est en mesure de renverser le gouvernement au même titre que la chambre basse. [...]
[...] Ainsi, jusqu'en 1954 (où le Président du Conseil se présente avec ses ministres et son programme une fois devant l'Assemblée Nationale et est investi à la majorité relative), les Présidents du Conseil, détournant la Constitution, se représenteront une deuxième fois devant l'Assemblée Nationale. De plus la Chambre basse dispose de la motion de censure (qui ne sera jamais utilisée) et surtout de la possibilité de rejeter la question de confiance. B. Une confusion des fonctions René Carré de Malberg disait que la séparation matérielle des fonctions n'était pas assurée. En effet, il intervient entre exécutif et législatif des échanges, parfois inconstitutionnels. Sous la IIIe République, l'exécutif (ici le Président de la République) intervient dans le domaine législatif par l'initiative des lois. [...]
[...] En renonçant à cette arme, l'exécutif de la IIIème et de la IVème République se pose lui-même en position d'infériorité vis-à-vis du Parlement. II. Un exécutif tributaire du parlement L'équilibre des pouvoirs n'est plus assuré car l'autorité dispose elle de nombreux moyens d'action sur l'exécutif (sur le gouvernement plus particulièrement) ; les gouvernements, pour rester en place, doivent donc se conformer aux désirs de la majorité parlementaire, et ceci peut être considéré comme une intrusion du parlementaire dans l'exécutif ; en contrepartie se développent des moyens pour le pouvoir réglementaire de s'introduire dans le domaine législatif A. [...]
[...] Les lois constitutionnelles de 1875 et la Constitution de 1946 introduisant un régime de séparation souple des pouvoirs, chacune des deux autorités, parlementaire et exécutive, devrait pouvoir jouir de moyens d'action l'une sur l'autre. Mais en réalité, chacune des deux entités de l'exécutif bicéphale constitutif des régimes parlementaires de la IIIème et de la IVème République vont renoncer à l'exercice du droit de dissolution (de la chambre basse), entraînant un déséquilibre des rapports de force (entre autorités exécutives et parlementaires), et donc la naissance d'un parlementarisme absolu et l'échec d'une séparation matérielle des pouvoirs. [...]
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