La pratique des décrets-lois de la IV° République va être très fortement contestée et nuire à la légitimité des gouvernements, qui ne vont plus tenir leur pouvoir que des Chambres. De plus cette procédure, au contraire de son but qui était de remédier à l'instabilité ministérielle, va être à l'origine du renversement fréquent des gouvernements par les chambres.
Les constituants de 1946 ont voulu prendre le contre-pied de cette pratique de la IIIe République et ont ainsi affirmé que l'Assemblée vote seule la loi et qu'elle ne peut déléguer ce droit à l'article 13 de la constitution de la IVe République, interdisant ainsi la pratique des décrets-lois. Cependant pour éviter la paralysie gouvernementale on est rapidement revenu à ce type de pratiques. La délégation de compétence a pris trois formes différentes : celle de la délimitation du pouvoir réglementaire par la loi Marie du 17 août 1948 ; celle des lois d'habilitation c'est à dire des lois par lesquelles le Parlement habilite l'exécutif à régir certaines matières pendant un délai préfixé par la loi, sans pour autant « déléguer » le pouvoir législatif ; et enfin celle des lois-cadres qui consiste pour le Parlement à fixer les principes et à donner de larges pouvoirs pour leur application, les décrets pris par le gouvernement dans ce cadre devant généralement être ratifiés par le parlement.
[...] Un double contrôle exercé sur les ordonnances de l'article 38 de la constitution Le contrôle des ordonnances par le Conseil d'Etat. Tant qu'elles n'ont pas été ratifiées par le Parlement, et même si le projet de ratification a déjà été déposé, les ordonnances de l'article 38 demeurent des actes administratifs qui, en tant que tels, peuvent être déférés au Conseil d'Etat par la voie du recours pour excès de pouvoir, ainsi que le conseil constitutionnel l'a lui-même rappelé dans une décision du 8 août 1985. [...]
[...] Le contrôle du Conseil Constitutionnel a été renforcé, cela est visible dans sa jurisprudence récente en matière d'ordonnances. Le Conseil d'Etat a ainsi été conduit à apprécier leur légalité par rapport à certains principes constitutionnels notamment dans les arrêts : du 1er décembre 1997 sur l'égalité devant les charges publiques et sur la liberté du commerce et de l'industrie, et sur les règles relatives à la répartition des compétences entre juridictions administratives et judiciaires ; du 30 juin 2003 où il s'est prononcé sur le principe d'indivisibilité de la République et du 19 octobre 2005 où il se prononce même sur l'incompatibilité avec certains engagements internationaux relatifs notamment à certains engagements internationaux. [...]
[...] En procédant à ce contrôle, le Conseil Constitutionnel examine si la loi d'habilitation correspond bien à la logique même de l'article 38, qui n'autorise pas une habilitation sans limites du gouvernement. Par ce contrôle, le Conseil se situe dans une logique prospective, qui le conduit à anticiper le contenu des futures ordonnances par rapport aux dispositions de la loi d'habilitation, parce qu'il peut seulement supposer une future inconstitutionnalité. Ce contrôle est éminemment préventif. Les ordonnances ne sont soumises à aucune autre condition de forme, le Conseil Constitutionnel peut considérer qu'une ordonnance est valable par son seul caractère d'urgence, mais l'article 38 ne peut se résumer à ce seul caractère. [...]
[...] Les constituants ont ainsi jugé sage de prévoir une dérogation, temporaire et contrôlée, à la répartition des compétences entre la loi et le règlement prévu par les articles 34 et 37. Cette dérogation a été rationalisée par des règles de procédure, que nous avons développées précédemment, plus précises et strictes que sous la IIIème et IVème République même si elles vont dans le même sens que les décrets-lois et lois-cadres. De nouveaux domaines d'intervention des ordonnances qui les distinguent des pratiques des deux précédentes Républiques. [...]
[...] Cette délégation de pouvoirs du Parlement marque le début d'une pratique qui va se poursuivre tout au long de la IIIème et IVème République. Cette procédure de délégation va se systématiser et prendre à partir des années 30 la forme de décrets-lois, pratique qui consiste à déléguer au gouvernement le droit de prendre par mesure réglementaire des décisions qui ressortissent normalement du pouvoir législatif. A partir de 1934, il y a eu tous les ans excepté en 1936, au moins une délégation de pouvoir, et ce, quelle que soit la couleur du gouvernement : Doumergue en 1934, Laval en 1935, Blum et Chautemps en 1937 et 1938, Daladier en 1938. [...]
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